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La Comédie-Française chante et danse l'"Opéra de quat' sous" au Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence

L'"Opéra de quat'sous", célèbre "pièce avec musique" de Bertolt Brecht et Kurt Weill, est portée par la Comédie-Française en ouverture mardi du Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Le public devant la scène du Théâtre de l'Archeveché à Aix-en-Provence en 2020. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

Ses chansons ont été interprétées par Ella Fitzgerald et Sting et inspiré Bob Dylan mais en 2023, l'Opéra de quat'sous, célèbre "pièce avec musique", est donné par la Comédie-Française en ouverture mardi du festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence. La comédie musicale, ou plutôt parodie d'opéra de Bertolt Brecht et Kurt Weill, créée en 1928 à Berlin avant d'être interdite par les nazis, "n'a pas été écrite pour des chanteurs mais pour des acteurs", rappellent le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier et les comédiens du Français.

"La petite pression vient du fait que le public du festival d'Aix est habitué à venir voir de grandes œuvres d'opéra avec de grandes voix lyriques", affirme à l'AFP Elsa Lepoivre, sociétaire dans "la maison de Molière". "S'ils se disent : C’est la Comédie-Française, donc c'est forcément classique, c'est sûr qu'ils vont être sidérés, d'autant plus que la mise en scène d'Ostermeier peut bousculer", rit-elle.

"Ils sont incroyables"

Thomas Ostermeier, qui a déjà bousculé la Comédie-Française et son public avec ses versions décalées du Roi Lear (2022) et La Nuit des Rois (2018) de Shakespeare, affirme à l'AFP avoir "réussi à réunir les meilleurs chanteurs-acteurs" pour cette œuvre qui parle d'une guerre de gangs dans le Londres victorien. "Ils sont incroyables", dit-il, en référence à la dizaine de comédiens sélectionnés à la suite d'auditions... de chant. Parmi eux, Marie Oppert, chanteuse lyrique qui a rejoint le Français en 2022.

La Comédie-Française n'en est pas à son premier essai puisqu'elle a déjà programmé des cabarets, ses comédiens interprétant des chansons de Boris Vian et de Serge Gainsbourg. Mais "ça n'a jamais pris cette dimension 'opératique', avec un orchestre et des danses", souligne Elsa Lepoivre, qui campe la prostituée Jenny. Birane Ba, pensionnaire au Français depuis 2019, joue le rôle principal de Macheath, un dangereux criminel contre le roi des mendiants, Jonathan Jeremiah Peachum (Christian Hecq).

"Au conservatoire, on a des cours de chant mais je n'avais jamais osé chanter devant un public; le théâtre, c'était déjà énorme", affirme le comédien. "Comme je ne lis pas la musique, les pianistes de l'orchestre le Balcon (qui jouera la partition sous la direction de Maxime Pascal) m'ont aidé note par note avec le déchiffrage", explique l'acteur qui a sept chansons au total.

"Oeuvre hyper exigeante"

Les comédiens ont travaillé avec un chef de chant et ont également une professeur de chant attitrée au Français. "On est plus alerte sur la santé de nos cordes vocales", note Birane Ba. "Je me suis rendu très vite compte que c'était une œuvre hyperexigeante quand on nous a dit qu'il fallait bosser notre voix un an à l'avance", indique Benjamin Lavernhe, qui se dit "hyperexcité à l'idée de se prêter à cet exercice". "Chanter devant un public, c'est être à poil devant lui dix fois plus que si l'on était nu", rit le comédien dont le père est "un fou d'opéra". Claïna Clavaron, une des nouvelles recrues du Français, a découvert l'humour de l'œuvre. "J'ai l'habitude de rôles plus sobres, je joue ici Lucy, la fille de Brown, qui est une drama queen très drôle", dit-elle.

Ostermeier a choisi de revenir à la version originelle de la création, "plus condensée et plus politique", avec une nouvelle traduction en français. "Nous avons besoin de monter cette œuvre car elle est très pertinente de nos jours; ça parle de misère, de désespoir, de lien entre économie et criminalité", explique-t-il. Tableau grinçant de la République de Weimar, le régime qui a précédé l'arrivée de Hitler au pouvoir, ce "Song-Oper", basé sur L'Opéra du gueux de John Gay (1728), plonge dans l'amoralité de l'époque. "D’abord la bouffe et après la morale dit le texte", rappelle Ostermeier.

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