"Archipels" : Hélène Gaudy à la recherche de la mémoire de son père

Hélène Gaudy explore la mémoire et la transmission dans cette enquête personnelle sur le passé de son père, avec une langue d’une rare élégance et d’une grande poésie.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Portrait de l'autrice Hélène Gaudy. (Patrice Normand)

D’emblée, l’incipit du roman Archipels d'Hélène Gaudy (L’Olivier) nous transporte : "Aux confins de la Louisiane, une île porte le prénom de mon père. Chaque jour, elle s’enfonce un peu plus sous les eaux". Et la narratrice nous apprend que cette île s’apprêterait à disparaître. A Hélène Gaudy d’entreprendre un voyage qui la conduira jusqu’à son père, Jean-Charles, jusqu’à cette île somme toute inconnue. Elle entame son périple mémoriel avec appréhension et espoir, encourage la parole sans la forcer.

Dans ce récit intimiste, tendre et poétique, l’autrice explore la vie de son père, qui a choisi le silence comme compagnon, les objets pour témoins. Beaucoup d’objets, le paternel étant un collectionneur compulsif. "Accumuler, c’est le contraire d’habiter. C’est combler le moindre espace vide jusqu’à s’exclure soi-même, jusqu’à se remplacer".

Au nom du père 

Pour que ces souvenirs ne s’évanouissent pas, ne s’enfoncent pas dans les profondeurs de l’amnésie, Hélène Gaudy embarque dans une odyssée familiale qui la mène au grand large d’un passé insoupçonné, loin des rivages confortables.

Qui est donc ce père, tendre, aimant, avare de parole et à la mémoire muette ? C’est grâce à une langue riche, d’une beauté hypnotique, que l’autrice, saisie par l’urgence, découvre petit à petit ce vieil homme un peu fatigué, qui, lui aussi, a été jeune, artiste, résistant à sa façon… Dans Archipels, Hélène Gaudy, finaliste de la sélection du prix Goncourt, sonde la mémoire et la transmission sans les mots. Et les oublis emportés par le silence. "Mon père m’a toujours dit qu’il n’avait pas de souvenir d’enfance. On n’a pas de souvenir de ce qui dure en soi, de ce qu’aucune digue n’arrête".  

Archipels n’est pas une excursion dans le passé. Hélène Gaudy remonte le parcours de son père, narre les petites histoires qui rejoignent la grande. Dans un des carnets du jeune Jean-Charles, elle découvre un tract : "Justice pour la mort de Maurice Audin, NON à la guerre d’Algérie". Quand il prend son premier poste de professeur à Oran en 1961, il découvre "une ambiance de camp retranché". Cette quête du passé fait émerger des secrets longtemps tenus loin du présent. En enquêtant sur son père, elle remonte à ses grands–parents. Tous deux dans la Résistance, ils ont tenu un rôle important dans l’évasion de prisonniers. Après la mort de sa femme, son grand–père a sombré dans la paranoïa, voyant des ennemis partout.

Dans ce récit familial, Hélène Gaudy pétrit la langue, la malaxe pour lui imprimer beauté et poésie. Il y a un raffinement indéniable dans son écriture. L’écrivaine parvient à habiter le vide du silence dans cette enquête personnelle. Archipels, une preuve d’amour.

 

"Archipels", Hélène Gaudy, éditions de L’Olivier, 21 euros

Couverture du livre "Archipels" d'Hélène Gaudy. (Editions de l'Olivier)

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