"Le Préraphaélisme", rare monographie sur un art révolutionnaire réhabilité
Historienne d’art, Aurélie Petiot publie "Le Préraphaélisme" une des rares monographies françaises consacrées à ce movement de la peinture britannique du XIXe siècle.
La peinture préraphaélite n’a pas toujours eu bonne presse en France. Elle constitua pourtant à partir de 1848 une révolution esthétique qui fait l'objet d'une réhabilitation depuis quelques années, et à laquelle contribue Le Préraphaélisme édité chez Citadelles et Mazenod.
Des punk au XIXe siècle
Le groupe de jeunes artistes à l’origine du mouvement, autoproclamé "Confrérie préraphaélite", était composé de William Holman Hunt, John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti. Ils inventent ce syllogisme de "préraphaélite" en se référant à la peinture des grands maîtres italiens tels que Fra Angelico, Giotto ou Botticelli (première Renaissance) qui précèdent Raphaël. Leur enthousiasme et leur ferveur, clairement revendicatrice d'un anti-académisme frondeur, les identifie à des punks du XIXe siècle.
Soutenus avec vigueur par le grand historien d’art et théoricien britannique John Ruskin, ils furent rejoints par de nombreux artistes. Ces derniers se reconnurent dans le rejet des éclairages sombres et bouchés de la peinture alors en vigueur. A l'inverse, Ils favorisaient des couleurs franches et éclatantes, alliées à la minutie des détails dans la représentation de la nature. Parmi les plus célèbres artistes qui se sont ralliés aux membres-fondateurs figurent Sir Edward Burne-Jones, William Morris – qui s’orienta vers les arts appliqués - ou plus tardivement, John William Waterhouse.
Une peinture narrative
Les préraphaélites furent parmi les premiers artistes à privilégier une peinture d’extérieur au détriment de l'art d’atelier. Si la nature occupe leurs oeuvres, celles-ci se limitent rarement à la seule représentation paysagère. La diversité de leurs sujets participe de la difficulté à les classifier. Leur approche narrative de la peinture les identifie à des précurseurs du symbolisme qui fleurira à la fin du XIXe siècle.
A l'orée du préraphaélisme, les thèmes sont souvent religieux, en phase avec un catholicisme renaissant imprégné de mysticisme, alors en vogue en Angleterre. Certains peintres feront le voyage en Palestine, comme William Holman Hunt, apportant ainsi une touche d'orientalisme au mouvement. Les thèmes médiévaux occupent de nombreuses toiles, et les références littéraires sont légion : légendes arthuriennes, Chaucer (Ford Madox-Brown), Shakespeare (tous les préraphaélites), Dante (Rossetti), mais la mythologie grecque (Edward Burne-Jones) tient aussi sa place. Ils sont également les premiers à introduire des sujets sociaux en peinture, une singularité à l'époque, tel Ford Madox-Brown dans Travail, ou William Holman Hunt qui aborde la prostitution dans L'Eveil de la conscience. Willaim Morris sera d'ailleurs un socialiste fervent et l'éditeur du Capital de Karl Marx en Angleterre.
Les femmes tiennent par ailleurs une place majeure dans la peinture préraphaélite, avec des modèles phares, telles que Jane Morris (épouse de John) et Elizabeth Sidall (Lizzie), que les artistes se disputaient, avec des frasques romanesques en diable et parfois tragiques à l'appui.
Elles personnifièrent Ophélie, la Dame de Shalott ou Béatrice, tant d'autres encore, comme la Belle Dame sans Merci que les Préraphaélites déclinèrent à foison. Mais nombre de femmes peintres participeront également du mouvement, comme Lizzie ou Evelyn de Morgan. La photographie fut également un terrain d'exploration fructueux, notamment avec Julia Margaret Cameron.
Enfin, John Morris exporta le préraphaélisme dans les arts appliqués et décoratifs, notamment en popularisant le papier peint avec des motifs floraux et animaliers devenus des classiques. Créant sa société de production Art and Craft, il inventait du même coup le design, dont Mackintosh fut un des précurseurs majeurs.
Une monographie ambitieuse
En traitant ce pan de l’histoire de l’art souvent négligé, Aurélie Petiot signe sans doute l’ouvrage le plus exhaustif sur le Préraphaélisme en France. Elle s’inspire en cela de l’édition anglo-saxonne qui a multiplié les publications sur le sujet ces dernières années.
Etude approfondie du mouvement sous tous ses angles, elle nourrit une monographie conséquente de 400 pages parcourue de 300 illustrations couleur de grand format, souvent en pleine page. Le Préraphaélisme, enchâssé dans un beau coffret illustré, magnifie un art à part, à l’émanation poétique unique.
Le Préraphaélisme
Aurélie Petiot
Editions Citadelles et Mazenod
27,5 X 32,5 cm
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