Cet article date de plus de douze ans.

Les utilisateurs de Megaupload sont-ils devenus sages ?

Depuis la fermeture du site d’hébergement de fichiers, le 19 janvier, TF1, M6 et Canal+ constatent une forte hausse d’audience sur leurs sites de rattrapage et de vidéo à la demande.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La fermeture de Megaupload a pu inciter certains internautes à se tourner vers les plateformes de téléchargement légal. (HOWARD KINGSNORTH/STONE SUB/GETTY IMAGES)
Où sont passés les accros à Megaupload ? Trois semaines après la fermeture du site d’hébergement de fichiers, ses quelque dix millions d’utilisateurs français font l’objet de toutes les convoitises. Les plateformes de téléchargement légal espèrent profiter de cet événement pour booster leur audience, qui peine à décoller. Selon des chiffres publiés ces derniers jours, les premiers effets seraient déjà là : TF1, M6 et Canal+ ont annoncé des pics de fréquentation sur leurs sites de rattrapage (replay) et de vidéo à la demande (VOD). Faut-il pour autant en déduire que les plateformes légales sont les grandes bénéficiaires de la mort de Megaupload ?

• Les opérateurs d’offres légales crient victoire

Canal+ a été le premier à bomber le torse, le 3 février, dans un tweet de son directeur cinéma, Manuel Alduy : +20% en sept jours pour les ventes VOD de Canalplay. Trois jours plus tard, TF1 et M6 ont à leur tour sorti les trompettes. "Depuis 15 jours, nous avons un trafic très important sur nos sites de TV replay", s’est réjoui le président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost, insistant sur un quadruplement du trafic sur W9 Replay. TF1 a pour sa part annoncé une augmentation de 40% sur son site de rattrapage, mytf1.fr, et de 100% pour son offre payante de VOD, mytf1vod.fr.

"Il semble que les utilisateurs de Megaupload sont venus voir les séries américaines sur nos offres gratuites et légales de TV replay", s’est félicité Nicolas de Tavernost, avec un enthousiasme partagé par Patrick Suquet, cofondateur de la plateforme tv-replay.fr qui regroupe tous les programmes de rattrapage proposés en France. Ce dernier cite un bond de 70% pour les visionnages replay de NCIS Los Angeles. Virgin Mega annonce, lui, "une hausse comprise entre +30% et +50% sur nos ventes via PC", cité par le site ZDnet.

L’empire Mega, c’était des sites comme Megaupload, Megavideo, Megapix mais aussi Megaporn. Le numéro un français du X, Marc Dorcel, a profité à sa manière de la fermeture de ces sites en lançant une opération de vidéos à 2 euros. Résultat, un trafic également "dopé" pour Dorcel Vision, toujours selon ZDnet.

• Des chiffres en trompe-l’œil

Des résultats en hausse pour la VOD et le replay, et alors ? Selon les derniers chiffres du Syndicat de l’édition vidéo numérique, le marché de la VOD en France vient d’atteindre 230 millions d’euros, après avoir bondi de 50% en 2011 et de 40% en 2010. Assister à une croissance de ce secteur en janvier n’a donc rien de surprenant, pas plus que pour la télévision de rattrapage, passée de 11,1 à 14,5 millions d’utilisateurs entre 2010 et 2011.

Au regard du nombre d’utilisateurs de l’empire Mega, les progressions de la VOD et de la replay peuvent même sembler faibles. "S’il y avait eu un vrai basculement depuis Megaupload vers la VOD sur ordinateur, on n’aurait pas des chiffres de +30 ou +50%, mais bien +800%, assène le créateur de TF1 Vision, Pascal Lechevallier, désormais consultant en nouveaux médias. La part des utilisateurs qui s’est réorientée vers des plateformes légales est infime." Troisième site de consultation de vidéos en France, avec 98 millions de vidéos vues en novembre 2011 selon Médiamétrie, Megavideo est en effet bien loin des "quelques millions" de la VOD.

Les internautes qui se sont essayés à la VOD et au replay en janvier pourraient se contenter d’un petit tour, et s’en aller. "Avec la fermeture de Megaupload, ils se sont retrouvés démunis, d’où le replay comme solution de repli, par dépit peut-être", estime Pascal Lechevallier. Face aux liens "cassés" dans les résultats des moteurs de recherche, dus à la suppression de nombreuses vidéos illicites, l’offre légale est ainsi apparue comme un choix par défaut. Sans offrir certains avantages propres aux plateformes pirates, notamment en matière de choix de catalogue.

• L’offre illégale garde une bonne longueur d’avance

La VOD et le replay ne sont pas les seuls à avoir bénéficié de la fermeture de la société de Kim "Dotcom" Schmitz. Le trafic de téléchargement "peer-to-peer" (P2P) a connu "une explosion en Europe dès le jour de la fermeture de Megaupload", soulignait lundi le site Numerama. La plateforme BitTorrent, en particulier, a tiré son épingle du jeu, avec une "augmentation notable" de ses "trackers privés", selon l’Association pour la lutte contre la piraterie audiovisuelle, citée par le site du Point. Les concurrents directs de Megaupload, comme Rapidshare et Hotfile, ont aussi progressé.

L’une des principales forces des plateformes illégales reste la fraîcheur des vidéos. "Que retrouve-ton actuellement sur W9 Replay ? s’interroge PC Inpact. Des épisodes de la saisons 4 de Numb3rs, qui datent de… 2007-2008." Les séries américaines sont en effet diffusées en retard en France, si bien que les fans désireux de suivre leur feuilleton au rythme yankee sont obligés de s’en remettre aux sites de téléchargement direct et de streaming.

Le problème se pose également pour les films, qui n’arrivent en VOD que plusieurs mois après leur sortie en salle. "Je parle d’un 'Guantanamo des films', lâche le directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, Pascal Rogard. Les films sont prisonniers d’une chronologie conservatrice imposée par la profession cinématographique, sans aucune dérogation possible." Peut-être plus que le prix (Megaupload était un service partiellement payant), les difficultés des plateformes légales reposent donc encore dans la faiblesse de leur offre, aussi bien en termes de nouveauté que de variété.
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.