Attiéké, saké et queijo minas : nouvelles denrées alimentaires inscrites au patrimoine de l'Unesco

Ces mets en ont déjà conquis plus d'un en dehors de leurs pays respectifs. La 19e session intergouvernementale de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est venue confirmer leur appartenance à notre assiette commune.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
De gauche à droite, l'attiéké ivoirien, le saké japonais et le queijo minas brésilien figurent désormais sur la liste du patrimoine immatériel de l'Unesco. (ISSOUF SANOGO / AFP / TAKUYA MATSUMOTO / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN / RENATA GARBOCCI / MINAS GERAIS CULTURE DEPARTMENT SECULT-MG)

Quelques-unes des dernières inscriptions sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco pourraient composer un délicieux repas. L'attiéké ivoirien, le saké japonais ou encore le queijo minas (fromage minas) brésilien ont été inscrits lors de la 19e session intergouvernementale de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à Asuncion, au Paraguay, qui s'est achevée le samedi 7 décembre. Franceinfo Culture vous déroule le menu (ou la carte).

L'attiéké, la semoule de manioc que la Côte d'Ivoire offre au monde

"Les savoir-faire liés à la fabrication de l'attiéké", un plat ancestral et emblématique de la Côte d'Ivoire, figurent depuis mercredi 4 décembre sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco. "Mets incontournable de la richesse culinaire ivoirienne, et profondément enraciné dans le quotidien des communautés, l'attiéké est consommé tous les jours et à diverses cérémonies comme les mariages, les baptêmes, les funérailles et les réunions communautaires", a expliqué Ramata Ly-Bakayoko, déléguée permanente de la Côte d'Ivoire auprès de l'organisation onusienne pour l'éducation, les sciences et la culture (Unesco), présente à Asuncion.

L'attiéké, semoule de manioc légèrement aigre qui accompagne les poissons et les viandes en sauce, est un pilier de l'alimentation quotidienne en Côte d'Ivoire et dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest. Elle est préparée à base de tubercules de manioc séchés, broyés et tamisés. La farine ainsi obtenue est mélangée à du manioc fermenté et enfin cuite à la vapeur. Au fil du temps, elle est devenue un marqueur de la culture ivoirienne et un élément de fierté qui s'exporte à travers le continent.

Les peuples lagunaires, du sud de la Côte d'Ivoire, sont les détenteurs et praticiens des savoir-faire liés à la fabrication de l'attiéké, explique le dossier de candidature déposé par la Côte d'Ivoire. En 2023, l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) a enregistré l'"attiéké des lagunes" en indication géographique protégée (IGP) puis mi-2024, labellisé en "marque collective", empêchant les semoules de manioc produites dans d'autres pays d'être commercialisées sous le nom d'"attiéké". La semoule est, par exemple, aujourd'hui fabriquée en Chine.

Le queijo minas, fromage brésilien "made in" Minas Gerais

C'est la première fois qu'une denrée alimentaire brésilienne entre dans cette liste du patrimoine immatériel qui comprend déjà la pizza napolitaine ou le ceviche péruvien. Les modes traditionnels de fabrication d'un fromage artisanal de l'État brésilien de Minas Gerais (sud-est) ont été inscrits mercredi au patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco. Ce fromage, à base de lait cru de vache, est connu sous le nom de queijo minas (fromage minas), allusion au nom de l'État à forte tradition minière et agricole où il est produit, le deuxième le plus peuplé du Brésil, avec plus de 20 millions d'habitants. C'est aussi le premier État producteur de lait et de fromage du pays sud-américain, puissance agricole de premier plan.

Le queijo minas artisanal est produit le plus souvent par des "agriculteurs familiaux (...) dans de petites exploitations rurales" nichées dans des collines verdoyantes, indique le dossier de candidature du Brésil. Environ 9 000 producteurs fabriquent ce fromage de façon artisanale dans le Minas Gerais. Le produit compte plusieurs variétés selon les terroirs où il est produit. Dix régions sont répertoriées, comme celles du Serro ou de la Canastra.

Le savoir-faire traditionnel s'est développé à partir du XVIIIe siècle, quand la moitié de l'or de la planète sortait des mines du Minas Gerais durant la colonisation portugaise. "Les Portugais ont amené les techniques européennes de fabrication du fromage en raison de la nécessité de conserver cet aliment lors des voyages" dans cette vaste région minière, précise le dossier de candidature. Ces techniques ont ensuite été adaptées localement.

Le queijo minas est le septième bien culturel brésilien inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité, au même titre que la capoeira ou le frevo, rythme traditionnel du carnaval de Recife (nord-est).

Le saké, l'alcool de riz japonais que la planète s'arrache déjà

Le savoir-faire traditionnel relatif à la fabrication du saké, alcool de riz japonais intimement lié à la culture et à la religion dans l'archipel nippon, a été également inscrit mercredi sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. L'inscription concerne aussi le shochu, une liqueur distillée (à base de patate douce, orge, riz), principalement dans le sud-ouest du Japon, tandis que le plus célèbre saké, à base de riz japonais, est lui brassé dans tout l'archipel, et parfois à l'étranger. Le saké a un taux d'alcool plus fort que la bière ou le vin, et plus faible que le shochu.

Le saké est brassé en utilisant du riz fermenté grâce à l'action du koji, une moisissure aussi utilisée pour la sauce soja et le miso, qui produit les enzymes transformant l'amidon du riz en sucre. Les variétés de riz utilisées sont différentes de celles destinées à la cuisine, dont les grains sont plus ronds et plus gros. "L'une des caractéristiques intéressantes de la fabrication du saké est que l'homme aide la moisissure à déclencher la fermentation, plutôt que de laisser la nature faire le travail comme pour la fabrication du vin", explique Taku Takahashi de la brasserie Toshimaya Shuzo à Tokyo.

Il existe deux types principaux de saké : l'un fabriqué uniquement à partir de riz et appelé junmai, et un autre où le junmai est mélangé à de l'alcool distillé. Chacun de ces types peut être classé en trois catégories dépendant du degré de polissage du riz utilisé : saké normal, ginjo et dai-ginjo, souvent le plus cher. Le polissage influe aussi sur l'arôme final : plus il est intense, plus le saké est fruité et sec.

La technique du brassage de la boisson, en plusieurs étapes, aurait été établie au milieu de l'ère Edo (1603-1868), et n'a guère évolué depuis. Il existe environ aujourd'hui 1 400 brasseries en activité dans l'archipel selon la Japan Sake & Shochu Makers Association (JSS). Des brasseries de saké existent aussi dans d'autres pays, comme en France, aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande. Dans la religion shinto, les principales offrandes faites aux dieux sont traditionnellement le riz, les gâteaux de riz et le saké. La boisson est également utilisée pour marquer de nombreux événements et occasions. Elle permet notamment aux employés japonais, les "salarymen", de crier "kanpai !" (santé). À savoir : quand on commande du saké au Japon, le mot désigne l'ensemble des boissons alcoolisées. Pour l'alcool de riz, il faut demander du nihonshu.

En 2023, les Japonais n'en ont ainsi bu "que" 390 millions de litres, contre 1,7 milliard de litres en 1973. Le succès du saké à l'étranger suit cependant la trajectoire inverse, bien que l'essentiel de la production soit encore consommé au Japon : les exportations ont plus que doublé depuis 2011, pour atteindre 29 millions de litres en 2023, les plus gros buveurs étant les États-Unis et la Chine.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.