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Barbara Cassin, philosophe et philologue, entre à l'Académie française avec son esprit de résistance contre le formatage

La philosophe et spécialiste des langues est accueillie officiellement sous la coupole ce jeudi 17 octobre par Jean-Luc Marion. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Barbara Cassin, philosophe et philologue, en février 2012. (DURAND FLORENCE/SIPA)

Neuvième femme seulement admise à l'Académie française, la philosophe et philologue Barbara Cassin, passionnée par la richesse des langues, va faire entrer jeudi sous la Coupole l'esprit de résistance contre le formatage de la globalisation.
L'auteure de L'éloge de la traduction ne supporte pas le "global english", cet anglais simplifié qui, selon la philosophe, "formate la pensée". "Cela réduit les langues de culture, français et autres, à des dialectes à parler chez soi", déplore Barbara Cassin. "La diversité européenne c'est avant tout la diversité de ses langues et de ses cultures".

Une épée qui détonne

Comme l'impose la tradition de l'Académie, un mot lui a été attribué à l'occasion de son installation. Ce mot est "vigueur" dont la définition dans le dictionnaire de l'Académie est "force dans sa plénitude, énergie intacte". Mardi 15 octobre au soir, la directrice de recherche du CNRS avait rassemblé ses amis dans la salle des Caryatides du musée du Louvre à Paris pour la cérémonie de l'épée, un des symboles des immortels avec l'habit vert (celui de Barbara Cassin, "un peu sexy" selon elle, a été créé par Guillaume Henry, le directeur artistique de Patou). C'est peu dire que l'épée choisie par l'académicienne détonne. "Elle voulait une épée laser", s'amuse Sophie de Closets, directrice des éditions Fayard.

Cette épée "non léthale", précise Xavier Darcos est un bijou high-tech. Pesant environ un kilo, sa lame est en cuir souple percée de petits trous où transparaît, grâce à un tissu en fibre optique, une phrase de Jacques Derrida, un des maîtres de Barbara Cassin. Cette phrase, "Plus d'une langue", résume toute sa pensée. La philosophe entend défendre le français sans se résoudre au monolinguisme. "La magnifique diversité des langues" poursuit-elle "sert d'antidote au pseudo universel de la communication". La garde de son épée pas comme les autres est un petit écran souple ressemblant à une montre connectée. Il permet, sourit la philosophe, de lire virtuellement "tous les textes du monde". Le pommeau est la reproduction d'une statuette hittite, déesse de la fertilité, trouvée en Anatolie. "C'est une barbare, comme mon prénom Barbara", sourit la philosophe.

Helléniste

Née le 24 octobre 1947 à Boulogne-Billancourt, Barbara Cassin a suivi des études de philosophie à la Sorbonne. Elle entre au CNRS en 1984. Elle en a reçu la médaille d'or (la plus haute distinction scientifique française) en septembre 2018 pour l'ensemble de son "oeuvre traversée par la question du pouvoir des mots et du langage". Helléniste, elle est aussi éditrice et directrice de collections consacrées à la philosophie.

Son élection à l'Académie française remonte au 3 mai 2018. Elle a été élue au premier tour au fauteuil du musicologue Philippe Beaussant disparu en mai 2016. Elle est l'auteure, entre autres, d'Éloge de la traduction. Compliquer l'universel (Fayard, 2016) et a dirigé le Vocabulaire européen des philosophies (Seuil-Le Robert, 2004), plus connu par son sous-titre, le Dictionnaire des intraduisibles. Ce monument examine plus de 1.500 mots du langage philosophique confrontés à la difficulté de leur traduction dans une quinzaine d'autres langues. "Quand on traduit, le sens n'est plus tout à fait le même ni tout à fait autre, y explique-t-elle, il y a toujours plus d'une bonne traduction possible. D'ailleurs, même le mot traduire est polysémique !". "Traduire, c'est faire avec les différences", résume-t-elle.

De Homère à Heidegger

Ses recherches l'ont menée de Homère à Heidegger en passant par Leibniz et la psychanalyse. Elle travaille actuellement à un monumental dictionnaire sur les trois monothéismes. Elle collabore aussi bien avec le philosophe marxiste Alain Badiou (avec qui elle vient de publier Homme, femme, philosophie chez Fayard) qu'avec le philosophe (et académicien) catholique Jean-Luc Marion qui la recevra officiellement jeudi 17 octobre à l'Académie. Elle est amie avec Marc Fumaroli, auteur notamment de L'art de l'éloquence, qui lui a demandé le premier d'être candidate parmi les immortels.

Neuvième femme admise à l'Académie française depuis Marguerite Yourcenar en 1980, Barbara Cassin devient la cinquième femme à siéger à l'Académie, sur les 35 membres qui la compose actuellement. Elle rejoint les académiciennes Dominique Bona, Hélène Carrère d'Encausse (secrétaire perpétuel de l'Académie), Florence Delay et Danièle Sallenave.

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