Comment parler du Beaujolais nouveau quand on n'y connaît rien au vin : on a demandé à un vigneron star de TikTok

Chaque année, le Beaujolais nouveau fait son retour le 3e jeudi de novembre. Et chaque année, vous vous dites que vous n'y connaissez rien ? On a posé quelques questions à Emile Coddens, un jeune vigneron qui transmet sa passion du vin sur TikTok.
Article rédigé par Louis Mondot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Emile Coddens sur son compte TikTok. (@LE.VIGNERON)

Le fameux Beaujolais nouveau est arrivé, jeudi 16 novembre. Vous ne savez pas toujours pas comment on produit ce vin, à quoi il ressemble en bouche et vous confondez même Beaujolais nouveau et Beaujolais tout court ? On a demandé un petit éclairage au jeune vigneron Emile Coddens, qui publie régulièrement sur TikTok des vidéos de son quotidien. Il est second de chai au domaine Plou et Fils à Chargé (Indre-et-Loire). Avant de déguster (avec modération) le millésime 2023, voici de quoi en parler comme si vous étiez un amateur de vin averti. 

D'abord, le Beaujolais nouveau n'a "rien à voir" avec le Beaujolais

"Les vignerons de la région ne font pas que du Beaujolais nouveau. Ils le font parce que c'est une tradition et derrière, il y a leurs Beaujolais qui viennent de grands crus, de terroirs, qui ne sont pas des primeurs, qui ont de la matière, se gardent et représentent réellement ce qui est le Beaujolais. Les vignerons en ont d'ailleurs un peu marre qu'on associe le Beaujolais au Beaujolais nouveau. Ils ont raison, car ça n'a rien à voir. Le Beaujolais traditionnel, c'est une macération plus complexe, plus respectueuse du terroir, on laisse du temps au vin. Or, le temps et l'oxygène, c'est l'âme du vin."

Goûter un Beaujolais nouveau, c'est comme goûter "une ébauche du millésime"

"C'est un vin qui a été récolté en général au mois de septembre et qui est donc mis en vente en novembre. Pour moi, le Beaujolais nouveau est un vin un peu festif pour dire : les premiers vins de l'année sont prêts, voilà à quoi ça ressemble. Vous avez une expression du terroir et du millésime. Là, ce que vous goûtez, c'est à peu près ce que vous aurez plus tard, c'est une ébauche du millésime 2023. Et produire un vin aussi agréable et gouleyant en si peu de temps, c'est le plus difficile. On pourrait s'attendre à ce qu'un vin fait rapidement soit très facile. Non, il est beaucoup plus facile de faire un vin et de le sortir dans un an. Si on voit qu'il y a trop de tanins ou de richesse, on peut laisser le temps agir pour que l'oxygène puisse atténuer les tanins, faire évoluer le vin. Dans le cas du Beaujolais nouveau, on n'a pas le temps pour ça."

Pour être vinifié aussi rapidement, le Beaujolais nouveau passe par une "fermentation accélérée"

"Le Beaujolais nouveau répond à un cahier des charges. Il faut vendanger uniquement à la main, la machine n'est pas autorisée. On ne peut pas enlever la rafle, la sorte de tige verte qui tient la grappe, on doit tout prendre. On remplit une cuve en inox de raisins entiers et puis on entame le levurage : on ajoute tout de suite des levures, et on va faire ce qu'on appelle une macération carbonique. On va saturer la cuve en CO2 avec les levures. On fait une sorte de cocotte-minute : le but, c'est que les raisins ne s'écrasent pas et que ça fermente à l'intérieur du raisin. Le tout pour une durée d'une semaine. Et à la fin, on retire le raisin fermenté et on presse : on obtient un jus fermenté qui est le Beaujolais nouveau."

Et à la fin, s'il a un goût de banane, ça vient des levures

"C'est un vin frais, gouleyant, fait dans un climat plutôt chaud. C'est une expression du gamay, un cépage qu'on ne connaît pas forcément, et qui est utilisé dans d'autres régions, comme en Bourgogne. Certains vont préférer les Beaujolais nouveaux qui ont le goût de banane, d'autres préfèrent ceux qui ne sont pas très expressifs et qui restent aux fruits rouges. À la base, l'innovation n'était pas ce qui était le plus recherché."

"Pour éviter que leur Beaujolais nouveau soit raté, on avait tendance dans le temps à l'uniformiser. On achetait des levures qui aromatisaient le vin, pour avoir ce côté très léger. Maintenant, la tendance est inverse. Désormais, les Beaujolais nouveaux sont surtout des vins sans sulfites, nature, sans intrant, c'est juste du jus de fruit qui a fermenté. C'est un vin dans l'air du temps qui reflète un peu la patte du terroir ou du vigneron. Ce vin est très facile à boire, pour passer un bon moment dans un bistrot à Paris ou ailleurs."

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