"La mode ? Je m’en tape ! C’est du bullshit tout ça" : 60 photos de William Klein montrent le contraire à la galerie Polka à Paris
Avec "Fashion + Klein", la galerie parisienne Polka expose une soixantaine d'images de William Klein. Le travail de ce photographe multicasquette - il est également peintre, plasticien, graphiste, réalisateur de films documentaires, publicitaires et de fiction - y est montré jusqu'au 15 janvier 2022.
Après avoir montré ses images de New York, Paris, Rome ou Tokyo, la galerie Polka à Paris présente l’exposition Fashion + Klein, première rétrospective de William Klein sur la mode, jusqu'au 15 janvier 2022. "La mode ? Je m’en tape ! C’est du bullshit tout ça," affirme le photographe sur l'un des murs de l'exposition. Pourtant les soixante photographies et "contacts peints"', qui retracent plus de soixante ans de travail, montrent tout le contraire. Une très belle découverte.
Des "Fashion + Lights", des "contacts peints" et beaucoup d'inédits
Nichée dans une tranquille cour intérieure dans le Marais, la galerie présente, sur deux étages, essentiellement des photographies inédites, "qui n’étaient pas sorties des tiroirs du studio depuis leur création pour Vogue", insiste la responsable de la communication.
Il y a des Fashion + Lights, ces photographies qui montrent des jeux de lumière réalisés à la prise de vue pendant le temps de pose, et de très intéressants "contacts peints" format XXL (220 cm de large). Ces derniers sont des pièces uniques où l’artiste mêle la peinture et les photographies prises backstage lors de défilés. S’y ajoutent des films publicitaires, notamment le film réalisé pour Dim où des jeunes femmes dansent au son du célèbre "Papapapapapaaa", levant leur jupe pour révéler slips et collants.
On a plaisir à déambuler au milieu de ces photographies en couleur mais aussi en noir et blanc, où s'alternent les grands formats et les accumulations de plus petites photos en noir et blanc collées les unes aux autres sur presque l'intégralité d'un mur.
A la galerie Polka, on goûtera donc aux inédits, mais on appréciera aussi de revoir des tirages très connus comme Serge Gainsbourg pour la pochette de son album Love on the Beat (1984) ou les mannequins des backstages du film Qui êtes-vous Polly Maggoo ?
Un photographe multicasquette
Né à New York en 1928, William Klein a étudié la peinture, entre autres, avec Fernand Léger. De 1951 à 1954, il découvre la photographie avec une première œuvre autour du thème des transpositions murales. C’est en 1954 que le directeur artistique de Vogue repère le photographe américain, français d’adoption. Alexander Liberman voit dans ces premiers travaux - très éloignés des photographies glamour de Vogue -, une écriture nouvelle. Il lui propose de financer son projet de journal photographique sur New York en échange de contributions pour le magazine américain. William Klein revient alors photographier sa métropole natale. Ce travail personnel (qui deviendra Life Is Good & Good for You in New York) - sorti en 1956 en France et récompensé par le Prix Nadar en 1957 - est considéré comme un ouvrage photographique révolutionnaire.
Après avoir été l'assistant de Federico Fellini, en 1958-1959, il tourne son premier court-métrage puis au début des années 60 produit des films pour la télévision française. Entre 1964 et 1966, il tourne, entre autres, Qui êtes-vous Polly Maggoo ? produit par Robert Delpire. Du milieu des années 60 jusqu’en 1980, l’artiste s’éloigne de la photographie pour se consacrer à la réalisation. A l’occasion de son dernier film, Le Messie (1999), il publie William Klein : Films. En 2008, il publie Contacts, un recueil de ses grandes photographies revisitées par des interventions à la peinture (sa première formation) sur des contacts agrandis que l'on peut admirer à la galerie Polka. Cette revisite par la peinture donne une touche très contemporaine à ses photographies et trouve son origine dans le travail de tout photographe qui sélectionne d'un trait de couleur les négatifs qu'il va utiliser.
"Je lâchais les filles au milieu de la circulation et je me mettais à distance"
William Klein sort les mannequins des studios et de leur éclairage classique pour les plonger dans les rues bruyantes de New York, Rome ou Paris. Avec lui, la mode prend vie, s’exprime sur les trottoirs et les visages. "Je n’ai pas inventé la photo de mode dans la rue. Mais je l’ai poussée plus loin en utilisant un téléobjectif. Je lâchais les filles au milieu de la circulation et je me mettais à distance, parfois à 150 mètres d’elles. Comme ils ne me voyaient pas, des mecs se permettaient de draguer les modèles." Naîtront des photographies iconiques comme Nina + Simone, Piazza di Spagna, réalisée à Rome en 1960.
"J’essayais de pousser les gens à se dépasser, avouait Alexander Liberman, "et je voulais que Bill préserve dans ses photos de mode un peu de la violence de ses travaux personnels".
Le photographe n’hésite pas non plus à se servir de magasins abandonnés comme décor de son studio imaginaire. Il les recrée en fonction des modèles et de leur tenue. Comme la célèbre Barber Shop (New York, 1962) : une boutique rose bonbon devant laquelle les robes verte et rouge resplendissent, à côté d’un élégant barbier noir assis en vitrine.
Exposition "Fashion + Klein" jusqu'au 15 janvier 2022. Galerie Polka. 12 rue Saint-Gilles. 75003 Paris.
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