: Récit Succession de Johnny : comment le clan Boudou a hérité du business Hallyday
En épousant Laeticia, le rockeur a permis à sa belle-famille de prendre la main sur ses affaires. Une toute-puissance que contestent aujourd'hui David et Laura.
Une belle-famille très présente, un clan, une bande… Depuis le 12 février, date à laquelle la bataille autour de l’héritage de Johnny Hallyday a éclaté au grand jour, un nom revient sans cesse : les Boudou, le patronyme de jeune de fille de Laeticia, veuve du chanteur, aujourd’hui âgée de 43 ans. Laura Smet et David Hallyday, les deux premiers enfants de l'artiste, contestent le testament de leur père, qui les déshérite au seul profit de Laeticia. Les deux parties ont un premier rendez-vous avec la justice, vendredi 30 mars, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, après le renvoi de l'audience il y a 15 jours. La justice doit décider du sort de l’album posthume de Johnny, sur lequel David et Laura n’ont pour le moment pas le moindre droit de regard. Les deux premiers enfants de Johnny réclament aussi le gel du patrimoine du chanteur mort le 5 décembre, dans l’attente du règlement du litige sur son héritage.
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"Johnny était pillé, j'ai fait le ménage"
Cette bataille, judiciaire et médiatique, a jeté une lumière crue sur la famille Boudou, omniprésente dans le "business Johnny". Le père de Laeticia, sa grand-mère ou encore son frère occupent, à des degrés divers, des postes-clés dans l’empire financier et artistique du rockeur. En 1995, Laeticia vient tout juste de fêter ses 20 ans, quand elle accompagne son père, André Boudou, à un dîner organisé par le DJ Jean-Roch, à Miami. Johnny Hallyday est présent. Le coup de foudre est immédiat. Johnny et Laeticia se marient l’année suivante, ils ne se quitteront plus.
"Très vite, le beau-père estime que les affaires de Johnny sont mal gérées", raconte à franceinfo Eric Le Bourhis, auteur de Johnny : Histoire d'une idole (éd. Prisma). Un constat qui n’est pas faux pour le biographe du chanteur. "Il n'a jamais été un gestionnaire, c'est de notoriété publique. Il ne voulait pas entendre parler d’argent."
Johnny a été victime, parfois consentante, de ses entourages. Il se laissait escroquer et il était foncièrement généreux. Et il a eu de nombreux problèmes avec le fisc car sa gestion était assez catastrophique...
Eric Le Bourhisà franceinfo
C’en est trop pour André Boudou, qui devient le nouvel homme de confiance du chanteur. "Johnny s'est fait avoir dans les grandes largeurs. (...) J'ai décidé de remettre de l'ordre dans ses affaires. Parce que c'est le mari de ma fille et accessoirement un type adorable que je ne supportais plus de voir se faire plumer. Il sait chanter, mais pas compter", explique le beau-père, alors âgé de 54 ans, au Monde (article payant) en 2004. "Il était pillé, j'ai fait le ménage", assume-t-il encore auprès de Libération en 2005.
Un beau-père à la réputation sulfureuse
André Boudou a tout pour taper dans l’œil du rockeur : "C'est un self-made-man, il vient du Sud. Cette légitimité d’homme d’affaires impressionne Johnny", note Eric Le Bourhis. Son beau-père a en effet fait fortune au Cap d’Agde, haut lieu du naturisme et du tourisme échangiste, dans les années 1980. Ce fils de pêcheur de l’Hérault crée et gère des boîtes et des bars dans cette station balnéaire qui ne cesse de se bétonner. En 1988, il rachète l'Amnesia au Cap d’Agde.
Le club va faire son succès. Il reste, encore aujourd’hui, prisé par les amateurs de dancefloor du Sud. David Guetta, Martin Solveig ou encore Bob Sinclar sont passés derrière les platines. André Boudou ouvre une autre discothèque siglée Amnesia à Miami en 1992. Il nie, en revanche, avoir eu des parts dans l'Amnesia de Bonifacio, en Corse, qui s’est ouvert en 1995. "La boîte de nuit a été liquidée par le tribunal de commerce début 2000, avant de l'être, au sens propre, par 500 kg d'explosifs en avril de la même année", rapporte Libé. Boudou reconnaît simplement des "liens d'amitié" avec la puissante famille corse qui gérait l’établissement. Johnny a d’ailleurs été le "parrain" de l'Amnesia de Bonifacio. C’est peu dire qu'André Boudou a une réputation sulfureuse.
Ses ennemis disent de lui qu’il est un voyou tendance plouc. Les autres, un self-made-man plutôt fortiche...
Eric Le Bourhisdans "Johnny : histoire d'une idole"
Pendant que la grand-mère Elyette et l’arrière-grand-mère Odette (décédée en 2004) s'installent dans la résidence du couple Hallyday à Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine) car Laeticia est "très famille", André va donc s’atteler au "ménage" dans la vie de Johnny. "La 'purge' commence. Elle va au-delà des pique-assiettes et 'amuseurs' qui emplissaient la vie du chanteur", estime Libé en 2005. L’homme à tout faire de Johnny est remercié, même chose pour son comptable, son avocat...
Dès 2004, Desta Halliday, cousine du chanteur qui l'a en partie élevé, met bruyamment les pieds dans le plat. "Un à un, tous tes plus proches collaborateurs ou amis ont été écartés", écrit-elle dans une lettre ouverte au chanteur, égrainant les noms de la cuisinière, du photographe, de l'attachée de presse, du préparateur physique... Dans son cri du cœur, Desta dénonce le "clan Boudou" et Laeticia en particulier : "Elle pratique autour d’elle une sorte de politique de la terre brûlée." Johnny prend le parti de sa femme et supprime la "petite rente" qu'il versait à Desta, rapporte Eric Le Bourhis dans son livre.
Au delà du vide qui est fait autour du chanteur, "les Boudou ont une idée en tête, souligne Eric Le Bourhis, la marque Hallyday est sous-exploitée, il faut la faire fructifier". C’est dans cette optique qu'André Boudou se vante d’avoir fait signer à son gendre un contrat avec Optic 2000 en 2002, qui rapporte selon les années entre 300 000 et un million d'euros, précise Le Figaro. Mais l’obsession du beau-père porte sur le contrat qui lie Johnny à Universal. Boudou est persuadé que la maison de disques fait son beurre sur le dos du rockeur.
"Tombé sous l'influence du clan Boudou"
Résultat : Johnny réclame 60 millions d’euros et la restitution des droits sur tous ses titres, un trésor de guerre. "Soit ça marche, et c'est Boudou qui encaissera les bénéfices ; soit c'est un échec, et Johnny, qui est caution, paiera les pots cassés", résumait en 2004 Daniel Vaconsin, l'ancien avocat de Johnny, dans les colonnes du Monde. A l'époque, le conseil déplorait que son ancien client soit "tombé sous l'influence du clan Boudou". Au terme d’une bataille judiciaire épique, Johnny ne gagne rien, si ce n'est sa liberté de signer dans une autre maison de production. Universal garde, quant à elle, son précieux catalogue : plus 1 000 titres de Johnny qui restent dans son portefeuille. Finalement, ce procès aux prud’hommes révèle surtout le train de vie de l’artiste, celui d’un "flambeur vivant à crédit de sa maison de disques", selon Libé.
Autre conseil hasardeux fait à Johnny, celui d'investir pour ouvrir une discothèque Amnesia à Paris, en 2003. Dès le départ, le montage financier de la boîte de nuit suscite des interrogations, raconte à l’époque Le Parisien. Située au pied de la tour Montparnasse, l’Amnesia souffre d’une image bling-bling et d’un cruel manque de clientèle. La boîte ferme ses portes en 2004. Après ces échecs, les relations entre le chanteur et son beau-père se tendent. Pour ne rien arranger, André Boudou – qui joue un "rôle contestable" dans la domiciliation fiscale du chanteur, selon son biographe – est condamné à six mois de prison ferme en 2007 pour "fraude fiscale, abus de biens sociaux et tenue de comptabilité falsifiée", pour la gestion de sa discothèque du Cap d’Agde. Depuis, André Boudou a retrouvé l'ombre. Rapidement, sa fille, Laeticia, prend le relais à la tête du "business Hallyday".
De l'omniprésence de Laeticia
La jeune femme, d'abord discrète, s'est affirmée pour devenir incontournable dans la vie de Johnny. Influente dans l'ombre de son mari, elle n'hésite pas non plus à se mettre en scène. Laeticia fait des apparitions dans les pubs pour Optic 2000, jusqu'à en devenir le personnage principal. Comme en 2007, où, grimée en super-héroïne, Laeticia enchaîne les cascades pendant 30 secondes. Johnny fait, quant à lui, une courte apparition à la fin de ce clip. "La star, c’est devenu elle", note Eric Le Bourhis.
Laeticia a engagé des communicants américains de haut-vol, pour être plus glamour et pour faire rayonner la marque Hallyday.
Eric Le Bourhisà franceinfo
"C'est d’ailleurs ce qui va précipiter la fin du contrat avec Optic 2000. Ses communicants ont exigé que le prochain spot soit tourné par Terry Richardson, photographe et réalisateur très branché. Mais cela ne correspondait pas à la marque, qui a refusé", raconte le biographe. Le contrat est rompu en 2012.
Laeticia s’impose aussi dans le domaine artistique. Elle souffle les noms de jeunes musiciens (Yarol Poupaud, Maxime Nucci...) à Johnny pour ses prochains disques. Le chanteur change de producteur, relooke son image. L'épouse du rockeur lui "assure une sérénité familiale et affective incontestable mais c’est aussi sa principale conseillère", explique le biographe de Johnny. Un "interventionnisme" et une "omniprésence" qui ne sont pas sans "semer le trouble dans l’entourage du chanteur". En 2009, David et Laura se brouillent durablement avec Laeticia qu’ils accusent de surmédiatiser l'hospitalisation de leur père, plongé dans le coma à Los Angeles, après l’opération d’une hernie discale qui a mal tourné.
Une grand-mère rock'n'roll aux affaires
A Los Angeles, où le chanteur vit ses dernières années avec Laeticia, Jade et Joy, leurs deux filles adoptives, une autre Boudou s’est imposée, la grand-mère de Laeticia, Elyette, 82 ans aujourd'hui. Surnommée "Mamie rock", elle emménage avec la famille Hallyday en 2010, aux Etats-Unis, après la mort de son mari. Elle joue parfois le rôle de "super nounou" pour Jade et Joy. "C'est un personnage important dans la mythologie familiale des Boudou, estime Eric Le Bourhis. Au départ, elle tenait une pizzeria sur la plage de Marseillan, près du Cap d’Agde. C’est de là qu'André a fait prospérer le business jusqu’aux Etats-Unis." Depuis 2012, "Mamie rock" est à la tête des sociétés chargées de la gestion des droits et de l'image d'artiste de Johnny. Une véritable mine d’or.
Un choix curieux alors qu’Elyette Boudou n’a pas de connaissances dans l’édition musicale. A l’époque, l’avocat du couple Hallyday est forcé de se justifier dans Le Figaro : "Laeticia Hallyday est très occupée par sa fondation La Belle étoile et ses autres activités, et Johnny Hallyday l'est tout autant avec la préparation de ses albums et de ses concerts." "C'est un pilier pour moi, explique Laeticia en 2013 à Paris Match. Elle me soutient quand je dois me battre et prendre les bonnes décisions."
Depuis la mort de Johnny et l'ouverture de la guerre de succession entre les premiers enfants de Johnny et le clan Boudou, certains observateurs estiment que le rôle de "Mamie rock" est trouble : "Tout porte à croire qu'[elle] joue les prête-noms dans un montage financier opaque, dont les ramifications seront sans doute mises au jour prochainement dans la bataille judiciaire qui se joue sur l'héritage", écrit ainsi Le Point.
Depuis que la bataille pour l’héritage est ouverte, chaque camp s'affronte à coups de déclarations assassines. Laeticia "l'a aimé [Johnny], elle a deux petites et c'est elle qui gagnera. C'est elle qui a raison. Je ne pense pas du bien de Laura, ni de David, parce qu'ils ont eu leur part déjà, alors ce n'est pas normal", tranche Elyette Boudou, le 16 février sur M6. Dix jours plus tard, Sylvie Vartan, ex-femme de Johnny et mère de David, lui répond sur Europe 1.
La grand-mère a l'air très sympathique, je ne sais pas quel est son passé artistique. Mais c'est comme si moi, j'allais diriger les Galeries Lafayette !
Sylvie Vartansur Europe 1
Discrète dans les médias, "Mamie rock" est très active sur Instagram. On peut la voir profiter du soleil de Saint-Barthélemy entre Laeticia et Johnny, s'amuser avec Jade et Joy, rigoler en sirotant un cocktail ou encore manger le pot-au-feu de Jean Imbert, ancien gagnant de "Top Chef" et ami des Hallyday. Le 4 mars, Elyette Boudou a posté une photo pour le moins énigmatique où on pouvait la voir en compagnie de Johnny et de sa fille, Françoise Thibaud, la mère de Laeticia. Tous tirent la langue. L'image a rapidement été retirée de son compte qui se trouve désormais "en privé", seulement visible par ses abonnés.
Une première bataille dans la guerre de succession
A la faveur de la divulgation du testament de Johnny, la France a découvert un autre membre de la famille Boudou : Grégory, le frère de Laeticia, très discret jusque-là. Agé de 42 ans, il est le propriétaire de l’Amnesia du Cap d’Agde, gérée par son père. En cas de décès ou d'incapacité de Laeticia, c’est lui qui deviendrait l’exécuteur testamentaire de l’un des plus gros héritages de la chanson française (et Elyette après lui).
De quoi faire sortir Nathalie Baye, la mère de Laura Smet, de son silence. Le 5 mars, l’actrice transmet un texte au Figaro (article payant) : "Toute la famille Boudou est citée sur le testament, jusqu'au frère que Johnny ne supportait pas, tandis que David et Laura, artistes eux-mêmes, se voient refuser ne serait-ce que le droit d'écouter le projet d'album posthume de leur père." Chaque clan, Hallyday comme Boudou, resserre les rangs, car l’album posthume de Johnny, dont il sera question à l'audience du 30 mars, ne représente que le premier round d’une bataille judiciaire qui s’annonce longue et féroce.
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