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Festival Off Avignon 2023 : "Femme non rééducable", un hommage théâtral poignant sur la journaliste russe assassinée Anna Politkovskaïa

Assassinée à Moscou en 2006 pour sa dénonciation de la guerre en Tchétchénie, l’ombre de Vladimir Poutine plane sur la mort d’Anna Politkovskaïa.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Marie De Oliveira dans "Une femme non rééducable" de Stéphano Massini (2023). (COMPAGNIE DE L'ÎLE LAUMA)

La journaliste russe Anna Politkovskaïa est la victime collatérale emblématique de la guerre en Tchétchénie des années 2000. Assassinée le 7 octobre 2006 à 48 ans à Moscou après avoir révélé les exactions russes dans la République du Caucase, elle les relate sur scène, incarnée par Marie De Oliveira. Sur un texte de Stéphano Massini, elle est accompagnée de Laurent Mascles, qui met également en scène la pièce au Théâtre Au Bout Là-bas, dans le Off d’Avignon, jusqu’au 29 juillet.

Kiev – Grozny, même combat


Une silhouette dessinée par une lumière frontale orange évoque un interrogatoire d'apocalypse. Sur la scène noire, un visage s’éclaire en approchant du public. Mise en pleine lumière, Marie De Oliveira est l’alter ego d'Anna Politkovskaïa, avec à sa droite, dans les ténèbres, une ombre debout, comme un fantôme, Laurent Mascles. Son tour viendra, comme interlocuteur anonyme de l’autorité russe, ou témoins auxquels la journaliste est confrontée dans ses enquêtes.

À la mise en scène, Laurent Mascles a peaufiné des éclairages qui participent à une évocation sobre mais forte, puissante, très visuelle. Les plages électroniques sombres et atmosphériques de Gilles Monfort, n’envahissent pas le texte, mais le sous-tendent de ses basses fréquences prégnantes. Au premier plan, Marie De Oliveira témoigne de la barbarie à l’œuvre, des menaces de Moscou à son encontre et de son exécution. Marie De Oliveira est habitée par un texte limpide, dont la teneur n’est pas éloignée du discours tenu par le Kremlin aujourd’hui sur l’Ukraine. À savoir l’accusation de terrorisme par des factions locales, alors que c’est l’armée de Poutine qui commande les massacres. Anna Politkovskaïa participera aux négociations lors de la prise d'otages du théâtre Doubrovka en 2002 à Moscou, dont le bilan est de 128 personnes tuées pour la plupart intoxiquées par un gaz utilisé par les forces spéciales russes., Elle sera victime d’une tentative d’empoisonnement dans l'avion qui la ramenait de Beslan, où elle enquêtait sur la prise d'otages de l'école n°1 en 2004. Selon le bilan officiel, il y a eu 334 civils tués, dont 186 enfants.

Larme discrète


Moscou met ces massacres sur le compte de terroristes islamistes tchétchènes, alors que c’est l’armée russe qui officie, selon la journaliste. Anna Politkovskaïa remonte l’histoire jusqu’au XVIIIe siècle, quand s’est cristallisée une haine contre les Tchétchènes dans la mentalité russe, plus qu’envers toute autre ethnie au sein de la Grande Russie. Convoitée par toutes les Républiques alentour, la Tchétchénie n’a jamais cessé d’aspirer à la liberté, sans pourtant réclamer l’indépendance totale à Moscou.

Le texte de Stéphano Massini est transparent et d’une fluidité que n’égale que le détail avec lequel le parcours fatal d’Anna Politkovskaïa est reconstitué. Il est parfois difficile à écouter dans sa dureté. En cinq actes, Femme non rééducable suit les règles de la tragédie. Marie De Oliveira est bouleversée sur scène par son récit qui lui tire une larme discrète, brillante comme un diamant. Récit vrai d’une victime du bâillonnement de la liberté d’expression en Russie, il perdure pour que personne n'oublie Anna Politkovskaïa, martyre d’une politique russe qui régulièrement embrase ses Ex-Républiques. En Ukraine aujourd’hui, dans les années 2000 en Tchétchénie, Vladimir Poutine poursuit son hégémonie impérialiste, et accuse toujours Kiev de terrorisme, comme Grozny en 2000. Dix ans de guerre en Tchétchénie (août 1999 – avril 2009), on en est à dix-sept mois à Ukraine. Les victimes, elles, sont éternelles.

Femme non rééducable, Anna Politkovskaïa
De Stéphano Massini
Mise en scène : Laurent Mascles
Du 7 au 29 juillet à 17h25 - Relâches : 10, 17, 24 juillet
Au Bout Là-bas (Théâtre)
23 Rue et Place Noël Antoine Biret, 84000 Avignon
Tel : 06 41 30 53 27

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