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Festival Off Avignon 2023 : "La Vie interdite" ou la mort joyeuse, par Christian Mulot d'après le roman de Didier Van Cauwelaert

Un fantôme s’éveille au-dessus de son corps mort, et refait le parcours qui l’a mené là. Le pire, c’est qu’il aime ça.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Christian Mulot dans "La Vie interdite" qu'il a adapté de Didier Van Cauwelaert, mis en scène par Séverine Vincent au Festival Off d'Avignon 2023. (THOMAS QUENNEVILLE)

Sujet de prédilection de Didier Van Cauwelaert, la vie après la mort devient sur scène une acrobatie verbale. Adapté et interprété par Christian Mulot et mis en scène par Séverine Vincent, La Vie interdite évoque l’attachement à l’existence dans des petits riens, à en perdre la vie. La Vie interdite se joue au Théâtre de l’Oriflamme à Avignon jusqu’au 29 juillet.

Regard à rebours


Jacques se réveille flottant au-dessus du frigo de sa caravane, découvrant que son corps inerte gît auprès de sa maîtresse dans son lit. Tout jeune fantôme, il constate que cela fait près d’une heure et demie que personne n’a remarqué sa mort. Bientôt, sa femme découvre son cadavre, puis le médecin légiste, jusqu’au prêtre qui se trompe d’oraison funèbre. En observant tout ce petit monde qui s’affaire autour de lui, Jacques refait le parcours de sa vie.

"J’en ai appris plus en quelques heures que durant toute mon existence", constate Jacques en observant les conséquences qu’a son décès sur son entourage. Dans un décor abstrait où il évolue de plateformes en monticules avec énergie tout en lançant son texte, Christian Mulot se remémore des épisodes vécus qui s’imposent à lui comme autant d’étapes de son existence. Mais ce qui le turlupine le plus, c’est d’observer les réactions de ses proches à sa disparition, et l’absence de tout accueil dans cette nouvelle vie, puisqu’il y a bien un après la mort.

Temps éclaté


Une fois sa mort constatée, Jacques est découvert par une cliente, Mademoiselle Toussaint, 75 ans, et son chien Popeye, puis le fantôme revit des épisodes passés de sa vie qui alternent avec des moments présents. A sa rencontre avec sa future femme Fabienne succède l’arrivée de son meilleur ami Alphonse, et après le souvenir de sa sœur, survient une dispute chez le notaire... Une temporalité éclatée mêlée à une confusion des lieux gagne la scène. On passe d’une caravane à la quincaillerie de Jacques, à sa maison, à l'église, au cimétière.... Des flashs aveuglants entraînent Jacques de scène en scène sans lien apparent, seulement celui d’une vie qui défile comme un bilan. C’est formidable la mort, "on passe d’une attraction à une autre", s’étonne le fantôme.

Cet au-delà demeure solitaire, personne ne répond à ses questions. Jacques n’est qu’observateur du présent et de souvenirs qui l'assaillent. Christian Mulot occupe avec ampleur la scène, montant, descendant, arpentant les éléments de décor tout en confiant sa découverte de l’autre côté du miroir, avec un regard doux-amer sur une existence passée. La Vie interdite a un goût de réalisme et d’ironie, de fantastique aussi. Jacques effectue un passage, il restera dans la caravane qui est vendue à de nouveaux propriétaires après sa mort. Il y trouvera une nouvelle raison… de vivre. C’est cet entre-deux, entre deux vies, entre deux mondes, que Didier Van Cauwelaert et Christian Mulot captent avec conviction, humour et bienveillance. Là s’exprime une humanité qui semble avoir abandonné la quête de sens pour seulement celle de bonheurs fugaces. L’adaptateur et comédien s’accapare un texte qu’il fait vivre avec une sincérité et une maîtrise qui emportent l’adhésion.

"La Vie interdite" de et avec Christian Mulot, d'après le roman de Didier Van Cauwelaert
Mise en scène : Séverine Vincent
Du 7 au 29 juillet - Relâches : 9, 16, 23 juillet, à 20h15
L'Oriflamme
3-5 Rue Portail Matheron, 84000 Avignon
Tél : 04 88 61 17 75

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