La civilisation olmèque, la plus ancienne d'Amérique Centrale, au musée du Quai Branly
Têtes colossales en pierre, hommes-jaguars, figurines de jade, les sculptures des Olmèques, une civilisation précolombienne du golfe du Mexique, sont à Paris, au musée du Quai Branly
Pour la première fois en France, le musée du Quai Branly expose les impressionnantes sculptures en pierre des Olmèques, la culture la plus ancienne de la Mésoamérique (Amérique centrale précolombienne), qui s'est développée entre 1600 et 400 avant notre ère dans le golfe du Mexique et qui a encore de nombreux secrets à livrer (jusqu'au 25 juillet 2021).
C'est un projet "exceptionnel" qui s'est réalisé dans des "conditions extraordinaires", raconte Cora Falero Ruiz, conseillère scientifique au Museo Nacional de Antropologia de Mexico et co-commissaire de l'exposition. Celle-ci rassemble 300 pièces, de 1600 avant JC à 1521 de notre ère. Soit des tonnes de pierre, qui ont nécessité cinq chargements d'avions cargo. Elles viennent de dix Etats du Mexique et ont été transportées dans des circonstances particulières, en plein confinement, raconte-t-elle. De nombreuses oeuvres voyageaient pour la première fois hors du pays.
La culture olmèque est la moins bien connue de la Mésoamérique et son étude systématique est relativement récente, raconte la commissaire : cela fait moins d'un siècle qu'on l'a repérée. Un certain nombre de pièces avaient été trouvées au XIXe siècle, comme la première tête colossale, découverte en 1853 par un paysan. Mais c'est en 1927 que les spécialistes ont identifié une culture propre et "c'est une histoire qui s'écrit encore". La première expédition importante, menée par l'archéologue Matthew W. Stirling pour la Smithsonian Institution et le National Geographic, a eu lieu en 1939. "Actuellement il y a 70 projets de fouilles archéologiques en cours, c'est une zone très active en termes d'études."
Voici quelques-unes des plus belles pièces de l'exposition :
La tête colossale n°4
Les têtes colossales sont les pièces les plus emblématiques et les plus fascinantes de la civilisation olmèque. Dix-sept au total ont été découvertes à ce jour, dans les trois grandes cités qui se sont succédé, San Lorenzo, La Venta et Tres Zapotes.
Celle-ci, la seule qui ait fait le voyage, nous accueille dès le hall du musée. C'est la plus petite, 1,80 mètre de haut. Elle a été trouvée sur le site de San Lorenzo, dans la région de Veracruz. Sculptée dans un bloc de basalte, comme la plupart des sculptures olmèques, elle présente des signes caractéristiques : de grosses lèvres, un nez épaté et un casque sur la tête qui pourrait être un insigne de pouvoir. Ces têtes servaient peut-être à reconnaître l'autorité d'un dirigeant ou à commémorer les précédents. Il faut remarquer que les Olmèques n'ont pas encore livré tous leurs secrets : les spécificités de leur organisation sociale ne sont pas encore bien connues.
Señor de las Limas
Découverte en 1965 par deux enfants dans le village de Las Limas, cette fabuleuse sculpture représente un homme assis, un bébé aux traits de jaguar, tout flasque, reposant dans ses bras. Le jaguar est une figure essentielle de la mythologie olmèque, "associée à la guerre et à la nuit", explique Cora Falero Ruiz. De nombreuses sculptures montrent des figures humaines accroupies, les mains en avant, dans la position d'un félin. "Les taches de son pelage représentent les étoiles." Sur la poitrine de l'enfant apparaît aussi une croix caractéristique, celle qui représente "les quatre points de l'univers et en son centre, le moment présent, l'axis mundi, qui réunit le monde terrestre et le monde divin".
Il s'agit de la plus grande sculpture olmèque en jade trouvée à ce jour. Le jade, dans lequel les Olmèques façonnaient de nombreuses petites pièces, avait une grande valeur pour eux. La pierre verte venait du Guatemala, ce qui montre qu'ils étaient en communication et commerçaient avec les autres peuples de la région.
Stèle avec inscription en bas relief
Cette pierre sculptée présente des indications de date. En effet les Olmèques utilisaient un calendrier : c'est eux qui ont inventé le calendrier dit "du compte long", sur un système vigésimal (base de 20), qu'on avait attribué aux Mayas. C'est la date découverte sur une autre pierre gravée, dite la Stèle C, sur le site de Tres Zapotes, qui a permis d'établir qu'il y avait eu une culture plus ancienne que celle des Mayas.
Le pierres gravées ou sculptées des Olmèques portaient souvent des symboles difficiles à interpréter. Les scientifiques ont établi que les Olmèques connaissaient, sur la fin de la période, une forme d'écriture.
Offrande 4 de La Venta
Les Olmèques ne sculptaient pas uniquement des pierres monumentales. Ils travaillaient aussi de toutes petites pièces comme celles qui constituent cette prestigieuse offrande de 15 figurines humaines en jadéite et en serpentine, toutes différentes, qui font face à une 16e en granit, devant six haches dressées. Il pourrait s'agir d'une scène de l'au-delà : les figures présentent des traits de félins et seraient des ancêtres.
Les Olmèques avaient pour coutume de déposer des offrandes dans des lieux où on trouvait de l'eau, en particulier des sources. "Il s'agit des offrandes les plus anciennes de la Mésoamérique : pendant des centaines d'années, ils ont effectué des dépôts massifs d'objets", raconte Cora Falero Ruiz. Des haches en pierre, des couteaux d'obsidienne, des céramiques, des colliers, des bustes en bois, une sculpture représentant un bébé. Et aussi des balles en caoutchouc, miraculeusement conservées mais trop fragiles pour voyager : on peut en voir une copie dans l'exposition.
Femme huastèque
L'exposition s'intéresse aussi à la culture Huastèque, qui s'est développée un peu plus tard et au nord du golfe du Mexique et qui a beaucoup hérité des Olmèques. Si les statues olmèques représentaient généralement des hommes, les Huastèques sculptaient souvent des figures féminines, parfois même en posture d'autorité. Elles avaient généralement les mains posées sur le ventre, allusion à la fécondité. Les bras, les épaules et le haut de la poitrine de cette figure sont couverts de symboles dont on ignore la signification.
Femme scarifiée
Cette extraordinaire sculpture brisée en grès, remarquable par sa finesse et très différente des autres, clôt l'exposition. Elle a été découverte en 2005 sur le site de Tamtoc, non loin de San Luis Potosi, à 3 mètres de profondeur dans le bassin d'une source surmontée d'un relief de pierre de 32 tonnes représentant trois femmes, une prêtresse entourée de deux figures étêtées d'où coulent des flots de sang.
C'est la première fois qu'elle sort du Mexique, indique la commissaire. Les scarifications qu'elle porte sur ses cuisses et ses épaules ont été interprétées de diverses façon mais cette figure peut être associée "à l'eau, à la vie, à l'agriculture, à la fertilité, des symboliques qu'on trouve dans les croyances de tous les peuples mésoaméricains, pas seulement des Olmèques", conclut Cora Falero Ruiz.
"Les Olmèques et les cultures du golfe du Mexique"
Musée du Quai Branly
37 quai Branly et 218 rue de l'université, Paris 7e
Du mardi au dimanche 10h30-19h, fermé le lundi sauf pendant les petites vacances scolaires
Tarifs : 12 € / 9 €
Du 9 octobre 2020 au 25 juillet 2021
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