: Interview Festival Avignon Off 2023 : JoeyStarr raconte sa première fois au Festival, loin de "l’image figée du théâtre intellectuel"
“Excusez-moi s'il vous plaît, vous pouvez m’appeler quelqu’un du bar ?” JoeyStarr se réveille d’une sieste dans son hôtel cinq étoiles à Avignon. Il commande un Botran sec sur la terrasse, assis dans un fauteuil, bracelets et bagues massives en argent sur les mains, ses lunettes de soleil légendaires vissées sur la tête. Il ne tardera pas à les faire tomber pour dévoiler des cicatrices et quelques cernes. Au Festival d’Avignon pour la première fois avec sa partenaire Clarisse Fontaine, il présente Cette petite musique que personne n’entend au Théâtre du Balcon jusqu'au 26 juillet, après de nombreuses dates en régions. Pour Franceinfo Culture, dans le cadre de notre série "Mon Avignon à moi", l'acteur et rappeur raconte l’énergie éclectique du Festival, sa richesse, mais aussi sa première fois en tant que metteur en scène.
Franceinfo Culture : qu'est-ce qui vous a le plus marqué quand vous êtes arrivé au Festival d’Avignon ?
JoeyStarr : c’est mon premier festival. Je suis déjà venu à Avignon pour des tournages ou pour faire de la musique, mais là c’est différent. Ça ne fait pas longtemps que je fais du théâtre. Mes deux papas de théâtre sont Jérémie Lippmann et David Bobée [avec qui il a collaboré en 2017 et 2019]. J’avais une idée un peu arrêtée sur le théâtre. J’y allais de temps en temps mais sans plus. J'ai appris par leur biais qu’on peut tout faire au théâtre. On peut tout dire et je n’avais pas cette lecture-là. En arrivant ici et en voyant toute la diversité de spectacles, j'ai été impressionné. Avignon, c’est une ambiance avec des affiches partout, des gens qui tractent et proposent des spectacles. Il y a surtout des spectacles décalés, accessibles. J’avais l’image figée du théâtre intellectuel. Je me rends compte que finalement ça part dans tous les sens. Le plus important, c’est que le théâtre est un art de rue au départ, et je vois cet aspect à Avignon. Ça me rassure. Je me sens plus à l’aise en voyant cette diversité de style et de personnes. Ce ne serait pas le cas si j’étais à dans un théâtre à Saint-Malo.
Y a-t-il un moment que vous retenez jusqu’à présent ?
En face de mon hôtel j’ai vu des personnes blanches jouer du gwoka, de la musique traditionnelle guadeloupéenne avec des danseurs, j’ai rencontré une femme qui fait un one-woman-show accompagnée d’un ka (un tambour guadeloupéen ndlr)… Ça me touche, moi qui suis caribéen d’origine. J’aime le spectacle vivant dans toutes ses formes, ça m’impressionne. Qu’on joue au Palais des papes ou dans son garage, c’est pareil. Enfin les gens demandent quand même s’il y aura de la clim’. Je suis allé tracter, tout le monde le fait, on va au contact des gens. On en rencontre d’autres qui font des petits teasers devant les cafés. Je trouve cette ambiance super saine et agréable, parce que ça parle et c’est accessible à tous.
L'atmosphère du In est-elle également accessible et ouverte à tous selon vous ?
Je connais moins, mais je pense que c’est vraiment deux salles, deux ambiances. C’est bien aussi parce que ça crée un tout. Je vois les gens qui sortent ou qui viennent nous voir le soir au théâtre, et d’apparence je vois toutes les strates d’âge ou de milieux sociaux. On a dû jouer huit ou dix fois le spectacle en province avant de venir à Avignon. Les salles étaient remplies, ce qui m’étonnait à chaque fois. Ici ce n’est pas le cas. On a une salle de 180 places, le premier soir il y avait 30 personnes, le deuxième 20, le troisième 50. Dans le public, il y avait autant la programmatrice que quatre petites vieilles de 70 ans qui venaient pour la deuxième fois, très émues, ou des prépubères.
Quelles différences voyez-vous entre la présence de jeu au théâtre et au cinéma ?
J'ai l’impression qu’au cinéma, on est plus obligé de surfaire les choses qu'au théâtre. Sur scène, une fois qu'on a posé les jalons du décor ou du texte, le reste dépend de ce qu’on va envoyer aux gens. Au cinéma tout est surfait, le décor est réglé au moindre détail. Au théâtre on peut même se passer de décor parce que la parole emmène aussi loin. Je viens de cette école-là, celle du rap. On se raconte et on raconte des histoires. J’ai toujours été mal en studio, je suis un hyperactif et c’est sur scène que je m’éclate. J’aime la liberté et l’interaction avec le public. En regardant toutes ces formes artistiques à Avignon, j’ai des réminiscences de tout ce que j’ai pu faire dans ma carrière.
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