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Robert Johnson : une nouvelle biographie pour découvrir le légendaire bluesman qui inspira Jimi Hendrix et Eric Clapton

La figure de référence du blues Robert Johnson fait l’objet d’une nouvelle biographie “Et le diable a surgi. La vraie vie de Robert Johnson”, rédigée par les experts en la matière, Bruce Conforth & Gayle Dean Wardlow.

Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Ce nouvel ouvrage paru il y a un an aux États-Unis, et le 8 octobre dernier en version française chez Castor Music.  (Castor Music)

Voilà maintenant plus de 80 ans qu’il est mort, à l’âge de 27 ans, et Robert Johnson continue de susciter toujours autant d’intérêt et de passion. En témoigne ce nouvel ouvrage paru il y a un an aux États-Unis, et le 8 octobre dernier en version française chez Castor Music. Le livre Et le diable a surgi. La vraie vie de Robert Johnson a récolté une pluie de louanges et avait déjà remporté au printemps la 6e édition du prestigieux Penderyn Music Book Prize 2020, récompense britannique des meilleurs livres sur la musique. Il vient maintenant d'ajouter à son palmarès un Living Blues Award aux Etats-Unis (classé n°1 par les professionnels et également par le public).

Ce nouvel ouvrage paru il y a un an aux États-Unis, et le 8 octobre dernier en version française chez Castor Music.  (Castor Music)

Traduit en français par Bruno Blum, le livre contient de nombreux documents et témoignages pour la plupart inédits, ainsi que des illustrations réalisées spécialement pour l’occasion, dont la couverture dessinée par Mezzo, auteur avec Jean-Michel Dupont de la BD sur Johnson Love in Vain.

Photo de la maison de Robert Johnson figurant dans le livre (Bruce Conforth)

Deux sommités

Les auteurs Bruce Conforth et Gayle Dean Wardlow sont des sommités. Le premier, ancien professeur de folklore, de blues, de culture populaire et d’histoire américaine à l’Université du Michigan, est le fondateur du musée Rock and Roll Hall of Fame. Le second est un historien du blues. C'est lui qui a découvert en 1967 le certificat de décès de Robert Johnson. Ils travaillent chacun sur le sujet depuis 50 ans et ont interviewé les proches de Johnson avant leur disparition, analysé les archives et l’ensemble des documents qui lui ont été consacrés.

Bruce Conforth (à gauche) et Gayle Dean Wardlow (à droite) (DR)

Ainsi, ils reviennent sur ses sessions d’enregistrement et les moments-clés de sa vie : son éducation, son mariage et la perte de sa femme et de son enfant, son séjour à Memphis, sa rencontre avec son professeur de guitare ou encore les circonstances exactes de son décès prématuré à 27 ans.

Dessin figurant dans le livre (Bruno Blum)

Cette biographie explore la vérité qui se cache derrière le musicien et cherche à dissiper la légende populaire selon laquelle il aurait vendu son âme au diable en échange de son talent

Castor Music

Une relecture de la légende

Dans son film L'Homme qui tua Liberty Valance (1962) John Ford faisait dire à un journaliste : "Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende". Et Dieu sait qu’en termes de légende, Robert Johnson est un exemple. Musicien mystérieux, mari volage, vagabond aventurier, mort dans des circonstances restées longtemps non élucidées… Nombre de de zones d’ombre planent sur la vie de ce bluesman qui a tant influencé après lui.

Mais la légende la plus célèbre le concernant est bien sûr celle du "Crossroads". Ce carrefour des routes 49 et 61 situé à Clarksdale dans le Mississippi aurait été le théâtre d’un pacte faustien moderne. Johnson a raconté y avoir rencontré le diable qui lui aurait donné ses talents de compositeur, chanteur et guitariste, en échange de son âme. Il en a même fait une chanson, devenue un standard du genre, et repris par nombreux artistes rock, notamment le groupe Cream, puis Eric Clapton dans sa carrière solo.

Un destin hors du commun

Cette légende a alimenté toutes les passions autour du blues et de son rejeton, le rock’n’roll. Si le gospel était la musique de Dieu, le blues est rapidement devenu la musique du diable, en chantant les femmes, l’alcool et le sexe. Et l’histoire de Robert Johnson a largement contribué à cette diabolisation du genre, qui s’est ensuite transposée dans le monde du rock, des Rolling Stones à Led Zeppelin, en passant par Black Sabbath ou AC/DC.

Robert Johnson photographié en studio par les frères Hooks (Delta Haze Corporation)

Né le 8 mai 1911 à Hazlehurst, au Mississippi, il décède le 16 août 1938 à Greenwood, toujours au Mississippi, à l’âge de 27 ans, faisant de lui le premier d’une tristement célèbre liste : le fameux club des 27. Parmi les musiciens les plus connus lui ayant succédé, on compte Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain ou Amy Winehouse.

Sa mort ajoute encore à l’aura mystérieuse du personnage en ayant été déclinée sur plusieurs scénarios au fil des décennies : empoisonné par un mari jaloux, emporté par la syphilis ou une pneumonie, ou peut-être même terrassé par l'action combinée des trois. Le livre de Conforth et Wardlow cherche justement à prendre du recul vis-à-vis de ces légendes tenaces en apportant un regard éclairé, objectif et appuyé par des faits et documents authentifiés.  

Mais la référence à Johnson ne s’est heureusement pas limitée à ce destin tragique. Sa contribution à la musique en général et à la guitare en particulier en font un artiste incontournable pour tout groupe de rock. Jimi Hendrix, Eric Clapton, les Blues Brothers ou les Rolling Stones ne s’y sont pas trompés : le bluesman maudit est fréquemment cité comme "le meilleur chanteur de blues de tous les temps" et a insufflé une technique novatrice pour les amateurs de six-cordes, largement reprise par les guitaristes de tous styles.

L’année Robert Johnson

2020 a décidemment fait honneur à Robert Johnson. Au mois de mai, Philippe Manœuvre avait fait sensation sur son compte Instagram en publiant une photo inédite du bluesman. Alors que jusqu’à présent, on n’en connaissait que deux clichés, on découvrait le chanteur-guitariste posant souriant avec son instrument.

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Une troisième photo de Robert Johnson ??? Mystère ... #crossroads #robertjohnson #blues #loveinvain #hellhoundonmytrail #clarksdalemississippi

Une publication partagée par Philippe Manoeuvre (@pmanoeuvre) le

Il s’est avéré qu’il s’agit en fait de la couverture de la biographie du musicien, co-écrite par sa demi-sœur Annye Anderson qui n’avait que douze ans à la mort prématurée de Robert en 1938. Brother Robert, Growin up with Robert Johnson était annoncé le 9 juin chez Hachette, mais le livre n’est sorti qu’Outre-Atlantique et n'a pas encore été publié en français chez nous. Il faudra sûrement attendre l'an prochain pour pouvoir savourer les anecdotes relatées dans ces entretiens.

Le recueil d'entretiens avec la demi-soeur de Robert Johnson (Hachette Books)

On peut également aborder la légende du Crossroads par un autre angle avec l’auteur Serge De Bono qui en avait proposé une relecture fantasmagorique, liée au destin de Jimi Hendrix, dans son roman Crossroads, dans l’ombre de Jimi Hendrix (AO Editions – 2018).

Le roman de Serge De Bono, inspirée par la légende de Robert Johnson (AO Editions / illustration José Correa)

Preuve que Robert Johnson reste encore aujourd’hui une figure incontournable de l’histoire de la musique moderne. Un autre Robert, du nom de Zimmerman, a su s’en souvenir, et l’a souvent cité parmi ses plus grandes influences. Ses mots résument à eux seuls l’importance de cette légende du blues, et de la musique en général.

Robert Johnson était l’un des génies les plus inventifs de tous les temps. Mais il n’a probablement, quasiment pas eu de public. Il était tellement en avance sur son temps qu’on ne l’a toujours pas rattrapé. Son statut ne pourrait pas être plus élevé qu’il l’est aujourd’hui. Pourtant, à son époque, ses chansons ont dû semer la confusion dans l’esprit des gens. Cela vous montre que les grands hommes suivent leur propre voie.

Bob Dylan, interview au New York Times (12 juin 2020)

 

"Et le diable a surgi – La vraie vie de Robert Johnson" de Bruce Conforth et Gayle Dean Wardlow est paru le 8 octobre chez Castor Music, 338 pages, 95 photographies, 24 €

Ce nouvel ouvrage paru il y a un an aux États-Unis, et le 8 octobre dernier en version française chez Castor Music.  (Castor Music)

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