Miss.Tic, pionnière parisienne du street art, investit le Palais des Papes d'Avignon

Publié
Temps de lecture : 5min - vidéo : 3min
Rebelle dans un milieu masculin, la street artiste Miss.Tic aura marqué les murs de la capitale avec ses pochoirs engagés. Une exposition à Avignon revient sur son oeuvre, qui reste d'actualité.
Exposition : Miss.Tic, pionnière parisienne du street art, investit le Palais des Papes d'Avignon Rebelle dans un milieu masculin, la street artiste Miss.Tic aura marqué les murs de la capitale avec ses pochoirs engagés. Une exposition à Avignon revient sur son oeuvre, qui reste d'actualité. (France 2)
Article rédigé par Valérie Gaget - V. Gaget, R. Duroselle, A. Fajon, S. Ripaud
France Télévisions - Rédaction Culture
France 2
Dans les années 80, la pochoiriste Miss.Tic réussit à s'imposer dans le milieu très masculin de l'art urbain. Elle a marqué les murs de la capitale avec ses silhouettes de femmes provocantes et ses slogans bien sentis. En Avignon, une exposition revient sur son oeuvre qui reste d'actualité.

Miss.Tic a souvent fait le mur, tatouant ses formules choc comme autant de petites bombes. Dans les années 1980, cette pionnière du street art s'invente un double sexy qui interpelle les passants. Nombre de ses poèmes urbains ont survécu au temps et restent d'actualité.

Née en 1956 d'un père tunisien et d'une mère normande, Radhia, son vrai prénom, a survécu à l'âge de dix ans à un effroyable accident de voiture. Il a coûté la vie à sa mère, à son frère et à sa grand-mère. Elle passera des mois allongée dans un hôpital pour enfants, "avalant des livres comme on avale des somnifères", selon ses propres mots. Sa main droite restera handicapée.

"Un néant me berce"

"Le néant me berce et la vie ne finit pas ses phrases. Je m'impatiente, je dois exister et incarner un drame familial. Je suis le résumé d'un fait divers", écrit-elle. Peu après le décès de son père, alors qu'elle n'a que 16 ans, elle intègre une troupe de théâtre d'improvisation, Zéro de conduite puis fait du théâtre de rue avec Kumulus.

Elle passe deux ans aux Etats-Unis intégrant le milieu punk et voyage en Amérique centrale et en Asie. De retour à Paris, elle emprunte son pseudo à une petite sorcière railleuse du Journal de Mickey : Miss Tick, avec un k. Celle qui taquinait l'Oncle Picsou en cherchant à lui prendre son argent..

"J'avais envie qu'on sache que j'étais une fille"

Dans le monde très masculin du graffiti, cette artiste plasticienne, folle de poésie depuis l'enfance, refuse de jouer les passe-muraille. "J'avais vraiment envie qu'on sache que j'étais une fille" explique-t-elle, et j'étais très portée sur la spiritualité". Le double sens de Miss.Tic lui plaît. L'artiste enfile ses hautes bottes et travaille la nuit, tatouant au pochoir, sur les murs de Paris, des filles qui lui ressemblent. Au début, elle fait des autoportraits. Par la suite, elle dessinera plutôt des femmes fatales telles qu'elles sont représentées dans la publicité ou les media. Des amazones armées de slogans où le jeu de mots est roi. Certaines de ses formules sont politiques : Le pouvoir ne protège pas, il se protège, On n'est ni de droite, ni de gauche, on est dans la merde, d'autres plus ironiques comme Port du cerveau obligatoire, Le masculin l'emporte, mais où ?, Il faut que jeunesse se passe. De quoi ?

Il y a aussi dans ses pochoirs des images et des textes érotiques. "Mes mots font le trottoir", riait-elle. Elle réussira patiemment à maîtriser un espace public contrôlé par les hommes, ouvrant la voie à nombre de jeunes femmes artistes qui n'hésitent plus à faire le mur, comme elle. "Elle a ouvert la voie" nous confie Gabrielle Billaudel qui signe ses collages OG pour Orgraphic. "Pour moi, le coeur de son message, c'est la femme. La femme puissante, séductrice, élégante, une femme du monde moderne ". Dans le quartier de La Butte aux Cailles où elle travaille, les oeuvres de MissTic, parfois un peu écaillées, voisinent aujourd'hui avec celles d'autres artistes qui semblent lui rendre hommage. 

A la vie à l'amor

En 1999, la plasticienne fut condamnée à une forte amende pour dégradation de bien public. Lassée d'être souvent arrêtée par la police et placée en garde à vue, elle finit par renoncer à l'action clandestine. Elle choisit alors de demander l'autorisation aux propriétaires, souvent des commerçants, d'apposer ses pochoirs sur leurs murs, tout en restant libre du motif. L'artiste développe aussi son travail d'atelier et multiplie le type de supports (toiles, cartons, parpaings, palissades, etc...).

MissTic n'a pas eu d'enfant. Ses deux héritiers, Charlotte et Antoine Novat, sont les enfants de son mari décédé avant elle. Depuis sa mort en 2022, ils font leur possible pour pérenniser son oeuvre, conscients de sa valeur dans l'histoire de l'art urbain. Ils disent être sollicités par de grands musées. Dans l'atelier de la miss, ils ont choisi près de 300 oeuvres pour l'exposition A la vie, à l'amor organisée dans la grande chapelle du  Palais des Papes d'Avignon. Elle aurait bien ri, l’irrévérencieuse Miss.Tic, de voir son art ainsi sacralisé !

Exposition Miss.Tic A la vie à l'amor - 27 juin 2024 au 5 janvier 2025. Visites guidées les samedis et dimanche à 15 heures à partir du 20 juillet. Tarif plein : 16,50 euros Tarif séniors : 15 euros Tarif pass et réduit : 14 euros Gratuit pour les moins de 8 ans

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.