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Je ne suis pas un salaud

Un film d’Emmanuel Finkiel avec Nicolas Duvauchelle et Mélanie Thierry
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
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Jouez et gagnez des places pour découvrir "Je ne suis pas un salaud", un film **d’Emmanuel Finkiel  avec France Info ! **

 

SYNOPSIS

Lorsqu’il est violemment agressé dans la rue, Eddie désigne à tort Ahmed, coupable idéal qu’il avait aperçu quelques jours avant son agression. Alors que la machine judiciaire s’emballe pour Ahmed, Eddie tente de se relever auprès de sa femme et de son fils et grâce à un nouveau travail. Mais bientôt conscient de la gravité de son geste, Eddie va tout faire pour rétablir sa vérité. Quitte à tout perdre…

 

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

Comme dans vos films précédents, on a le sentiment que vous prenez plaisir à tirer plusieurs fils à la fois.

Exactement. J’ai envisagé ce long métrage comme une sorte de millefeuille, chaque feuille étant un mouvement que j’essaie de suivre tout au long du récit, plus ou moins discrètement, comme on suit les mouvements souterrains de l’alto sur les violons dans un quatuor.

Que ce soit dans les vitrines, chez eux, devant un miroir, ou à l’extérieur, face aux vitres de la cité, tous les personnages du film, et Eddie, le héros en particulier, croisent constamment leur reflet. Comme s’ils se trouvaient en permanence face à une image d’eux-mêmes à laquelle ils doivent se confronter.

C’est une autre des feuilles du millefeuille. Nous sommes tous déterminés par un certain nombre de mécanismes sociaux et, dans le même temps, chacun a son libre arbitre. Dans cette dialectique permanente, entre ce que la société nous demande d’être, ce que nous sommes réellement et la projection de ce que nous aimerions être, la bataille est rude et le devient d’autant plus lorsqu’on souffre, comme Eddie, d’un petit déficit. D’où ce reflet auquel il est sans cesse confronté : il ne voit le monde qu’à travers ce qu’il projette de lui-même. C’est sa maladie. Et son démon.

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Comment le décririez-vous ?

C’est un type plus complexe qu’il peut paraître au premier abord. C’est un brave type, mais il a en lui un individualisme forcené et une immaturité évidente. Il est bien trop englué en lui-même pour faire attention à l’autre dont il subit pourtant continuellement le regard.

Eddie se trouve dans l’incapacité de coller au schéma d’une vie à laquelle il aspire.

C’est un marginal alors qu’il ne rêve pourtant que de se couler dans le moule. Tiraillé entre sa fragilité d’être et l’impossibilité de répondre à l’injonction d’être quelqu’un, il n’a jamais pu se satisfaire de son existence, ni combler le fossé entre son identité intime et le rôle qu’on lui demande de jouer ou qu’il croit devoir jouer pour exister. Il a une image de lui calamiteuse et essaie bien maladroitement de s’en construire une autre, plus valorisante, dans le regard des autres.

Pour y parvenir, il va finir par se comporter en salaud et orchestrera inexorablement sa propre perte. Comme plus ou moins tous mes films, Je ne suis pas un salaud traite finalement de l’identité et du rapport à l’autre. Eddie subit, comme nous tous, à une échelle plus ou moins variable, cette pression sociale et sociétale qui nous enjoint d’être une belle personne, un bon père, un bon mari, un type respectable. Mais en même temps, comme nous tous, il est également animé par ses forces intérieures.

Chez lui, ce ne sont malheureusement pas des forces positives. Quand il se voit comme un nul, il fait tout pour l’être. Aussi quand il essaie de bien faire, fait-il tout « foirer ».

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Pourquoi avoir choisi de donner au film ce titre - Je ne suis pas un salaud - quand tout semble indiquer qu’Eddie en est un ?

Il y a bien sûr un jeu, une ironie, avec le spectateur qui, tout au long du film, assiste aux actions du personnage principal. J’ai emprunté la définition que Sartre donne du salaud dans L’Être et le néant avec l’exemple du garçon de café jouant à « être » garçon de café. Pour lui, un salaud est quelqu’un de mauvaise foi qui se prend pour ce qu’il n’est pas ; quelqu’un qui joue la comédie sans se le dire et qui finit par y croire.

Eddie adorerait être un autre, mais il n’y parvient pas. Il est incapable de jouer le jeu qu’on lui impose. Il aimerait bien, mais ne le peut pas : on voit bien, au début du film, dans le stage de vente qu’il est incapable de tenir le rôle. D’une certaine manière il est, lui aussi, victime du jeu de rôle auquel nous sommes, d’une manière ou d’une autre, tous soumis : accepter de jouer des rôles, s’arranger pour être en adéquation avec ce rôle, devenir ce rôle. La moindre défaillance ou incapacité à cette adéquation et on court, ni plus ni moins, le risque de ne plus exister.

De ce point de vue-là, on pourrait dire qu’Eddie est peut-être un enfoiré, mais pas un salaud ! Si l’on suit la définition de Sartre, le vrai salaud du film est Ahmed qui accepte de se faire appeler Michel Lorrain sur la plateforme téléphonique où il travaille en utilisant des phrases types qui ne sont pas de lui.

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On filme rarement la faiblesse au cinéma. Dans Je ne suis pas un salaud, vous la rendez incroyablement palpable.

La faiblesse est rarement filmée en effet, ce n’est pas très héroïque, pas très gratifiant pour le spectateur. D’habitude, au cinéma, on s’arrange pour que même les anti héros aient quand même des travers avouables et deviennent en fait des héros. Ici, au contraire, le personnage est livré avec ses défauts sans compromis pour le dédouaner, sans circonstances atténuantes, livré nu au jugement moral du spectateur. À qui on renvoie une incarnation de quelques-uns de ses propres défauts. Bien sûr, nous ne nous comporterions certainement pas comme Eddie, nous ne dénoncerions pas un type sans être absolument sûrs. Encore que... Mais combien de petites mesquineries et saloperies faisons-nous à longueur de temps pour sauver nos peaux ou simplement se sentir mieux, pour exister ? « Je ne suis pas un salaud » c’est ce qu’on se dit tous !

 

BIOGRAPHIE DU RÉALISATEUR

Né à Paris en 1961.

Après des études de lettres à Censier, Emmanuel Finkiel commence sa carrière comme assistant de nombreux réalisateurs dont Christian de Chalonge, Bertrand Tavernier, Krzysztof Kieslowski et Jean-Luc Godard. Puis il enchaîne l’écriture et la réalisation de longs métrages de fiction et de documentaires ainsi que de téléfilms.

En 1995, il réalise Madame Jacques sur la Croisette. Primé dans de nombreux Festivals, il obtient notamment le César du meilleur court métrage en 1997. En 1999, il réalise son premier long métrage, Voyages, qui obtient entre autres le César du premier film et celui du meilleur montage 2000 et le prix Louis Delluc. En 2009, il réalise son deuxième long métrage de fiction, Nulle part, terre promise qui obtient entre autres prix, le prix Jean Vigo. En 2012, il écrit et réalise le documentaire de long métrage Je suis. En 2014, il réalise Je ne suis pas un salaud dont le scénario, qu’il a écrit, est sélectionné à L’Atelier Cinéfondation 2013 et obtient le Prix ARTE International. En 2015, le film obtient le Prix de la mise en scène et le Prix d’interprétation masculine pour Nicolas Duvauchelle au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2015.

Emmanuel Finkiel écrit actuellement, toujours pour le cinéma, le scénario de Les Chiottes de Siegmaringen en collaboration avec Jacques Martineau ainsi que l’adaptation de La Douleur de Marguerite Duras.

Pour France 2, il écrit et réalise Mélanie en 1996, avec Michel Duchaussoy. Pour Arte, en 2001 il réalise le documentaire Casting qui obtient parmi d’autres prix, la mention spéciale du Prix Europa 2001. Le téléfilm qu’il écrit et réalise pour France 2 en 2007, En marge des jours avec Michèle Laroque, est récompensé du FIPA d’or du Meilleur scénario.

 

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