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Affaire PPDA : dans son livre "Impunité", Hélène Devynck dénonce la culture du silence et rend hommage aux femmes qui témoignent

Leurs témoignages ont été "classés sans suite". Un livre raconte désormais la suite de leur histoire. Dans "Impunité", la journaliste Hélène Devynck qui accuse, comme de nombreuses autres femmes, Patrick Poivre d'Arvor de l'avoir violée, développe sa perception de "la construction de l'impunité".

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La journaliste et auteure Hélène Devynck, en juin 2021 à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Dans ce livre, qui paraît vendredi 23 septembre aux éditions du Seuil, Hélène Devynck, 55 ans, raconte à la première personne l'année écoulée dans l'affaire PPDA, l'une des plus emblématiques du mouvement MeToo en France.

Hélène Devynck est journaliste, co-scénariste avec son ex-mari l'auteur et réalisateur Emmanuel Carrère de Ouistreham (adapté du livre de Florence Aubenas Les quais de Ouistreham) et personnage récurrent de quatre romans de Carrère. 

"Montrer l'étoffe dans laquelle se tisse l'impunité"

Dans Impunité, Hélène Devynck écrit son histoire, mais aussi celle d'autres plaignantes, ayant accusé l'ex-présentateur vedette de TF1 de viols, d'agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel. Un livre qui a fait bondir la défense de Patrick Poivre d'Arvor, présumé innocent. "Mme Devynck en répondra devant un juge, à l'instar de toutes ces fausses victimes", a déclaré son avocat Philippe Naepels. L'autrice, déjà visée par une plainte pour dénonciation calomnieuse après avoir accusé PPDA de l'avoir violée en 1993 quand elle était son assistante à TF1, semblait avoir anticipé cette réaction.

"La menace de la diffamation pèse sur chacun de mes mots", écrit-elle dans Impunité. "Je ne peux pas prouver que Patrick Poivre d'Arvor m'a violée. Je ne le pourrai jamais. Les faits sont prescrits. Ils ne seront jamais jugés", déplore-t-elle. Son livre se veut "une lettre, un hommage" aux femmes ayant témoigné, explique-t-elle. Il nourrit aussi une ambition : "montrer l'étoffe dans laquelle se tisse l'impunité".

"Soeurs de misère"

L'affaire PPDA éclate en février 2021, quand l'écrivaine Florence Porcel porte plainte pour viols contre Patrick Poivre d'Arvor. Depuis, ce dernier a fait l'objet de trois enquêtes. Deux sont en cours à Nanterre dans les Hauts-de-Seine : une enquête préliminaire dans laquelle il a été entendu en audition libre en juillet dernier et où au moins sept femmes ont témoigné ; et une information judiciaire portant sur les accusations de viols de Mme Porcel.

Hélène Devynck et 22 autres femmes ont, elles, témoigné lors d'une première enquête, classée sans suite en juin 2021, majoritairement pour prescription. "Le classement sans suite a démontré la banalité de l'impunité", estime la plaignante. "On a eu l'impression qu'on nous mettait à la poubelle, comme si on n'avait pas parlé, comme si on n'avait rien fait. J'ai voulu raconter cette histoire", explique-t-elle.

271 pages sobres où l'autrice donne voix au chapitre à ses "soeurs de misère": leur "sidération" dans le bureau de PPDA, cette "expérience extrême de l'humiliation" qu'elles décrivent, puis leurs "stratégies" pour vivre l'après. Des récits de solitude, jusqu'à cette année 2021, où elles découvrent être nombreuses à témoigner. Elles se rencontrent autour d'un dîner. "Pour la première fois, nous étions en sécurité", se souvient Hélène Devynck.

"Système criminel"

Cette journaliste et scénariste a grandi à Paris dans une famille bourgeoise, "dans l'illusion que les femmes étaient des hommes comme les autres", mais se heurte vite à "l'énormité tranquille de la misogynie" du monde audiovisuel, celle qui "prépare nos viols".  A ses yeux, l'affaire PPDA ne peut se résumer à "un homme": l'autrice questionne la responsabilité de TF1, et un "système criminel" entretenu par une culture du silence, teintée de complaisance ou d'indifférence.

Une culture soutenue par tout un champ lexical. "Viol est un sale mot", écrit-elle. "Il éclabousse d'obscénité autour de lui. Encore aujourd'hui, il m'arrive d'imaginer qu'il clignote sur mon visage quand un soupçon de gêne s'installe". "Prédateur ? Le mot me gêne". "Il évoque les grands fauves, là où je ne vois que la petitesse de la répétition compulsive". "Je n'ai pas été violée par un animal mais par un homme superbement intégré à la communauté", accuse-t-elle.

"Consentement ? Consentir n'est ni demander ni désirer. C'est accepter une proposition ou même une pression. Le mot lui-même implique une hiérarchie entre celui qui propose et celui qui consent", analyse-t-elle. "Victime ? Le mot pose déjà, en lui-même des problèmes quasi insolubles... Mais en transformant le vocabulaire, on change la vie", espère-t-elle.

 

"Impunité" d'Hélène Devynck - Éditions du Seuil - (272p./19€) - Sortie le 23 septembre 2022.

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