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"Pieter Bruegel – L’Œuvre complet" : une grande monographie foisonnante et détaillée
Peintre flamand majeur de la Renaissance, Pieter Bruegel dit l’Ancien (vers 1526/1530–1569) est souvent associé à son contemporain Jérôme Bosch pour le foisonnement des personnages représentés, et son approche morale des sujets religieux ou fidèles à la vie quotidienne. Un art qui éclate dans l'édition Taschen de son œuvre complet qui permet d’en jouir dans tous les détails.
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Une mort omniprésente
Pieter Bruegel dit l’Ancien se différencie par ce sobriquet de ses fils Pieter Bruegel dit le Jeune, et Jan Brueghel l'Ancien. Eux-mêmes engendreront d’autres peintres. Une dynastie décidément très talentueuse et productive, aux vues de l’œuvre de chacun. L’ancêtre montre la voie et demeure à l’origine d’une école flamande où les sujets religieux sont transcrits à l’époque contemporaine du XVIe siècle, en privilégiant une évocation du quotidien.Ces toiles s'avèrent donc un précieux lègue historique sur les us et coutumes des Flandres de la Renaissance, tant dans les costumes, les métiers que les rituels. Bruegel ne se limite pas pour autant à être un seul documentariste de son temps. Ses sujets en traduisent les obsessions et tourments.
La mort est omniprésente dans ses danses macabres où des armées de squelettes enlèvent des villageoies de toutes castes, comme dans "Le Temple de la mort". Ce reflet de la persistance de la peste qui sévit en Europe depuis le XIIIe siècle, se manifeste aussi dans les guerres dont on trouve l'évocation dans "Le Massacre des innocents". L’on y voit, dans un village enneigé, des civils et soldats en armures du XVIe siècle occire les habitants. Comme si le peintre prenait ce sujet biblique pour donner une photographie des exactions alors courantes dans toute l’Europe.
La main et l’âme
Pour contrebalancer ces sujets macabres, Bruegel peint des scènes de liesses, banquets de mariage, fêtes champêtres et carnavals, qui peuvent s’interpréter comme autant de dérivatifs aux ténèbres du temps. Par conséquent, la mort transparaît toujours derrière la joie. Les sujets religieux sont, eux, traités, chez Bruegel comme chez Bosch, sous un jour moral. Ainsi "La Chute des rebelles", où l’on trouve des figures grotesques communes, métaphores des vices et perversions humaines.Ses multiples versions de "La Tour de Babel" dénoncent l’arrogance des hommes, mais visualisent aussi les machines, outils et gestes œuvrant à la construction des cathédrales. Elles seraient ainsi assimilées, comme la Tour de Babel, à un défi envers Dieu, par leur élévation et leur prouesse architecturale.
Quant à ses "Proverbes flamands", ésotériques et savants, ou sa lumineuse "Parabole des aveugles", ils traduisent l’accord entre la main et l’âme au service d'un message éthique. Issues de la tradition populaire et de l'observation, ces visions profanes génèrent l'introspection du spectateur, indépendante du dogme religieux dominant, signe d'une modernité transgressive.
Mais l’œuvre complet de Pieter Bruegel ne serait pas exhaustif sans l’intégral de ses dessins et gravures sur cuivre. On y décèle la finesse du trait du maître, comme préliminaire à son art de la composition et de coloriste. L’ouvrage privilégie les détails des toiles, les uns comme les autres bénéficiant de reproductions fidèles en pleines pages et en planches dépliantes. Jürgen Müller, professeur d’Histoire de l’art à Dresde, et Thomas Schauerte, directeur de le Maison Albrecht Dürer de Nuremberg, se chargent de la biographie et de l’analyse de l’œuvre, procédant notamment à un rapprochement sensible entre Bosch et Bruegel. Le maître flamand se retrouve en cette monographie complète dans toute sa splendeur, sa richesse, et son décryptage autant historique qu'esthétique.
Pieter Bruegel - L'Œuvre complet
Jürgen Müller et Thomas Schauerte
Editions Taschen
Relié avec ruban marque-page, 29 x 39,5 cm, 492 pages, dans un coffret en carton avec poignée
150 €
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