Le Paris insolite. Entretien avec un vampirologue : Jacques Sirgent se bat pour redonner vie à son musée
Crée en 2005, le musée des vampires et des monstres de l’imaginaire a été contraint de fermer ses portes en raison de la crise sanitaire. Depuis 2020, la collection abracadabrantesque du vampirologue Jacques Sirgent prend la poussière, dans l’attente de nouveaux locaux.
Attablé à une terrasse d’un café parisien, Jacques Sirgent est soudainement interrompu dans sa lecture par la sonnerie de son téléphone. "Allô, bonjour. Non désolé, le musée a fermé il y a deux ans. Oui, bonne journée, au revoir." Des appels comme celui-ci, le premier "vampirologue" de France en reçoit très régulièrement depuis la fermeture de son musée des vampires et des monstres de l’imaginaire. Situé d’abord aux Lilas, puis dans le 20e arrondissement, le lieu insolite a été contraint de fermer ses portes en 2020, en raison de la crise sanitaire.
Il a beau s’habiller toujours en noir, Jacques Sirgent est pourtant un personnage haut en couleur. Pendant des années, ce passionné des vampires a amassé plus de 3 000 ouvrages et objets insolites autour de ces créatures assoiffées de sang. Sa première pièce rare, une machine à écrire qui aurait servi à l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 pour rédiger son fameux Dracula. En 2005, le vampirologue se décide à compiler cette collection pour la rendre accessible au public. Il aménage alors un espace muséal, à la manière d’un cabinet de curiosité, dans une petite pièce de 30 m² au sein de sa demeure familiale, aux Lilas. En mélangeant tableaux, livres, costumes et autres bizarreries, il en fait ainsi l’un des plus petits musées de la capitale.
Une fermeture fatale
Pour l’inauguration du lieu, Jacques Sirgent choisit la date du 25 mars 2005. Malheureusement, sa mère décède la veille. "C’était également l’un des plus gros épisodes neigeux que Paris ait connu… Je n'ai jamais été très chanceux", sourit-il ironiquement. Pour l’occasion, de nombreux invités ont fait le déplacement. Parmi eux, l’ambassadeur d’Irlande. "Au vu de la météo, je ne comptais plus vraiment sur sa présence. Mais soudain, au loin, j’ai aperçu une silhouette blanche, recouverte de neige. C’était l’ambassadeur. Je lui ai demandé où était sa voiture, il m’a répondu : ‘Je suis venu à pied. Un musée comme celui-ci, ça se mérite’", se souvient-il avec émotion. En 12 ans, plus de 15 000 visiteurs du monde entier, passeront les portes du musée, curieux de découvrir la collection insolite de Jacques Sirgent.
Mais en 2020, la maison du vampirologue doit subir d’importantes rénovations. Par manque de moyens, en plein confinement, le passionné de vampires est contraint à déménager. Son musée, lui, s’exile dans un bar du 10e arrondissement, à proximité du Père-Lachaise. "J’en ai profité pour faire rénover quelques pièces de ma collection par l’artiste Yeux Noirs", précise Jacques Sirgent. Les visiteurs curieux ont pu ainsi profiter des pièces insolites mise à leur disposition en dégustant un café. Mais le second confinement, quelques mois plus tard, met à mal les nouveaux locaux et pousse le bar à fermer boutique, laissant Jacques Sirgent avec l'intégralité de sa collection sur les bras.
"Ma seule passion, c’est le mal"
Cet amour si particulier pour les vampires, Jacques Sirgent le développe depuis son plus jeune âge. Né au Canada, il passe les premières années de sa vie dans un collège catholique irlandais. "On y fouettait les élèves tous les matins, mais je n’ai jamais rien dit à mes parents, je ne voulais pas les inquiéter", dévoile le vampirologue. Dans cette ambiance sombre, le jeune Jacques découvre son premier film de vampire, Nosferatu, à l'âge de 7 ans. "En voyant ce personnage censé être maléfique, je me suis dit ‘il est plutôt sympa comparé aux profs qui me fouettent tous les matins’. Et dès lors, j’ai commencé à développer un attrait pour la nature du mal", ajoute-t-il.
Par la suite, le vampirologue poursuit ses recherches sur ce domaine avec un DEUG de linguistique sur l’étymologie du nom "Dracula", une licence d’anglais sur la personnification du mal dans le roman gothique anglais puis un master de lettres modernes sur le diable chez Barbey d’Aurevilly. "On peut expliquer le monde par la métaphore vampirique", assure-t-il.
Ce bagage de connaissance lui permet, à côté de son musée, de rédiger plus d’une quinzaine d’ouvrages sur le thème des buveurs de sang et d'être invité à de nombreuses conférences sur le sujet. En 2012, Jacques Sirgent réalise également la seule traduction intégrale du Dracula de Bram Stoker, chez J’ai Lu. "En résumé, ma seule passion, c’est le mal", déclare-t-il avec le sourire.
En quête de renouveau
Rien qu’avec les mots, Jacques Sirgent est capable de faire revivre son musée, l'espace d'un instant. Entre les récits de ses objets insolites et ses analyses précises de l’évolution du vampire dans l’histoire, impossible de ne pas sentir la passion émaner de son personnage.
C’est donc avec nostalgie que le spécialiste des suceurs de sang fait défiler une à une sur son téléphone les photos de sa collection, désormais conservée dans une cave gothique à proximité de Porte Dorée. "J’ai eu une proposition de reprise le mois dernier, confie-t-il, mais on me demandait d’enlever le mot ‘vampire’ du nom du musée, car les gens font l’amalgame avec les personnages aseptisés de Twilight…", dévoile-t-il avec incompréhension.
Dans l’attente d’une potentielle piste de local d'exposition, Jacques Sirgent tente tant bien que mal de continuer à transmettre sa passion pour le surnaturel, notamment grâce à des visites ésotériques qu’il organise au Père-Lachaise tous les week-ends. En parallèle, le vampirolgue se consacre également à l'écriture d'un 16e ouvrage dédié, cette fois, à une autre figure importante du mal : le diable.
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