Exposition : quand Azzedine Alaïa démocratisait la mode avec sa collection Tati en 1991
L'exposition "Azzedine Alaïa, une autre pensée sur la mode. La collection Tati" débute lors de la semaine de haute couture parisienne automne-hiver 2019 et s’achève en janvier 2020.
C'est l'histoire d'une collaboration inédite dans le monde de la mode, une secousse dans le monde du luxe. En 1991, Azzedine Alaïa réalise une collection inspirée de la populaire toile de bâche vichy de Tati et dessine en contrepartie sac, T-shirt et espadrilles pour l'enseigne populaire française. A l'époque, les créateurs ne sont pas sollicités, comme aujourd'hui, par des marques de grande diffusion.
L'exposition "Azzedine Alaïa, une autre pensée sur la mode. La collection Tati" revient sur ce phénomène de démocratisation de la mode. Au travers de la collection Tati, Azzedine Alaïa prouve qu'il n’y a pas de matériaux méprisables.
Dans la maison où le couturier vivait et travaillait sont présentées des toiles de Julian Schnabel (à l'origine de cette collaboration) peintes sur cette bâche de store avec un gros motif pied-de-coq rose et blanc et 27 modèles en vichy rose, bleu et noir du couturier.
J'ai appris beaucoup de choses, une autre pensée sur la mode. Il me fascinait ce magasin, parce que, chaque fois que j'allais en Tunisie, il y avait des sacs Tati partout dans l'avion
Azzedine Alaïa, "Le Temps", 2009
Alaïa démocratise la mode au début des années 90
Cette collection est demeurée iconique dans le parcours du couturier. En effet, au début des années 1990, les créateurs de mode n’étaient pas sollicités (comme aujourd'hui) par des marques de grande diffusion. La collection Tati allie exigence des volumes couture que seul Alaïa maîtrisait.
Au printemps-été 1991, Azzedine Alaïa utilise le carreau rose et blanc de l’enseigne Tati, connue pour ses produits démocratiques. "C’est arrivé grâce à mon ami Julian Schnabel. Il voulait de la toile de bâche avec le fameux gros motif pied-de-coq. Ce motif, en réalité, était celui du store des magasins Tati”. Comme Schnabel peignant sur la bâche raide devenue canevas pour ses toiles, le couturier fait naître des vêtements en partant de cette toile vive et joyeuse.
Je voulais que Tati reste Tati et ne perde pas son âme
Azzedine Alaïa.
L'histoire raconte que le couturier ne savait pas que le fondateur de Tati était lui-même tunisien d’origine. Azzedine Alaïa dans ses salons de la Verrerie et Tati dans ses locaux à Barbès s’unirent alors le temps de cette collection historique. Et le couturier fit alors monter la rue dans les salons précieux de sa haute couture. En retour de cette collaboration, amicale autant qu’artistique, l’enseigne Tati lui demanda un sac, une paire d’espadrilles et un T-shirt. Ce premier grand succès né de cette union a tracé le chemin pour une multitude de collaborations à venir. Qui pourrait oublier la plus célèbre d'entre elle : Karl Lagerfeld et H&M en 2004 !
L'iconique collection aux carreaux vichy
Avec ce motif vichy décuplé dans la bâche tenace ou dans le jean, Azzedine Alaïa donne une nouvelle interprétation de la mode.
En tailleur, veste large, en blouson court et ajusté, en casquette de titi, en pantalon cigarette ou en short, en maillots de bains, le rose et blanc ainsi que l'écossais noir ou bleu, claquent avec insolence. Les modèles sont très actuels et pourraient encore aujourd'hui se retrouver dans la rue.
L’Association Azzedine Alaïa fait perdurer son oeuvre
C’est au 18, rue de la Verrerie, lieu de l'exposition, que cette figure atypique de la mode a travaillé et vécu. C'est dans ce lieu que le couturier présentait ses défilés selon son propre calendrier à l’écart de la frénésie des Fashions Weeks et sans mise en scène spectaculaire.
Ce fils d'agriculteurs, né en Tunisie, a travaillé chez une couturière de quartier pour financer ses études aux Beaux-Arts avant de tenter sa chance à Paris à la fin des années 1950. Il s'est fait connaître dans les années 1980 en inventant le body, le caleçon noir moulant, la jupe zippée dans le dos... des modèles qui ont contribué à définir la silhouette féminine sexy et assurée d'alors.
En 2007, il décide de protéger son œuvre et sa collection d’art en fondant l’Association Azzedine Alaïa, conjointement avec son partenaire de vie le peintre Christoph von Weyhe et son amie l’éditrice Carla Sozzani afin que cette Association devienne la Fondation Azzedine Alaïa. Elle abrite aujourdhui les trésors de la maison et de son créateur et expose son travail et les œuvres d’art de sa collection personnelle, à Paris, et à Sidi Bou Saïd, la ville qu’il a tant aimée.
En décembre 2017, la maison de couture avait annoncé qu'elle allait poursuivre le travail du couturier décédé le 18 novembre 2017 à 82 ans. Depuis les expositions s’y succèdent. Ce collectionneur d'oeuvres issues de l'art, de la mode, du design, du mobilier et de la photographie aimait aussi lire des ouvrages consacrés à ces univers et aux artistes qui l'inspiraient. En mémoire de cette passion, son Association a ouvert fin 2018 une librairie dans la cour intérieure de la maison où il vivait et travaillait.
"Azzedine Alaïa, une autre pensée sur la mode. La collection Tati" du 1er juillet 2019 au 5 janvier 2020. 18, rue de Verrerie à Paris
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