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Le couturier Maurice Renoma dénonce la pollution plastique avec son exposition photographique "Mythologies du poisson rouge"

Créateur de mode et photographe, Maurice Renoma ouvre l’Appart, qui jouxte sa boutique parisienne, avec un exposition réflexive sur l’environnement.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le couturier photographe Maurice Renoma (Maurice Renoma)

L'exposition Mythologies du poisson rouge, prévue initialement en mars, a été reportée du 24 septembre au 24 décembre 2020. Installée entre le Souplex et l'Appart, galerie nouvellement ouverte au-dessus de la boutique parisienne, cette exposition du créateur de mode et photographe Maurice Renoma invite à une réflexion sur l'environnement. Cristobal, le poisson rouge en plastique, sert de fil rouge à cette exposition, dans laquelle Maurice Renoma dénonce les méfaits de la pollution plastique.

Une rencontre passionnante et engagée avec un homme, curieux de ce qui l'entoure, qui a toujours bousculé les codes tant de la mode que de la photographie.

De la mode à la photographie

A 15 ans, Maurice Renoma se confectionne des vêtements en suédine ou en loden dans un style anglais. En 1963, quand il ouvre la boutique White House Renoma, il bouscule les standards de la mode avec ses blazers en drap militaire, ses costumes cintrés en velours de couleurs et détourne le vêtement en le taillant dans du tissu d’ameublement. Pour la jeunesse parisienne et les personnalités artistiques et politiques, sa boutique devient le lieu incontournable d’une mode inédite sans convention et sans concession. Serge Gainsbourg, ami proche, sera l’égérie de la marque pendant plus de 10 ans. Du rock à l’art contemporain en passant par les personnalités hollywoodiennes et sportives ainsi que les grands noms de la mode, tous s’y font tailler le costard. Très inspiré par Vasarely et Escher, il emprunte les codes de l’op art (art optique), du cubisme et de l’art moderne pour les intégrer à ses vêtements. Toute une génération se prend de passion pour son extravagance vestimentaire où il bouscule les codes et explore l’androgynie et le brassage des genres, des partis-pris choquants pour l’époque. 

Maurice Renoma (Maurice Renoma)

Dès les années 1990, il se découvre une autre passion : la photographie. Aucune des photos proposées pour son catalogue ne trouvant grâce à ses yeux, il prend place derrière l’appareil "Ce n’est plus un vêtement qu’on achète aujourd’hui mais un style authentifié par une griffe" annonce-t-ilIl invente le néologisme "modographe" et depuis expose ses photographies en France et dans le monde entier. Atypiques et osées, ces dernières suivent la lignée provocatrice de ses collections. Les photographies résultent à ses yeux d’un "acte pulsionnel", dicté par ses préoccupations esthétiques et une liberté : "La photographie est un art, et j’ai toujours voulu pratiquer la mode aussi comme un art". L'exposition Mythologies du poisson rouge en est incontestablement la preuve. 

Une exposition photographique satirique et engagée

A l'origine de cette exposition, un simple objet en plastique. "J'étais dans une boutique de Tel-Aviv en Israël qui propose uniquement des objets en plastique. Mon ami Enrique Rottenberg voulait m'offrir quelque chose. J'ai choisi ce poisson rouge" explique Maurice Renoma. 

"Je pense que depuis un certain temps, j'avais cette idée du plastique dans la tête. Je faisais des photos. Un an avant l'histoire du poisson rouge, j'avais survolé la Malaisie et j'ai pris conscience que l'homme était en train de détruire la nature, qu’il ravageait l'écosystème en rasant les forêts pour planter des palmiers". Maurice Renoma se pose alors la question : comment expliquer cela aux gens. "Ce poisson rouge en plastique m’est apparu comme un bon moyen d'expliquer cela par un biais humoristique. Même si on ne peut pas se passer du plastique - il a des avantages et des inconvénients - on peut arriver à sauver cette planète, en récupérant et recyclant ce plastique".

Dans la boutique de Tel-Aviv consacrée aux objets en plastique où le couturier-photographe Maurice Renoma a choisi son poisson rouge, Cristobal (Maurice Renoma)

Maurice Renoma a sillonné le monde pendant deux ans accompagné de son poisson rouge. Il a immortalisé Cristobal dans une série de photographies humoristiques, sensuelles, tendres et saisissantes. Ces rencontres avec cet étonnant ami en plastique ne laissent personne indifférent comme l’explique le photographe : "Cristobal se promène, il voyage avec moi. Les gens le prennent dans les mains, posent sur les photos en souriant même s'ils ne savent pas pourquoi... Je les appelle les bienveillants. Tous ne comprennent pas le message". 

Exposition "Mythologies du poisson rouge" dans le Souplex (Maurice Renoma)

Est–il un résidu de pétrole issu de l’industrie du plastique, le résultat à court terme de la pêche intensive ou un ami artificiel dans notre société individualiste ? Témoin Cristobal dénonce l’omniprésence du plastique dans nos sociétés et interroge les nouvelles générations sur son utilisation.

Au Souplex : interroger sur l'utilisation du plastique

Ces photographies sont à découvrir au coeur de cette exposition multimédia. Mythologies du Poisson Rouge est divisée en deux parties : le Souplex (les 150 m2 du sous-sol de la boutique Renoma, ancien atelier de création de la maison transformé en espace d'exposition depuis 2012) et l’Appart (la nouvelle galerie au premier étage).

Exposition photographique "Mythologies du poisson rouge" dans le Souplex (Maurice Renoma)

Après avoir traversé la boutique où Cristobal tient la vedette, descente vers le Souplex, un lieu oppressant où l'on se promène dans un labyrinthe de petites salles aux murs noirs où Cristobal nage à travers des mises en scènes spectaculaires et immersives, cocasses et poétiques, pointant les problématiques écologiques mais aussi sociétales.

La scénographie décalée est réalisée à partir de matériaux de récupération (bouteilles de plastique, déchets jetés...) fidèle à l’univers onirique et subversif du photographe. "Dans le Souplex, confiné comme dans un sous-marin, on a voulu exagérer les extrêmes, tandis que l'Appart prône, lui, un côté positif et l'espoir. C'est un voyage entre inconscient et conscient".

L’Appart Renoma, nouveau lieu de rencontres artistiques

À l’Appart, Cristobal donne à réfléchir sur notre vie, nos relations, notre (sur)consommation en jouant sur le contraste entre un appartement bourgeois, classique avec son salon et son canapé tapissé d'un tissu rouge (un imprimé de poissons rouges), sa salle à manger avec sa grande table, le bureau de Maurice Renoma et même une salle de bain. Ici de très grands portraits de Cristobal en compagnie d'inconnus sont accrochés sur les murs blancs : les oeuvres sont présentées comme des toiles de maîtres, richement encadrées. L’exposition est ponctuée de légendes et de textes satiriques, mêlant des extraits de discours de Greta Thunberg et des paroles glanées ici et là, au gré des personnes qui ont croisé la route de Cristobal.


Exposition "Mythologies du poisson rouge"  (Maurice Renoma)

Installé sur 220 m2 au-dessus de la boutique historique de la maison Renoma, L’Appart, galerie sise dans un appartement haussmannien avec ses parquets en bois élégants, a pour vocation d’accueillir l’art sous toutes ses coutures dans une ambiance intimiste. 

Maurice Renoma qui indique être "toujours sur la sellette pour faire de nouvelles choses", dit aussi "souvent qu’il vit de hasard. Je voulais prendre ce lieu, il y a déjà deux ans mais la vente ne s'est pas faite. Mais six mois avant la date initiale de l'exposition, L'Appart s'est libéré et on a pu récupérer ce nouvel espace".

Exposition "Mythologies du poisson rouge" dans l'Appart (Maurice Renoma)

Ce lieu, il l’a voulu "évolutif. C’est un lieu vivant". Si aujourd’hui "cette exposition (qu'il souhaite faire circuler dans le monde entier) fait prendre conscience, demain cela pourra être une exposition de peintures, d'artistes, d'art. On a beaucoup de projets de rencontres. J’aime la peinture cubaine, africaine et l'art brut". 

Exposition photographique "Mythologies du poisson rouge" dans l'Appart (Maurice Renoma)

Dédiée aux rencontres artistiques, la programmation sera énergique et décalée, à l’image des autres lieux de la maison tels que le Renoma Café, la boutique et son Souplex ou encore le Renoma Hôtel à Tel-Aviv.

Exposition photographique "Mythologies du poisson rouge" dans l'Appart (Maurice Renoma)

'Il faut penser comment recycler avant de créer"

Avec cette exposition, le styliste-photographe montre qu'il est plus que jamais concerné par la pollution. L'industrie de la mode participe fortement au désastre écologique, que ce soit dans la culture ou l’élevage pour obtenir des matières dites naturelles ou par le développement de textiles synthétiques et jetables… 

"On a fabriqué en Chine comme tout le monde" explique ce fils d'un tailleur et confectionneur "mais on a toujours travaillé avec des matières naturelles. Si l'industrie française a disparu, c'est que les nouvelles générations ne faisaient pas l'effort. C'est une industrie vieillissante et beaucoup de leaders mondiaux ont disparu. La fabrication en France va coûter plus cher mais un bon produit made in France peut se vendre" indique-t-il avant d'ajouter "Mais en France, le mot commerçant est péjoratif alors qu'il faut être fier d'être commerçant. Les français ne sont pas ouverts sur l'extérieur comme en Italie où l'esprit de tradition existe encore. Il faut trouver des évolutions et penser d'abord à comment recycler avant de créer. Il faut anticiper".

Exposition Mythologies du poisson rouge jusqu'au 24 décembre 2020. Au Souplex et à L'Appart Renoma. 129, bis rue de la Pompe. 75016 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 10h à 19h.

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