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Des statues nues du Capitole cachées avant la visite du président iranien à Rome

Plusieurs statues du Capitole ont été recouvertes pour la venue de Hassan Rohani à Rome. Une décision peu appréciée en Italie.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président iranien Hassan Rohani en compagnie du président du Conseil italien Matteo Renzi, lors d'une conférence de presse au Capitole de Rome (Italie), lundi 25 janvier 2016. (TIZIANA FABI / AFP)

Couvrez ce sein que le président iranien ne saurait voir. En visite à Rome, en Italie, Hassan Rohani a rencontré, lundi 25 janvier, le Premier ministre Matteo Renzi au musée du Capitole. Quoi de mieux qu'un cadre luxueux pour vanter la coopération entre les deux pays et nourrir l'espoir de signer de juteux contrats ? Mais la délégation iranienne est tombée des nues en découvrant des sculptures dévêtues, dont la Vénus capitoline, sur le parcours menant à la statue de Marc Aurèle.

En toute hâte, les autorités ont donc entouré de panneaux blancs les œuvres en question, afin de respecter la culture et la sensibilité iraniennes, précise l'agence Ansa (en italien), tandis que Corriere della sera (en italien) a diffusé des images de ces étranges boîtes blanches positionnées dans les allées du Capitole.

Les attributs du cheval en bronze de Marc Aurèle auraient également déplu à la délégation iranienne lors de l'inspection des lieux, assure Il Messaggero (en italien). Hassan Rohani et Matteo Renzi n'ont pas pris la parole devant l'œuvre, comme initialement prévu. 

De nombreux Italiens fâchés après leur gouvernement

Cette annonce a été vécue comme un camouflet par de nombreux observateurs italiens. Une éditorialiste dénonce "les nus recouverts (...) par respect pour les autres aux dépens de soi-même" sur la version italienne du Huffington Post (en italien). Plus largement, de nombreux Italiens ont reproché à leur gouvernement de trahir le patrimoine culturel et artistique du pays, au bénéfice d'intérêts économiques. Sur les réseaux sociaux, certains Italiens ont même utilisé le mot-clé #statuenude pour publier des photographies d'œuvres classiques.

D'autres ont joué la carte de l'humour, à l'image de cet utilisateur qui a détourné La Vénus aux chiffons, une œuvre de l'artiste Michelangelo Pistoletto : "Attends un peu, je me couvre... Faut juste que je choisisse quoi mettre pour Rohani."

La question est d'autant plus sensible qu'en octobre, à Florence (Italie), un nu du sculpteur américain Jeff Koons avait été caché par un paravent orné de fleurs de lys, lors de la visite du prince d'Abou Dhabi. L'œuvre – intitulée Gazing Ball – était composée d'un nu de style antique orné d'une sphère colorée, précise Corriere della Sera (en italien).

Interrogé à ce sujet, Hassan Rohani précise qu'il n'a jamais eu de "contact à ce sujet" avec les autorités italiennes, avant sa visite. "Je sais que les Italiens sont très hospitaliers, un peuple qui cherche à rendre le séjour de ses invités le plus agréable possible et je les en remercie pour cela." Le ministre de la Culture italien Dario Franceschini a jugé "incompréhensible" de cacher des statues, tout en assurant que le chef du gouvernement Matteo Renzi n'était pas au courant. 

Selon les journaux italiens, mercredi, cet excès de zèle serait à mettre au crédit du bureau de l'Etat en charge du protocole lors de l'accueil des hôtes étrangers. Celui-ci dépend de la présidence du Conseil mais agit de manière autonome.

La délicate question du vin à table

Pendant le passage d'Hassan Rohani, aucune goutte de vin n'a été versée. Au contraire de la France, c'est une attention classique de la diplomatie italienne pour les représentants musulmans, fait remarquer le site Politico (en anglais)La question avait été au cœur d'un imbroglio diplomatique entre la France et l'Iran, au mois de novembre, quand la délégation d'Hassan Rohani avait réclamé la supression de l'alcool lors du dîner d'Etat, ainsi que la préparation de plats halal, en conformité avec l'islam. Refusant de céder sur le vin, la France avait alors proposé un petit déjeuner, mais cette solution avait été jugée "trop cheap" par l'Iran, selon RTL. La délégation de Téhéran effectuera finalement un court passage à Paris, mercredi après-midi.

Seul l'Iran réclame la supression du vin à table, précise Maryse Burgot, de France 2. Lors des réceptions à l'Elysée en présence du prince héritier d'Arabie saoudite ou de l'émir du Qatar, le breuvage est bien servi aux convives non musulmans. Pour ménager les sensibilités, il est toutefois servi dans des carafes opaques, ajoute Jean-Paul Pancracio, auteur du Dictionnaire de la Diplomatie, interrogé par 20 Minutes.

Cette question fait débat depuis longtemps. En 1999, lors de la visite du président Khatami à Paris, le protocole avait été négocié pendant des semaines, rappelle Le Monde, car le moindre faux pas risquait d'être exploité politiquement par les conservateurs iraniens. Prévue en avril, la rencontre s'est déroulée finalement en octobre, autour d'un goûter. En janvier 2004, au contraire, la position française l'avait emporté, lors d'un dîner à Bercy en présence du ministre délégué au Commerce extérieur François Loos et du ministre du Commerce iranien. Après avoir menacé de quitter les lieux, la délégation de Téhéran était finalement restée. 

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