Effets spéciaux, sonorisation... Comment Star Wars a changé la face du cinéma mondial
La saga "Star Wars" s’achève avec l’"Episode IX : L’Ascension de Skywalker". Retour sur la conception, la réalisation et l’évolution de trois trilogies phares du cinéma depuis 1977.
Avec Star Wars (1977), La Guerre des étoiles en France, George Lucas a créé un empire : les productions Lucasfilms, ILM, le studio d’effets spéciaux le plus performant du monde, et un label de sonorisation des films, THX. Sans parler de "la marque" Star Wars qui s’applique à tout le merchandizing autour des films depuis 1977. Lucas a vendu Lucasfilm à Disney en 2012 pour 4 milliards de dollars. Une vente qui a bouleversé l'entreprise ; art et industrie s’enchevêtrent dans le monde du cinéma, surtout aux Etats-Unis. Et quand il s’agit de Star Wars, les enjeux sont énormes.
Quand il veut réaliser Star Wars, au milieu des années 1970, personne ne croit en George Lucas. Convaincu, il va y parvenir, changer la face d’Hollywood et du cinéma mondial.
Un projet indésirable
Au milieu des années 70, quand George Lucas propose son scénario Star Wars aux studios hollywoodiens, il a deux longs métrages derrière lui. THX 1138 (1971) est la version longue de son court métrage de fin d’études réalisé à l’USC (l'Université de Californie du sud), où il a croisé Francis Ford Coppola, Steven Spielberg et Brian de Palma. Film de science-fiction (déjà) avec Robert Duvall, THX est un succès critique et dans une moindre mesure, public.
Dans la foulée, Universal lui permet de réaliser American Graffiti (1973) où le réalisateur évoque ses années d’adolescence dans les années 50. Succès encore, qui engendrera la série TV Happy Days (Les Jours heureux en France), avec Ron Howard qui deviendra réalisateur (Splash, Apollo 11, Solo : a Star Wars Story).
Au milieu des années 1970, la science-fiction n’a pas la cote à Hollywood. Les derniers succès sont La Planète des singes (1968, Franklin J. Schaffner), 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968, Stanley Kubrick) et Soleil vert (1973, Richard Fleischer). Des films qui coutent cher et pas forcément rentables. Lucas frappe à toutes les portes qui restent fermées. Finalement, la 20th Century Fox l’accueille, Georges Lucas proposant de ne pas être payé comme réalisateur, en échange de toucher les royalties du marchandizing. Contrat signé. Lucas y gagnera au centuple.
Les origines
Amateur de science-fiction et de comics, George Lucas veut à l’origine réaliser une version moderne des aventures de Flash Gordon, célèbre bande dessinée des années 30 créée dans la foulée du succès de Buck Rogers. Le futur réalisateur a été biberonné à ce serial diffusé sur le petit écran dans les années 50-60. Son but : renouveler les aventures spatiales de Flash Gordon pour les nouvelles générations. Le texte défilant en perspective au début de chaque épisode de la saga est un hommage à celui qui ouvrait ceux du serial.
Lucas n'obtiendrat pas les droits de Flash Gordon, étonnamment détenus par le réalisateur français Alain Resnais, grand amateur de BD qui ne parviendra pas à l’adapter faute de budget. Lucas persiste et écrit son propre scénario original. Flash Gordon va devenir Luke Skywalker, sa compagne, Dale Arden, la Princesse Leia, Ming le maléfique, un mélange de Darth Vader et de l’Empereur Palpatine… Nourri par la lecture du mythologue James Campbell (Le Héros au mille et un visages), Star Wars va s’enrichir de mythes ancestraux qui vont transformer considérablement son projet.
Dans des interviews de 1977, George Lucas disait que son scénario pouvait donner lieu à trois trilogies. Celle inaugurée avec La Guerre des étoiles, une autre qui raconterait ce qui la précède, et une troisième sur les événements postérieurs. Avec comme lien : deux robots (C-3PO et R2D2) que l’on retrouverait dans tous les épisodes. Inimaginable à l’époque, c’est bel et bien ce qu’il est advenu, au terme de 42 années d’efforts.
Succès inattendu et innovations
En 1977, 20th Century Fox sort du bout des lèvres le film en salles aux Etats-Unis ne croyant aucunement à son succès. Les rares cinémas qui l’affichent sont pris d’assaut dès le premier jour, et le parc de salles est élargie au centuple. Même phénomène à l’étranger : le film bat des records au box-office. Le phénomène ne se démentira jamais, multipliant les déclinaisons de ce qui devient rapidement une franchise, sinon une marque : Star Wars.
La Fox pensait au départ réaliser un petit film d’aventures spatiales à petit budget. En s’exemptant de son salaire de réalisateur, et en se privant d’acteurs connus (sauf Alec Guinness), tout le budget passe dans les effets spéciaux (SFX) et un tournage en Tunisie. Lucas veut des trucages à la hauteur de ceux de 2001 : L’Odyssée de l’espace, l’étalon-or en la matière. Le résultat est spectaculaire et va devenir, à son tour, La référence.
Il créé à cette occasion ce qui va devenir le plus grand studio d’effets spéciaux au monde, Industrial Light and Magic, avec ses spécialistes en SFX que sont Richard Edlund et Dennis Murren. Pierre angulaire du projet : l’illustrateur Ralph McQuarrie, chargé de visualiser chaque scène imaginée par Lucas avant leur réalisation. Des planches magnifiques qui préfigurent exactement leur rendu à l’image. Il exercera son génie sur Star Wars jusqu’à sa mort en 2012.
L’autre apport majeur de Star Wars au cinéma est celui de l’attention portée au son. Il fallait en effet dès le premier film inventer des sons nouveaux : le vrombissement des vaisseaux spatiaux, le langage des robots, les vibrations et entrechocs des sabres laser… Les recherches et l’exigence des textures sonores engagèrent Lucas à créer son propre studio de conception sonore, Skywalker Sound, désormais propriété de Disney. Lucas créera un label garantissant la qualité de sonorisation des salles de cinéma : THX, toujours en vigueur. La marque renvoie au titre de son premier film THX 1138. Sans parler de la musique de John Williams qui les accompagne, véritable opéra symphonique, galactique.
Toujours plus
Dès 1977, tout est en place. Le marché conclu entre George Lucas et la Fox d’engranger les royalties des produits dérivés Star Wars s’est confirmé juteux : T. Shirts, linge de maison, vaisselles, posters, figurines, poupées, maquettes, novélisations, Lego et autres marques se ruent sur une corne d’abondance infinie. Les millions engendrés permettent à Lucas de produire ses films.
Le succès de La Guerre des étoiles ne pouvait qu’engendrer une suite. Le phénomène s’est depuis développer comme une traînée de poudre. Notamment dans les films de science-fiction et de l’espace : Alien, Indiana Jones, Batman et autres Marvel… Epuisé par la réalisation complexe de son film, George Lucas confie sa suite L’Empire contre-attaque (1980) à Irvin Kershner. Le réalisateur est un spécialiste dans ce domaine, ayant réalisé la suite d’Un homme nommé cheval (La Revanche d’un homme nommé cheval) en 1976, puis il réalisera le remake du James Bond Opération Tonnerre (Jamais plus jamais, 1983) avant Robocop 2 en 1989. L’Empire contre-attaque réussit la gageure d’être encore meilleur que La Guerre des étoiles.
Des surprises constantes jalonnent le film : l’attaque sur la planète des glaces, la poursuite dans les astéroïdes, la rencontre avec Yoda, suprême maître Jedi, la cité dans les nuages, la révélation sur les origines de Luke… Plus sombre et plus adulte que son modèle, le film est considéré comme le meilleur de la série.
Alors que l’on s’attendait à une apothéose avec Le Retour du Jedi pour mettre un terme à cette trilogie historique, le film, confié au réalisateur britannique Richard Marquand, s’avère une déception. Toujours extrêmement soigné dans sa réalisation et la beauté de ses effets spéciaux innovants et spectaculaires, l’intrigue est moins complexe. Elle souffre surtout des Ewoks, petites créatures qui viennent en aide aux Rebelles contre l’Empire. Au physique de "nounours" pelucheux et primitifs, ils ne sont guère crédibles comme force combatives contre l’Empire. Les fans ont alors reproché à Lucas, qui veille toujours sur la saga, d’avoir versé dans la récupération d’un jeune public, et en faveur du marchandizing autour des poupées ewoks.
Il reste toutefois à la tête de son oeuvre, veillant notamment au montage dont il est maître dans l'art d'enchainer les scènes/actions parallèles. Il y participera jusqu'à la fin, comme une marque de fabrique.
Intermède
Conclue en 1983, la saga historique reste en suspens pendant 29 ans jusqu’en 2012. Entretemps, Lucas a entrepris son "rafraichissement" en 1997. Avec les effets spéciaux numériques, dont les nouvelles possibilités éclatent dans Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993), le réalisateur voit enfin la possibilité de peaufiner les effets spéciaux de ses films et d'y ajouter quelques éléments ici et là.
C’est notamment le premier film de la série qui en bénéficie avec l’apparition de reptiles géants que chevauchent les troupes de l’Empire (Stormtroopers), ou celle inédite de Jabba the Hutt, parrain de la pègre en conflit avec Han Solo. Il gomme à l’occasion des imperfection techniques (bordures noires sur les maquettes) et donne plus d’ampleur aux effets pyrotechniques, explosions et autres. La cité dans les nuages de L’Empire contre-attaque y gagne en décors extérieurs somptueux.
Retour vers le futur
Attaché à sa saga et observant le succès des reprises de ses films, George Lucas s’engage dans la réalisation de ses premiers espoirs : tourner une trilogie "prequel" de la série historique : raconter les origines de Luke Skywalker à travers celle de Darth Vader, son père. Star Wars – Episode I : La Menace fantôme (2012) fait revenir Georges Lucas à la réalisation, qu’il a abandonnée après 1977. Il est motivé par la souplesse des effets spéciaux mis à disposition, d’autant qu’il est à la tête du meilleur studio du monde dans ce domaine.
Le résultat a été mal accueilli par la critique et les fans, voire les spectateurs en général, malgré un franc succès au box-office. Les griefs : trop d’effets spéciaux numériques, et le personnage comique de Jar Jar Binks, jugé infantile et ridicule, vilipendé sur Internet. Mauvais jugement, le film est formidable et relance la saga, jusqu’à une fin remarquable aux dimensions de la saga. Comme son maître d’œuvre, Star Wars est un pur produit d’Hollywood, avec tous ses paradoxes, au carrefour de l’art et de l’industrie.
L’esthétique change du tout au tout. Nous sommes à une époque antérieure à celle des précédents films. Lucas a le coup de génie de modifier l'aspect des vaisseaux spatiaux immaculés des films précédents (issus du 2001 de Kubrick). Il les dynamise, y ajoute de la couleur, en se référant à l’imagerie de la science-fiction des années 1920-30. Evolution logique et magnifique, surtout pour Lucas qui se réfère toujours au Flash Gordon des années 30-40 dans sa conception première.
Tout au long de cette deuxième trilogie, les morceaux de bravoure s’enchaînent : la visite sous-marine de la planète "écologique" Naboo, puis sa bataille finale, la course des "pods" sur Tatooïne, les jeux du cirque de La Bataille des clones, le revirement d’Anakin Skywalker qui, de chevalier Jedi va rejoindre le "côté obscur de la Force" et devenir Darth Vader. Le combat contre Obi Wan Kenobi qui le conduira à devenir un être hybride, entre homme et machine, dans La Revanche des Sith est anthologique.
George Lucas semble être parvenu avec cette trilogie à concrétiser son rêve, celui qu’il avait en réalisant Star Wars en 1977, avec enfin les moyens nécessaire. Les scénarios sont ingénieux et exigeants, avec des ambitions politiques et spirituelles, la prémonition des vagues d’attentats, le radicalisme… Avec toutefois un bémol sur la romance entre Anakin et la reine Amidala, trop convenue (Cf. : La Vallée du bonheur).
Futur antérieur
Avec la réalisation de la troisième trilogie Star Wars, débute l’ère Disney de la franchise. Le studio aux grandes oreilles vient de racheter Lucasfilm en 2012 pour 4 milliards de dollars. J. J. Abrams est aux commandes du film. Le réalisateur vient de redonner vie à la franchise Star Trek. Amateur de science-fiction, créateur de la série Lost, et très bon réalisateur-metteur en scène : le choix est idéal. Très bien accueilli par la critique comme le public, Le Réveil de la force est en fait, à beaucoup d’égards, décevant.
Si l’invention visuelle est toujours au rendez-vous, le scénario s’avère un dérivé du premier film au féminin, presque un remake. Le personnage de Rey, adolescente perdue "au milieu de nulle part" suit un destin similaire à celui de Luke. Kylo Ren est un avatar falot de Darth Vader, Snoke remplace Palpatine, l’Empire est devenu le Premier ordre. Kylo s’avère le fils de Han Solo, comme Luke celui de Vader… Copie conforme.
La suite, Les Derniers Jedi, suit le même principe, en reprenant le schéma de L’Empire contre-attaque où les rebelles contre l’Empire sont en difficulté. Le début du film (fuite des rebelles face à l’Empire) et la bataille finale sur une planète glaciaire rappellent le film de 1980. Luke forme Rey comme l’a fait Yoda pour lui, elle affronte les avances du côté obscur de la Force, séduite par Kylo Ren/Darth Vader. La scène de casino modernise celle de la Cantina de 1977...
Réalisé par Rian Johnson, le film est plein de bons rebondissements, il est bien accueilli mais n’enthousiasme guère. Quelques fulgurances d’écriture et visuelles sont toutefois reconnues.
Spin off et autres goodies
En aparté de cette triple trilogie, des films réalisés en parallèle ne relèvent pas de la saga "historique" ("Spin off "dans le jargon). Passons sur deux films autours des Ewoks (1984-85), ainsi qu’une série animé TV, puis sur La Guerre des clones (des films d’animation réalisés entre 2003 et 2008), pour aboutir au magnifique Rogue One (Gareth Edward, 2016).
Disney a décidé de donner des suites parallèles à la saga officielle, se calquant ainsi sur la très large novélisation des films dans des romans à succès. Rogue One ne fait officiellement pas partie de la série, et raconte l’épisode ayant permis de recueillir les plans de l’Etoile noir, arme de destruction massive de l’Empire, enjeu du film de 1977. L’action se situe donc entre La revanche des Sith (Episode 3) et Un nouvel espoir (Episode 4). Tout le monde suit ?
C’est une merveille qui aborde l’univers Star Wars d’une façon réaliste, en se démarquant du côté merveilleux, magique et féérique de la série. Un renouvellement à la Christopher Nolan (Inviction). Le meilleur épisode de la franchise avec L’Empire contre-attaque et La Revanche des Sith.
Ce n’est pas le cas de Solo (2018), réalisé par Ron Howard. Ron Howard découvert par George Lucas qui lui donna le deuxième rôle dans American Graffiti (son deuxième film, 1973), et devenu réalisateur dans les années 80. Solo est un fiasco complet. Personnage emblématique de la saga, Han Solo, dont le film raconte les années de jeunesse et de formation comme mercenaire et voyou au grand cœur, est un film réduit à une poursuite de deux heures : épuisant. Il épouse le rythme d’un dessin animé pour enfants, avec des plans ultra-rapides et des acteurs médiocres. Reste quand-même une image des plus soignée et spectaculaire. Mais éreintant à voir.
Pour l’heure, avec la conclusion de la saga historique L’Ascension de Skywalker qui sort mercredi 18 décembre, Star Wars s’expatrie sur la plateforme de streaming Disney Plus. Disponible depuis novembre aux Etats-Unis et dans quelques pays, elle arrive en France en Février 2020. La série The Mandolarian est des plus prometteuses, à la vision de la bande annonce. Dans une ambiance très sombre, elle traite de bandes de mercenaires rivales dans l’univers Star Wars, et augure une foule d’abonnements chez Disney. Mais la série rencontrerait des difficultés techniques de réalisation pour la suite... Gageons toutefois que la Force trouvera son chemin, pour ne pas finir avant "bien longtemps dans une lointaine galaxie… "
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