Cinéma : quand Bardot, Belmondo, Brando, Bong, Delon, Leone, Pacino et Truffaut se laissent (re)découvrir sur papier glacé

Pour les cinéphiles, des livres à offrir ou à s'offrir, notamment pour la fin de l'année.
France Télévisions - Rédaction Culture
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Des ouvrages à parcourir sur des monstres sacrés du cinéma. (BIANCHETTI / LEEMAGE / AFP / MONTAGE FRANCEINFO)

D'Al Pacino dans Sonny Boy (Seuil) à Brigitte Bardot, la légende (Hors Collection), à qui son ami Henry-Jean Servat a consacré un magnifique album photographique pour ses 90 printemps célébrés le 28 septembre, ces monstres sacrés se dévoilent. Pour beaucoup, une enfance tourmentée a guidé leurs choix. Témoignages directs, photos personnelles et instantanées de tournages peuplent la plupart des ouvrages qui leur sont dédiés. Leurs auteurs dissèquent une filmographie – exercice auquel s'est livré Jean-François Giré pour le cinéaste Sergio Leone – ou s'arrêtent sur un film marquant : Stéphane du Mesnildot pour Bong Joon ho avec The Host. Guillaume Evin, Bernard Pascuito, Michelle Brieuc, L. F. Bollée et Jean Michel Ponzio racontent, eux, respectivement Brando, Delon, Truffaut et Belmondo. Revue de détail.

 "Bardot, la légende" par Henry-Jean Servat

Auteur de cette biographie très richement illustrée de Brigitte Bardot, Henry-Jean Servat est un proche de l'actrice iconique des années 1950 à 1970, qui décida de se retirer des plateaux pour se consacrer à la cause animale. Le très grand format de l'album et les choix iconographiques rendent le plus bel hommage à la "bombe Bardot", tenue à ses débuts pour une "ravissante idiote" et qui s'est affranchie vaille que vaille de cette image réductrice, en choisissant avec sagacité ses films, puis comme personnalité féministe, enfin comme icône de la cause animale. De la femme objet de ses débuts, Brigitte Bardot est devenue une combattante, mais a aussi choqué par ses prises de position politique. Henry-Jean Servat ne va pas sur ce terrain, mais nous réjouit par une telle richesse iconographique, dont des clichés rarissimes, qui nous fascinent autant que lui. (Éditions Hors Collection, 192 pages, 35 euros)

Couverture du livre d'Henry-Jean Servat "Bardot, la légende". (HORS COLLECTION)

"François Truffaut, une vie aux 400 coups" par Michelle Brieuc

Enfant non désiré par une mère qui le considérait comme une erreur de jeunesse, François Truffaut trouve à Binic (Côtes-d'Armor), dans la baie de Saint-Brieuc, auprès de sa grand-mère maternelle, le réconfort. Avec Damère Vièvre (déformation enfantine de Geneviève), comme il l'avait baptisée, il aura vécu "le commencement et la fin du bonheur", écrit Michelle Brieuc. L'autrice déroule le parcours du cinéaste précurseur de la Nouvelle Vague à travers une succession d'épisodes, qui se recoupent d'ailleurs, en partant de cette relation fondatrice. C'est avec Geneviève de Montferrand qu'il développe son goût pour la lecture. Elle sera son refuge et le cinéma en sera "le complément". Il pille les troncs des églises pour aller voir au moins trois films par jour au début de l'adolescence. De cinéphile, il devient l'instigateur d'un ciné-club qui l'amènera à rencontrer André Bazin,"l'homme providence", le père que François Truffaut n'a jamais eu. Ils se sont croisés pour la première fois quand le jeune Truffaut est parti le voir pour qu'il déplace son ciné-club afin de ne pas faire concurrence au sien, Le Cercle Cinémane.

André Bazin, le créateur des Cahiers du cinéma l'embauchera en 1953 comme rédacteur dans son journal, réunissant ainsi avec Claude Chabrol, Jacques Rivette, Jacques Demy, Éric Rohmer et Jean-Luc Godard les tenants de la Nouvelle Vague. Truffaut en est la tête pensante, la journaliste Françoise Giroud l'a baptisé et le critique Pierre Billard l'a consacré. Le mouvement cinématographique se veut le reflet d'une époque à travers ses sujets, ses décors et ses techniques. Son secret de famille, le désamour de sa mère, ses amours frénétiques, ses engagements ont donné forme à l'artiste, disparu il y a quarante ans cette année et qui avait lancé comme un appel à tous les cinéastes de bonne volonté : "Le film de demain sera un acte d'amour". Michelle Brieuc le souligne dans un livre concis mais exhaustif. (Éditions Transmettre, 200 pages, 15 euros)

Couverture du livre de Michelle Brieuc "François Truffaut, une vie aux 400 coups". (EDITIONS TRANSMETTRE)

"Belmondo - Peut-être que je rêve debout" par L. F. Bollée et Jean Michel Ponzio 

Jean-Paul Belmondo en bande dessinée ! Acteur iconique du cinéma français des années 1960 jusqu'à sa mort en 2021, "Bebel" devient héros de sa propre histoire dans une bande dessinée qui est aussi un beau livre, sous la plume de L. F. Bollée au scénario, et de Jean Michel Ponzio aux crayons. Le noir et blanc, un peu sépia et légèrement coloré, dans un graphisme réaliste et élégant nous replongent dans les années 1960, d'À bout de souffle, de L'Homme de Rio, jusqu'aux années 1980, sa carrière déclinant quelque peu après, souvent réduite à interpréter son propre rôle. L'homme et l'acteur y apparaît des plus enthousiaste et continuellement étonné de son succès. Au fil des pages, le lecteur croise de nombreux réalisateurs – Godard, Audiard, Verneuil et les comédiennes, Françoise Dorléac, Catherine Deneuve ou Jaqueline Biset. Tous se retrouvent dans cette biographie de ce monstre du cinéma français dessinée et racontée avec élégance, charme et passion. (Édition Glénat, 224 pages, 28 euros)

Couverture de la BD de L. F. Bollée et Jean-Michel Ponzio "Belmondo - Peut-être que je rêve debout". (GLENAT)

"Delon, une vie aux aguets" par Bernard Pascuito 

C'est un livre écrit avec l'aide du demi-frère d'Alain Delon, Jean-François Delon, précise d'emblée Bernard Pascuito. Son récit, construit autour de dates, de films et d'"entractes" résume en clair-obscur un homme qui "était fascinant". À 14 ans, Alain Delon joue un gangster dans un court-métrage muet alors qu'on tente de faire de lui, plus tard, un charcutier. Dès le début, le 7e art a côtoyé la fascination de Delon pour "les mecs genre parrains", note Jean-François Delon. En 1957, année faste, il délaissera un peu Pigalle où il traîne parmi eux pour Saint-Gemain-des-Prés. Il apprend la comédie et croise Jean-Paul Bemondo et Jean-Pierre Marielle. Et surtout la comédienne Brigitte Auber qui devient son pygmalion. Elle le présentera à Michèle Cordoue, l'épouse du réalisateur Yves Allégret qui lui propose un rôle dans son prochain film, Quand la femme s'en mêle aux côtés d'Edwige Feuillère. Les femmes se sont beaucoup mêlées de la fulgurante carrière d'Alain Delon. C'est ainsi qu'il croisera le chemin de son premier grand amour, Romy Schneider en 1958. Plein Soleil – son premier triomphe –, Rocco et ses frères, le film qui le propulse, sa rencontre avec Nathalie – son sosie féminin et la seule femme qu'il épousera –, sa déception américaine et sa multitude d'échecs ponctuent une existence flamboyante.

Cependant, au terme de sa vie, raconte Bernard Pascuito, Alain Delon a de moins en moins envie de vivre. Les disparitions des femmes aimées auront été comme des coups de poignards dans son cœur : Romy Schneider, Mireille Darc et Nathalie Delon. Pascuito n'oublie pas les zones d'ombre : l'affaire Markovic, du nom de "la doublure" d'Alain Delon qui meurt dans des circonstances troubles et dans les bras desquels Nathalie Delon s'était consolée après que son époux a annoncé à la télévision leur divorce. L'auteur évoque aussi Ari Boulogne, le fils qu'Alain Delon n'a jamais voulu reconnaître. Bernard Pascuito revient également sur les tensions entre les enfants Delon, entre ces derniers et Hiromi Rollin, la dernière compagne de leur père. Alain Delon est mort quelques semaines après qu'elle a été expulsée de sa propriété de Douchy, dans le Loiret."

"Ce soir, c'est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant. (…) Je vais partir, mais je ne partirai pas sans vous remercier", avait déclaré, en 2019 à Cannes, Alain Delon en recevant sa Palme d'or d'honneur. Il avait vu juste : sa santé ne cessera de se dégrader après l'hommage jusqu'à son décès, le 18 août 2024. Avec Delon, une vie aux aguets, Bernard Pascuito rend bien compte de l'énigmatique M. Delon. (L'Archipel, 480 pages, 23 euros)

Couverture du livre de Bernard Pascuito "Alain Delon, une vie aux aguets". (L'ARCHIPEL)

"Sonny Boy" par Al Pacino

"Tout petit déjà, je faisais l'acteur", confie Al Pacino. À ses mémoires, l'acteur américain a donné comme titre le surnom que lui avait attribué affectueusement sa mère. Sonny Boy est en filigrane un hommage à celle dont il a été séparé durant quelques mois quand il était nourrisson et qu'il rêve de retrouver bientôt pour lui lancer : "Hé, M'man, tu as vu ce qui m'est arrivé ?". Pacino raconte une carrière qu'il ne parvient toujours pas à croire qu'elle a été la sienne. "Je repense à mon passé, et je ne trouve rien pour expliquer comment j'ai pu me retrouver là, dans ma vie d'aujourd'hui. Ce doit être la chance", écrit-il. Le comédien se remémore ainsi sa première pièce à Broadway qui avait réconcilié, durant quelques minutes, ses parents, de comment la foudroyante découverte de Tchekhov à l'adolescence avait changé sa vie.

Il se souvient  aussi de sa rencontre décisive avec Charlie Laughton, son mentor, qui lui donnait alors des cours à l'Herbert Berghof Studio... Il lui avait raconté une histoire qui lui a permis de définir son rapport à la comédie. "La vie, c'est sur le fil, mec. Être acteur, c'est ça pour moi, c'est ma vie. Quand je travaille, je suis là-haut sur la corde raide. Je me lance à corps perdu. Je prends des risques (...) Je veux me cogner dans quelque chose quand je fais ça, car c'est ainsi que je sais que je suis en vie. C'est ce qui m'a maintenu en vie".

À l'intérieur du livre, on découvre Al Pacino à différentes époques de sa vie, sur des tournages ou ailleurs, accompagnés de commentaires plein d'humour. C'est un plaisir de plonger dans cet album photos qu'il partage, tout comme de lire ce commentaire sur son mythique personnage de Michael Corleone. "À la fin du Parrain 2, la trajectoire de Michael était résolue. Sa chute était totale. Il était pleinement transformé en pierre. Je ne me voyais pas rejouer un jour ce personnage". Dans Sonny Boy, Al Pacino chuchote ses sentiments les plus profonds et on apprécie d'être dans la confidence. (Seuil, 384 pages, 27 euros)

Couverture du livre d'Al Pacino, "Sonny Boy". (SEUIL)

"Sergio Leone, Il Rivoluzionario (Vol. 1 : De Mussolini à Eastwood, Vol. 2 : L'Amérique)" par Jean-François Giré

Tout savoir sur Sergio Leone, Il Rivoluzionario grâce à un voyage "subjectif", selon Jean-François Giré, qui va de la genèse de Pour une poignée de dollars, "film fondateur" du Western italien "nommé péjorativement 'western-spaghetti'" à "l'ultime chef-d'œuvre Il était une fois l'Amérique". Le cinéaste italien semble être né pour faire du western pour lequel Leone a sa définition. "Pour moi, explique le cinéaste, le film de l'Ouest est une fable et ses héros des personnages de pure fantaisie."

Dans le volume 1 où l'on voit les photos de lui jeune avec son père, Vincenzo Leone alias Roberto Roberti, on apprend que l'"un des pionniers du cinéma muet en Italie" a dirigé sa mère Bice Valerian, "héroïne du premier western tourné en Italie en 1913", La Vampire indienne. En 1945, à 16 ans, il commence à "fréquenter" les équipes de tournage et délaisse finalement le droit pour le cinéma. Il sera assistant sur le film Quo Vadis de Mervyn Leroy. Dans le livre de Giré, on découvre aussi une qualité de Sergio Leone : son talent "pour diriger les figurants et les scènes de foule", ce qui lui servira pour exceller notamment sur le tournage de son film Le Bon, la brute et le truand. En se lançant dans le western, il révolutionne le genre au moment où il n'intéresse plus. Clint Eastwood, qui arrive à Rome en 1964 pour jouer dans Pour une poignée de dollars (1964), apparaît comme essentiel dans le dispositif narratif de Leone pour la "trilogie des dollars" : Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand. Ce dernier film est considéré par Leone comme le point final à son exploration du genre et marque la fin de sa collaboration avec Eastwood, incarnation parfaite de l'anti-héros dans sa trilogie. Il veut se consacrer désormais à "une autre page de l'histoire de l'Amérique".

"Le gangstérisme américain" est le sujet de "Il était une fois l'Amérique". Mais le cinéaste italien est obligé de faire un autre western pour financer son projet, entamant ainsi une autre trilogie : Il était une fois dans l'Ouest, Il était une fois...la révolution et Il était une fois l'Amérique. Le chef-d'œuvre de Leone est largement exploré dans le volume 2 de Sergio Leone, Il Rivoluzionario. Le tournage de ce film démarre le 14 juin 1982 pour s'achever le 22 avril 1983. Il sera projeté hors compétition à Cannes dans sa version de 3h40 en 1984. Les deux volumes de l'ouvrage de Jean-François Giré permettent également de traverser la filmographie de Leone à travers des affiches et iconographies liés à ces tournages, ainsi que les clichés des tournages. (The Jokers Publishing, Vol. 1, 240 pages (Vol. 1) et Vol. 2, 256 pages, 20 euros par volume)

Couverture du livre de Jean-François Giré "Sergio Leone, Il Rivoluzionario" ("Volume 1 : De Mussolini à Eastwood" et "Volume 2 : L’Amérique"). (THE JOKERS PUBLISHING)

"Tout Brando, l'ange noir d'Hollywood" par Guillaume Evin

Le livre aurait pu s'appeler un acteur nommé désir. En trois chapitres – le récit d'une vie, la beauté d'une icône et la filmographie complète – Guillaume Evin, par ailleurs grand spécialiste de James Bond, nous dit tout de Marlon Brando. Ce diable à la gueule d'ange a régné sur Hollywood pendant trente ans, habitant comme personne ses personnages à l'écran. Elia Kazan, le réalisateur du film Un tramway nommé désir qui fit de lui une star dès l'âge de 26 ans, disait que de tous les acteurs qu'il avait rencontrés, il était "celui qui approchait le plus près du génie". Acteur instinctif, Brando avait comme Alain Delon quelque chose d'animal qui a électrisé Hollywood dans l'Amérique des années 1950. Son ascension fulgurante, sa dérive égotiste qui conduira à son pénible déclin, sa résurrection à l'âge de 46 ans grâce au Parrain de Francis Ford Coppola… le livre donne envie de revoir les films émaillant le parcours hors normes d'un comédien aussi génial qu'ingérable. Il est illustré de multiples photos, plus belles les unes que les autres. (Glénat, 193 pages, 39,95 euros)

Couverture du livre de Guillaume Evin "Tout Brando, l'ange noir d'Hollywood" (GLENAT)

"The Host, Bong Joon ho dans les entrailles de la bête" par Stéphane du Mesnildot

Stéphane du Mesnildot plonge le spectateur dans les coulisses d'un film important pour le premier cinéaste sud-coréen à avoir décroché une Palme d'or et un Oscar du meilleur film pour son film Parasite. The Host, qui sort en France en 2006, est un succès international. Sur les traces d'un père à la recherche de sa fille enlevée par un monstre, Bong Joon ho dresse en toile de fond un portrait sociopolitique de son pays, la Corée du Sud.  Au cœur de ce film, comme plus tard Parasite, une famille dont le chef est déjà incarné par son acteur fétiche, Sang Kang ho.

En s'appuyant sur le parcours du cinéaste coréen, Stéphane du Mesnildot raconte comment est né le monstre de The Host. Il est inspiré de celui du Loch Ness, d'un scénario écrit quand le réalisateur étudiait encore le cinéma à la Korean Academy of film Arts et de l'affaire McFarland, un scandale écologique qui a choqué la Corée du Sud. The Host est bien un "monstre social et politique" et le "film de monstre avec un réel contexte coréen" que Bong Joon Ho souhaitait faire. Stéphane du Mesnildot offre une analyse fine du cinéma du Sud-Coréen qui, dans The Host, réalise la synthèse de sa connaissance du cinéma étasunien et la "critique de l'ingérence américaine dans son propre pays".

En prime, du Mesnildot  explique comment Okja (2017), film sur un autre type de monstre s'inscrit dans la continuité de The Host. Il profite notamment de l'évolution des techniques utilisées pour la conception d'un monstre au cinéma tout en restant sur la même la thématique. Bong Joon Ho dénonce toujours le "mépris de l'environnement et de la vie naturelle". Des croquis du monstre, photos du tournage rythment et complètent le texte pour offrir une belle immersion dans la fabrication d'une œuvre désormais culte. (The Jokers Publishing, 224 pages, 20 euros) 

Couverture du libre de Stéphane de Mesnildot "The Host, Bong Joon ho dans les entrailles de la bête". (THE JOKERS PUBLISHING)

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