Comment photographier comme Henri Cartier-Bresson ?
Alors que s'ouvre au centre Pompidou à Paris une rétrospective de son œuvre, francetv info vous révèle les secrets de cet immense photographe.
On dit de lui qu’il est "l'œil du siècle". Considéré comme un des plus grands photographes mondiaux, Henri Cartier-Bresson avait le génie de la composition et une extraordinaire intuition visuelle. A l’occasion de l’immense rétrospective qui lui est consacrée jusqu'au 9 juin prochain au Centre Pompidou à Paris, francetv info dévoile trois de ses commandements photographiques.
1 La composition de ton image tu soigneras
C’est en découvrant un cliché du photographe hongrois Martin Munkácsi que le jeune Henri Cartier-Bresson décide, à l’âge de 23 ans, de consacrer sa vie à la photographie. Ce qui frappe dans ce cliché représentant trois silhouettes noires courant vers la mer (considéré par Cartier-Bresson comme l’équivalent photographique de La Danse d’Henri Matisse), c’est sa maîtrise parfaite du cadrage et de la composition. Au début des années 30, c’est auprès du cubiste André Lhote que l’apprenti photographe apprend la géométrie et applique immédiatement ses principes à ses compositions photographiques.
Dans la pratique, Cartier-Bresson repère un arrière-plan qui, par sa texture, sa structuration géométrique ou l’accumulation de signes, lui semble intéressant. C'est ce qu’André Lhote appelle la "théorie des écrans". Il tourne autour, essaie différents cadrages. Très influencé par l’ouvrage du Roumain Matila Ghyka, Le Nombre d’or, dont il fait son livre de chevet, Henri Cartier-Bresson soigne les lignes et compose mathématiquement la trame de son image. Lorsque le cadre est trouvé, il patiente.
Ce cliché réalisé à travers une porte dans une arène à Valence (Espagne) en 1933, est un modèle de composition où "tout est parfaitement au bon endroit", comme le commente Clément Chéroux, commissaire de l’exposition. Structuré selon le nombre d’or (souvent simplifiée en "règle des tiers", explique le site Apprendre-la-photo.fr), le cadre est composé d’éléments qui se répondent (le rectangle qui rappelle le format de la photo, la cible tangente à la lunette du personnage), conférant à cette photographie un cadrage et une composition parfaite.
2 Plein de patience tu seras
Mais le génie de Cartier-Bresson réside dans le fait qu’il ne se contente pas de ce cadre parfait. Il attend ensuite patiemment qu’un élément vienne perturber de manière instantanée cette composition géométrique. Il s’agit généralement d’un "élément humain, un passant qui passe, une bicyclette, une personne qui saute qui crée une opposition entre ce qui est super maîtrisé, qui paraît très rigide qui est le cadrage, la composition et de l’autre quelque chose qui est totalement immaîtrisable, qui est presque de l’ordre du hasard. C’est cette image dialectique qui fait la force de Cartier-Bresson", estime encore Clément Chéroux.
On parle souvent d'"instant décisif". Cette photo réalisée derrière la gare Saint-Lazare en 1932 en est un exemple emblématique. "C’est une image qui n’aurait pas pu être fait à l'instant t-1 ou t+1", selon Clément Méroux. "A t-1, le personnage n’aurait pas été dans la position en extension qui reprend la silhouette qui apparaît sur l’affiche en arrière-plan. A t+1, son talon aurait touché l’eau et aurait ridé la surface de l’eau et aurait empêché les effets de dédoublement qui construisent cette image."
Chez les surréalistes comme André Breton, autre maître à penser de Cartier-Bresson, on parle aussi de "magique circonstancielle". Autrement dit, de hasard. Ou lorsqu'un concours de circonstances produit un court-circuit. Comme ce moment où le vent fait bouger le nœud du rideau à l’endroit même où se situe la tête de l’homme qui lit le journal dans cette photographie réalisée à Livourne (Italie) en 1933.
3 Le mouvement tu vénèreras
Mais on ne pourrait réduire Henri Cartier-Bresson à cette notion d’instant décisif. Le concept d'"explosante-fixe", un état des choses perçu simultanément en mouvement et au repos, établi lui aussi par André Breton, influence en profondeur l’œuvre du photographe français. Il aime le mouvement qui fait bouger les lignes et dynamise la composition. Dans la pratique, il choisit souvent d’introduire dans sa composition un sujet en mouvement. Et lorsqu’il appuie sur le bouton de son Leica, il arrête le mouvement mais produit une image qui, par son cadrage, sa composition et son rythme conserve toute l’énergie de l’action. Ce sont ces trois dogmes qui expliquent en partie le génie photographique d'Henri Cartier-Bresson.
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