Huit preuves que "Charlie Hebdo" était omniprésent à Angoulême
Francetv info était au festival de la bande dessinée d'Angoulême, marquée par la mort des 12 membres de la rédaction de "Charlie Hebdo". Récit en quelques instantanés.
Comme chaque année depuis 42 ans, les amateurs de dessins ont envahi Angoulême le temps du festival international de la bande dessinée. Comme chaque année, débats, visites et dédicaces ont rythmé le week-end. Bref, tout était normal, ou presque, trois semaines après les attentats contre Charlie Hebdo. Brillants par leur absence, Charb, Cabu, Wolinski et les autres ont ressuscité le temps d'un week-end plein d'hommages.
Deux prix pour l'hebdomadaire
Un Grand prix spécial et un prix Charlie de la liberté d'expression. Le festival d'Angoulême a rendu un hommage appuyé, dans son palmarès, à l'hebdomadaire satirique. Le premier distingue Charlie Hebdo pour l'ensemble de son œuvre. Le second sera pérennisé et récompensera un auteur qui, dans son pays, "lutte contre la censure et risque sa vie pour le dessin".
Lors de la remise des prix, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a souligné l'importance de "son humour subversif (...) indispensable de la liberté d'expression". En réponse au prix, le dessinateur Blutch, ému, s'est excusé "de ne pas vous dire merci".
Fleur Pellerin remet le prix Charlie de la liberté d'expression. C'est Bonneval et Blutch qui le reprennent #FIBD2015 pic.twitter.com/783myYpYBY
— Julie Rasplus (@julie_rs) February 1, 2015
Un festival sous bonne garde
Les festivaliers ont dû être patients, cette année, pour accéder aux "bulles", où les auteurs font les dédicaces. Plan Vigipirate oblige, de longues files se sont formées en raison des nombreux contrôles de sécurité à l'entrée des différents espaces. Fouille des sacs. Fouille aux corps. Contrôle des tickets. Malgré le froid, la pluie et l'attente, l'ambiance est restée bon enfant. "C'est comme au stade, mais mieux vaut être prudents", résument, philosophes, deux amis venus pour la première fois. La présence de nombreux policiers dans les rues ont aussi donné un air plus grave à cette 42e édition.
"Charlie" partout, jusque dans les vitrines
"Ici à Angoulême, on ne pouvait pas ne rien faire", explique Franck Bondoux, délégué général du festival, à francetv info. "On avait une proximité assez grande avec des auteurs comme Wolinski ou Cabu." La ville se devait donc de rendre hommage aux dessinateurs tués. Sur la façade de l'hôtel de ville, trois immenses kakémonos ont été dévoilés, jeudi, dont un égrénant les noms des personnes tuées lors des attentats.
Les murs, les panneaux électoraux et même les vitrines de certains commerces ont été envahis par les meilleures "unes" de l'hebdomadaire. Jean-François a ainsi vu défiler des dizaines de curieux. Le samedi d'après les attentats, ce responsable d'une agence de voyages de la place de l'hôtel de ville a installé une quinzaine de numéros dans sa vitrine. "Quelqu'un de ma famille était abonné donc ça a été facile de trouver les anciens exemplaires", raconte-t-il. L'installation prendra fin lundi. "Ça n'arrête pas. Une dame est même rentrée pour nous remercier."
Des absences lourdes de sens et des figures
Au stand Cultura, une ligne effacée a rendu de la gravité à l'effervescence ambiante. Catherine Meurisse, en compétition pour Moderne Olympia et membre de Charlie Hebdo, n'est pas venue pour la rencontre avec le public. Trop secouée, comme elle l'a expliqué jeudi sur France Inter. Riad Sattouf, autre contributeur de l'hebdomadaire, a lui choisi de se tenir loin de la presse, privilégiant la promotion de L'Arabe du futur.
Seul Willem, figure de Charlie, a bien voulu discuter. Le dessinateur parie sur une sortie à la mi-février du n°1179. "Les gens sont trop touchés pour se remettre à dessiner tout de suite. Et puis, quand un journal est amputé de cinq de ses meilleurs collaborateurs, c'est pas facile de continuer", explique-t-il.
De la bonne humeur devant les vieilles "unes" exposées
A l'entrée, le panneau donne le ton. L'exposition 'Une histoire de Charlie Hebdo", en place jusqu'au 8 mars à la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image, a été "montée dans l'urgence, la peine, mais aussi les rires". Et il y en a eu lorsque les festivaliers ont découvert les vieilles "unes" de Hara-Kiri, La Grosse Bertha ou Charlie Hebdo, chacun en prenant pour son grade, de Jacques Chirac et François Mitterrand à Nicolas Sarkozy ou les Le Pen.
Après la franche rigolade, les visiteurs ont pu laisser un mot à la craie sur un immense mur d'hommages.
Des abonnements pour soutenir la rédaction
Des dizaines de festivaliers sont repartis d'Angoulême avec un abonnement à Charlie sous le bras grâce à une formule spéciale festival. Guy et Madeleine, venus de Gironde, ont profité du stand installé devant la mairie pour se réabonner. "Charlie, ça faisait partie des meubles. On était abonné il y a longtemps", explique le couple, qui pense surtout à ce qu'ils vont dire à leurs petits-enfants. "C'est important de savoir ce qu'est Charlie. La France a des valeurs et ils en sont une partie." Samedi, une centaine de personnes étaient reparties délestées de quelques euros, mais le n°1178 sous le bras en guise de cadeau.
Le succès du livre de dessins-hommages
Depuis les attentats, de nombreux dessinateurs ont rendu hommage en dessins à leurs camarades tués. La plupart, dont ceux de Guy Delisle, Frederic Peeters, Crumb, ont été rassemblés dans le livre La BD est Charlie, spécialement édité pour le festival.
L'ouvrage à dix euros s'est arraché comme des petits pains. Julie, amatrice de BD de 25 ans, n'a pas hésité : "C'était d'abord pour faire un geste car les bénéfices sont reversés aux familles des victimes. Et puis, c'est le genre de bouquin qui reste dans la bibliothèque et qui permet de se souvenir, de transmettre le message." Beaucoup ont fait comme elle. A 11 heures, samedi, il ne restait quasiment rien des 300 exemplaires disponibles chez Casterman. A Dargaud, le stock était déjà épuisé.
La "place Charlie" inaugurée dans le centre-ville
Les Angoumoisins penseront désormais à la liberté d'expression lorsqu'ils iront faire leur marché. La place des Halles d'Angoulême a été renommée "place Charlie", dimanche à 11h30. Un symbole validé par les membres de la rédaction, a assuré le maire Xavier Bonnefont. Entouré d'Alain Juppé et d'une petite foule d'habitants, il en a profité pour revenir sur la polémique concernant les bancs anti-SDF, qui lui a valu d'être traité de "con", jeudi, par un représentant de Charlie Hebdo, raconte La Charente Libre. Promis, ils seront "cisaillés".
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