"L'oeuvre complet de Jérôme Bosch" comme jamais vu
Bosch ne se démarque pas des thèmes religieux qui monopolisent tout le champ artistique de son temps, depuis le début de la chrétienté dans le monde occidental. De son vrai nom Hieronymus van Aken, Jérôme Bosch va prendre les archétypes et codes du passé pour les sublimer avec une modernité et une liberté étonnantes.
Les premières œuvres restent relativement classiques en évoquant la vie des saints, Saint-Jérôme, Saint-Christophe et surtout Saint-Antoine, auquel il consacrera plus tard un de ses fameux triptyques. Il exécutera également des évocations du Christ, sa naissance, sa Passion, sa crucifixion. Mais ces œuvres de jeunesse vont bientôt être balayées par des tableaux plus ésotériques, tant dans les motifs que les compositions. Peintre à l’articulation entre le moyen-âge et la Renaissance, Bosch se démarque de ses pairs et de ses successeurs par une symbolique forte, des allusions à l’alchimie, dans un contexte religieux en pleine mutation avec la réforme luthérienne, qui va étendre la notion d’hérésie.
L’originalité conceptuelle et plastique de Bosch consiste à actualiser les codes de l’enluminure à la peinture. L’hybridité est perçue au moyen-âge comme diabolique. Les enlumineurs avaient coutume de symboliser le mal sous cette forme dans les marges et lettrines de leurs manuscrits. Bosch va reprendre le thème en inventant un bestiaire, mais également un herbier, et des architectures fantastiques, incroyablement riches, porteurs de valeurs morales. Le XIIIe siècle fut celui de l’obsession apocalyptique qui traversa toute l’époque médiévale, avec pour dénominateur commun la peste. Le XVIIe siècle sera celui des guerres de religion, de l’hérésie, de la division, donc des pertes de l’éthique chrétienne fondamentale. Entre les deux se trouve Bosch, alors que pointe la Renaissance. Entre deux mondes, hybride, c’est aussi ce qu’implicitement signifie Bosch dans ses grotesques.
Bosch ne procède pas autrement dans ses compositions, dont ses nombreux triptyques monumentaux sont le parachèvement. Souvent, sur le panneau gauche figure une évocation du paradis, au milieu celle de l’époque contemporaine, et à droite celle de l’apocalypse. Mais même dans le paradis transparaissent de discrets éléments perturbateurs. Le plus représentatif et célèbre de ces triptyques demeure « Le Jardin des délices ». On y trouve, comme dans d’autres, le thème de l’œuf qui renferme une créature hybride traversée d’une flèche par exemple, un autre déverse un flot de personnages dans un plan d’eau… Comme le fait souvent Bosch, les motifs renvoient à des dictons ou lieux communs de son époque, comme, ici, « le mal est déjà dans l’œuf ».
Les dimensions de l’ouvrage de Stefan Fischer, spécialiste de Bosch et de la peinture néerlandaise du XVe au XVIIe siècle, permettent de jouir totalement de l’art du peintre, tellement foisonnant, grâce à des reproductions en très grand format, parfois avec des pages dépliables, et des insères sur de nombreux détails. Ces derniers sont des tableaux à eux seuls. C’est la première fois que l’œuvre du grand homme bénéficie d’une telle qualité d’édition avec un respect des couleurs inégalé, et un texte qui offre les lumières d’un spécialiste sur un des artistes les plus mystérieux.
Hieronymus Bosch. L'Œuvre complet
Stefan Fischer
Relié avec pages dépliantes
29X39,5 cm, 300 pages
Editions Taschen
99,99 euros
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