Primé aux Pégases, "Solasta : Crown of the Magister” sonne-t-il le renouveau du jeu de rôle à l’ancienne ?
Sorti en 2021 sur PC, le jeu de rôle tactique "Solasta : Crown of the Magister" a reçu un accueil plutôt chaleureux, tant de la part de la presse spécialisée que des joueurs. Primé lors des "Pégases 2022" dans la catégorie "meilleur premier jeu vidéo", son univers nous replonge dans un monde ancien et fantastique : celui de "Dungeons & Dragons".
Le 10 mars dernier, la cérémonie des Pégases qui récompense les jeux vidéo français les plus talentueux a attribué le prix du meilleur premier jeu vidéo au studio Tactical Adventures pour Solasta : Crown of the Magister. Ce jeu de rôle tactique, sorti en 2021 sur PC a reçu un accueil chaleureux, tant de la part de la presse spécialisée que des joueurs. Son univers nous replonge dans un monde ancien et fantastique : celui de Donjons et Dragons.
Cette année, le Pégase du meilleur 1er JV revient à @tct_adventures pour le jeu Solasta : Crown of the Magister. Bravo #Pegases2022 pic.twitter.com/DA3oShC4S6
— Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo (@AcademieJV) March 10, 2022
Le phénomène D&D
Créé en 1974 par Gary Gygax et Dave Arneson, Dungeons and Dragons est considéré comme le tout premier jeu de rôle ayant vraiment percé. Les joueurs incarnent un groupe d’aventuriers évoluant dans un monde médiéval fantastique et doivent accomplir une quête en suivant les instructions d’un maître de jeu qui dissimule ses notes derrière un écran. La fameuse “boite rouge”, version française du jeu de base sortie en 1983 qui arbore un énorme dragon en couverture est devenue légendaire et est quasiment introuvable dans l’Hexagone. Avec ses labyrinthes, ses monstres, ses trésors et ses dés polyédriques, elle a été pour beaucoup une porte d’entrée vers un univers imaginaire alors inconnu.
Cette porte, Mathieu Girard l’a franchie il y a plus de 30 ans et ne l’a jamais refermée. Le fondateur de Tactical Adventures est toujours un joueur actif qui aime s’aventurer dans plusieurs campagnes de jeu de rôle à la fois. Parmi la vingtaine de collaborateurs qui compose le studio à l’origine de Solasta, beaucoup sont également des rôlistes acharnés qui partagent un mot d’ordre : être le plus fidèle possible à la version papier de Dungeons & Dragons. Car si Mathieu a voulu se lancer dans cette aventure c’est parce qu'il trouve que les autres jeux vidéo qui ont adapté D&D ne pas allés assez loin. “Le fait de vouloir être le plus fidèle aux règles (de D&D) nous a ouvert un champ de mécaniques de jeu vidéo beaucoup plus large”, dit Mathieu Girard, fondateur de Tactical Adventures.
Prendre de la hauteur
Une des originalités de Solasta, c’est d’offrir aux magiciens la possibilité de voler grâce à un sort de niveau 3 présent dans les premières règles de D&D mais jamais utilisé dans les différentes adaptations en jeux vidéo. Les développeurs ont dû s’atteler à la lourde tâche de créer des cartes en volume où chaque personnage peut à tout moment se retrouver dans les airs. Cette position influe sur beaucoup de paramètres et complexifie la gestion des rapports avec les adversaires qui peuvent être au sol ou en train de voler.
Mais le résultat est à la hauteur des attentes et la verticalité prend une importance colossale dans Solasta. Car en plus de planer, on peut sauter, escalader ou pousser ses adversaires dans le vide. Les décors parfois vertigineux offrent des possibilités tactiques permanentes et un bon placement peut vite devenir un avantage décisif lors des combats. Certains ne verront là rien de bien révolutionnaire tant les jeux vidéo utilisent la 3D depuis longtemps. Mais dans le jeu de rôle tactique D&D, c’est une vraie nouveauté que des titres réputés comme Baldur’s Gate ou Divinity n’ont jamais proposée.
Un jeu d'équipe
Un jeu de rôle se joue avant tout à plusieurs et pour Mathieu Girard, cette composante est essentielle : “L’idée est de faire une narration d’équipe plutôt qu’autour d’un personnage principal comme dans les autres jeux”. En début de partie le joueur ne choisit pas un mais quatre personnages ayant chacun des traits de caractère différents. Ces choix influent sur les dialogues et donnent souvent l’illusion d’être autour d’une vraie table de jeu, chacun essayant de tirer la couverture à lui.
En 2018, le jeu a été lancé sur Kickstarter, un site de financement participatif où les joueurs intéressés par le projet ont préacheté le titre trois ans avant sa sortie. Ils ont ensuite suivi le développement pas à pas, apportant leur avis et décrivant ce qu’ils rêvaient de voir dans le jeu. Pour Pierre Worgague, le directeur marketing, le retour des joueurs est essentiel. “On a cette chance, même si on n’est pas beaucoup, d’avoir cette capacité de les écouter et de se remettre en question avant de lancer un produit final”.
Un mode multijoueur gratuit le 14 avril
Pour remercier cette communauté - majoritairement américaine - qui l’accompagne depuis le premier jour, Tactical Adventures a sorti de son chapeau un mode multijoueur gratuit qui vient de passer sa première phase de test. Le jeu s’en trouve transformé et se rapproche encore plus de son objectif initial : être le plus fidèle possible aux premiers jeux de rôle où les joueurs partagent une histoire commune autour d’une table. Cette fonctionnalité sera disponible le 14 avril prochain, en même temps que Lost Valley, un DLC (contenu téléchargeable payant) qui apporte une nouvelle aventure et des fonctionnalités supplémentaires pour le mode créateur de donjons. Le studio espère ainsi voir sa communauté perdurer en faisant des parties à plusieurs grâce aux scénarios créés par les joueurs eux-mêmes.
D’autre part, comme c’est la coutume pour les projets développés sur Kickstarter, ceux qui ont participé au financement du titre auront bientôt la joie de recevoir leur boite de jeu Solasta qui vient enfin de parvenir dans les locaux parisiens de la société. Ce bonus exclusif contient des fiches de personnages, des dés et une campagne : de quoi se lancer dans une “vraie” partie de jeu de rôle avec ses amis.
Le vent en poupe
Le prix du meilleur premier jeu vidéo obtenu aux Pégases permet à Tactical Adventures de conforter son assise en France et facilitera sans doute la recherche de financement dans le futur. Si Mathieu Girard se montre assez évasif sur les projets en cours, il souligne la réussite commerciale de Solasta qui surfe sur le renouveau de D&D aux États-Unis et souhaite maintenir le cap : “Le jeu de rôle reste un marqueur important pour le studio et cette notion de fidélité aux règles est cruciale, c’est un moyen de nous différencier et c’est quelque chose qu’on aime tous ici”.
La société Wizards of the Coast, connue pour son jeu de cartes Magic, est aujourd’hui détentrice des droits de D&D. Constatant depuis plusieurs années une recrudescence de l’intérêt et du nombre de joueurs dans le monde, elle a décidé de reprendre la supervision des versions en français il y a quelques mois, avec notamment la sortie de Dungeons and Dragons : l’Essentiel, une boîte d’initiation rappelant son iconique boîte rouge. Un format avec des règles allégées pour inciter de nouveaux héros à tenter l’aventure. Car après un long passage à vide, ce jeu de rôle est redevenu tendance. Outre le fait qu’il est extrêmement présent dans les jeux vidéo, la série Stranger Things qui cartonne sur Netflix a permis à un nouveau public de découvrir cet univers et d’y accrocher.
Pointé du doigt dans les années 80 aux États-Unis par des groupes fondamentalistes chrétiens qui lui reprochait un côté satanique, Dungeons & Dragons a depuis ouvert la voie au jeu de rôle et fait taire nombre de ses détracteurs. Aujourd’hui la chaîne Critical Role, qui diffuse des parties sur YouTube dépasse régulièrement les 10 millions de vues.
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