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J.K. Rowling peut-elle survivre à Harry Potter ?

L'auteure anglaise publie jeudi son premier roman destiné exclusivement à un lectorat adulte. Bye bye, l'apprenti sorcier. Bonjour la satire sociale. FTVi revient sur ce pari risqué. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des visiteurs devant le stand dédié à J.K. Rowling à la Foire du livre de Sao Paulo (Brésil), le 19 août 2012.  (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

BUZZ - J.K. Rowling s'est échappée de Poudlard. La maman d'Harry Potter sort jeudi 27 septembre son très attendu Une place à prendre, premier roman exclusivement destinés "aux grands"

Bankable – les sept volumes de la saga Harry Potter lui auraient rapporté 560 millions de livres sterling, soit 703 millions d'euros, selon la Sunday Times rich list (article payant, en anglais) – et influente – selon une multitude de classements comme celui-ci ou celui-là –, J.K. Rowling règne depuis quinze ans sur la littérature pour jeune adulte. Pourra-t-elle remporter un succès "potteresque" dans le monde des moldus (les non-sorciers, voyons) avec une histoire garantie sans sort ajouté ? FTVi décortique les deux options qui s'offrent à la maman d'un mythe.

Un carton assuré...  

Parce qu'une partie de ses fans sont des adultes. Venir de l'univers fantastique  n'est pas un handicap. Au contraire. Ce genre est connu pour transcender les générations, analyse longuement Slate.fr, qui cite en exemple les best-sellers Twilight et Hunger Games. Avec une base de fans qui a souvent grandi avec l'apprenti sorcier, J.K. Rowling peut séduire par elle-même. Ainsi, un million d'exemplaires d'Une place à prendre étaient déjà précommandés samedi, selon les éditions Waterstones, citées par The Daily Mail (en anglais). Ce qui n'est pas négligeable pour une satire sociale dont l'action se déroule à huis clos dans un village du sud-ouest rural de l'Angleterre.

"Ça a changé la donne dans le monde de la littérature jeunesse, ce héros [Harry Potter] qui grandit avec les lecteurs", explique Xavier d’Almeida, directeur de collection chez Pocket Jeunesse, interrogé par Slate.fr. C’est un des premiers livres qu’on a vu passer des enfants aux parents, aux grands frères et grandes sœurs." Comme la saga Twilight sous la plume de Stephenie Meyer, ou le phénomène Hunger Games de Suzanne Collins, les aventures du sorcier ont séduit par delà les générations, imposant son auteure comme une valeur sûre. 

Parce qu'elle parle de la vraie vie. Fini les "moldus", les copains de "Pouffsouffle" et les pintes de "bierrobeurre". Dans Une place à prendre, "elle emploie des mots comme 'préservatif', 'vagin', 'couilles', et bien d'autres termes explicites", a relevé Le Figaro. Un vocabulaire qui, sans être vraiment grossier, n'est pas compatible avec les aventures d'Hermione, Ron et Harry (si l'on exclut la "fanfiction" dans laquelle les héros s'initient aux joies du sexe grâce à une potion magique ou participent au "Poudlard Fuckfest", mais c'est une autre histoire).

Ainsi, point de place pour l'imaginaire dans Une place à prendre. L'intrigue s'ouvre sur la mort d'un personnage, et l'une de ses héroïnes, Krystal Weedon, est une adolescente issue d'un milieu très modeste, en charge de son petit frère et de sa mère toxicomane. Au programme : "drogues, prostitution, (...) odeur de couches-culottes", résume le New Yorker (en anglais). Un changement de décor indispensable pour faire oublier ses sept best-sellers.

Parce que sexe et licornes sont incompatibles. Pour justifier l'abandon du style fantastique au profit d'une écriture réaliste, J. K. Rowling prévient : "On ne fait pas l'amour à côté de licornes. Ça ne se fait pas. C'est une règle intangible", dit-elle dans un long entretien au New Yorker (en anglais). Les problèmes du quotidien, sexe, drogue et violence inclus, ne sont pas solubles dans la potion magique qui a fait son succès.

Par ailleurs, ce virage artistique tombe bien, le grand public ayant récemment montré son engouement pour les œuvres coquines et politiquement incorrectes. Avec ses romans érotiques tendance SM, sa compatriote E.L. James, elle-même issue de la littérature fantastique à travers des "fanfictions" de Twilight, n'a fait qu'une bouchée du record des ventes de livres sur Amazon jusqu'alors détenu par la saga Harry Potter, a constaté en août The Daily Mail (lien en anglais). 

... ou une déception générale ?

Parce qu'il est impossible de faire mieux qu'Harry Potter (désolée, J.K.). La romancière n'a pas le droit à l'erreur. Si Une place à prendre déçoit, "sa réputation de déesse de l'écriture pourrait en pâtir", prédit un lecteur sur le site de fans Mogglenet.com (lien en anglais). "Après tout, nous allons tous juger ce livre très sévèrement… Soyons honnête, n'importe quel livre ferait pâle figure comparé à Harry Potter (…). Si ce n'est pas un chef-d'œuvre, des millions de fans seront dévastés", écrit-il.

Non, parce qu'on ne se refait pas. Surtout, si nombreux soient les auteurs à naviguer entre les générations, d'Harlan Coben à Olivier Adam, il arrive que l'étiquette "Jeunesse" colle à la couverture. C'est le cas pour Roald Dahl, considéré comme le pape du livre pour enfants au détriment de son œuvre pour adultes. La preuve, James et la pêche géante ou encore Charlie et la chocolaterie ont davantage fait l'histoire que l'érotisant Mon oncle Oswald.

C'est l'effet Winnie l'ourson, analyse The New Yorker. L'auteur des aventures de l'ours au tee-shirt rouge, l'Anglais A.A. Milne, s'est illustré dans les années 1930 en publiant plusieurs pièces de théâtre et romans pour adultes, rappelle l'hebdomadairePourtant, un critique ne manqua pas de lui faire remarquer que le héros de sa dernière pièce n'était qu'une version adulte du petit Jean-Christophe, héros humain des aventures de Winnie. "Même si je n'écris pas au sujet d'enfants, je continue de m'efforcer à écrire au sujet de gens qui furent enfants un jour", notait-il. Ainsi, même convertie à la littérature adulte, J.K. Rowling n'est jamais aussi bonne que lorsqu'elle donne vie à ses personnages d'adolescents, "plus dynamiques", reconnaît le magazine. Malédiction ?

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