Festival Off d'Avignon : "Oblomov", un existentialiste paresseux dans la lignée d'"Alexandre le Bienheureux", drôle et incarné

Dans le décor feutré d'une chambre douillette, Oblomov passe ses journées dans son lit. La vie vaut-elle le coup de se lever ? Pour le spectateur d'Avignon, c'est oui.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Yvan Varco et Alexandre Chapelon dans "Oblomov" de LM Formentin, d'après Ivan Gontcharov, au Théâtre des Vents, Festival Off d'Avignon 2024. (PASCAL GELY)

Adapté du roman d'Ivan Gontcharov par LM Formentin, cet Oblomov pourrait très bien se dérouler de nos jours, tant les temps sont durs, et l'effort demandé considérable pour affronter la réalité extérieure peu amène. Mais il faut bien vivre ! Oblomov, lui, a choisi de faire retraite à l'horizontale, dans son lit. Mais son fidèle majordome Zakhar se penche sur son cas et engage un dialogue revigorant avec lui. Sera-t-il persuasif ?

Le réveil vaut vraiment le coup avec deux comédiens épatants, Yvan Varco et Alexandre Chapelon, jusqu'au 21 juillet au Théâtre des Vents.

Le lit et le fauteuil

Aristocrate dilettante, Ilitch Oblomov ne jure que par son absence au monde pour mieux se faire désirer. Ce roman classique russe de 1859 devait être inconnu d'Yves Robert, quand il réalisa Alexandre le Bienheureux (1968), autre éloge de la paresse. Dans l'Oblomov théâtral de Jacques Connort présenté à Avignon, le lit prend toute la scène, laissant tout de même place à un fauteuil qu'occupe, quand il n'est pas debout, son valet Zakhar qui tente de le secouer.

La motivation invoquée est qu'une jeune femme ne lui serait pas indifférente. D'abord ravi d'une telle reconnaissance, il réfléchit. La passion amoureuse n'est-elle pas trop envahissante, un sentiment trop violent qui perturbe les sens et le cerveau ? Alors qu'il est si bon de ne rien faire dans le couffin douillet de son lit. "On dirait que tu as même la flemme de vivre", lui lance son majordome et ami Zakhar.

L'ironie de l'histoire

Le personnage du roman d'Ivan Gontcharov a même engendré le néologisme d'oblomovisme, pour désigner un comportement dilettante, inactif, refusant toute prise de parti, de décision, et adepte de la procrastination. Alexandre Chapelon est dans le ton, teintant de philosophie son inactivité revendiquée. Face à lui, Zakhar n'est pas loin de se faire convaincre. Celui qui était venu faire la leçon, n'est-il pas au final celui qui la reçoit ?

Nostalgique de sa jeunesse, n'en étant pas encore sorti et ayant les moyens d'y paresser, Oblomov, dans son joyeux dilettantisme, flirte avec une pensée nihiliste teintée d'ironie, à laquelle sont souvent identifiés les Russes. L'adaptation de LM Formentin fait une belle synthèse du roman d'Ivan Gontcharov, où Yvan Varco excelle en Zakhar, dans l'évocation d'un texte moderne en son temps, toujours contemporain.

"Oblomov"
De LM Formentin, d'après Ivan Gontcharov
Mise en Scène : Jacques Connort
Avec : Yvan Varco et Alexandre Chapelon
Du 29 juin au 21 juillet 2024, 11h30, relâche 1er, 8, 15 juillet
Théâtre des Vents
63 rue Guillaume Puy, Avignon
Tél : 06 11 28 25 42

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