"Black lives matter" : bouleversements en série dans le monde de la culture
"Autant en emporte le vent" retiré temporairement d'une plateforme de streaming, bond des ventes des livres sur le racisme... Le mouvement "Black lives matter", relancé après la mort de George Floyd aux Etats-Unis, chamboule le monde du spectacle et de la culture.
La culture réagit au mouvement anti-raciste planétaire qui se déroule en ce moment. De Netflix à Amazon, les plateformes ont réagi en mettant en avant les œuvres d'artistes noirs, via des sections dédiées. "Quand nous disons que "les vies des noirs comptent", nous voulons aussi dire que celles des auteurs noirs comptent", affirme Netflix, qui donne un coup de projecteur à une série d'œuvres, aux États-Unis, de Moonlight, Oscar du meilleur film 2017, à la série Dear white people.
En France, la plateforme fait aussi de la "suggestion de contenus" en lien avec le mouvement "Black lives matter" (qu'il suffit de taper dans la barre de recherche), même si sa philosophie reste de mettre en valeur des "talents" de la communauté noire, comme la réalisatrice Ava DuVernay (Selma, la série Dans leur regard) avec qui ils ont un partenariat.
Son concurrent Amazon Prime a lancé, outre-Atlantique, une section baptisée "Black History, Hardship & Hope", avec des films comme La voie de la justice avec Michael B. Jordan, sorti fin janvier en France.
Lancée fin mai, HBO Max a fait parler d'elle en retirant temporairement de son catalogue le classique aux 8 Oscars, Autant en emporte le vent, au motif qu'il "dépeint des préjugés racistes qui étaient communs dans la société américaine". La toute nouvelle plateforme prévoit de remettre les aventures de Rhett et Scarlett en ligne, avec des éléments de contexte.
Phénomènes d'édition
Autre effet collatéral : les livres traitant de la question raciale s'arrachent dans le monde anglo-saxon. De White fragility de Robin DiAngelo à How to be an antiracist de l'universitaire Ibram. X Kendi, sept des meilleures ventes de livres sur Amazon US traitent du sujet.
En Grande-Bretagne, Le racisme est un problème de blancs de Reni Eddo-Lodge (Why I'm No Longer Talking to White People About Race en VO) est en tête des ventes chez Waterstones, la chaîne de libraires. Paru en 2017 le livre avait fait polémique outre-Manche.
Côté fiction, le roman Girl, Woman, Other de l'Anglo-Nigériane Bernardine Evaristo s'installe en tête des ventes. Cette chronique de la vie de familles noires en Grande-Bretagne a remporté le prestigieux Booker Prize 2019, ex-aequo avec Les testaments de Margaret Atwood.
Déprogrammations et vandalisme au Royaume-Uni
Déprogrammation de la série Cops aux Etats-Unis (une institution télé régulièrement critiquée pour avoir exagéré l'importance de la délinquance aux États-Unis) ou suppression de Little Britain de la plateforme de la BBC pour cause de "blackface" : le débat sur les violences policières et le racisme bouscule le monde des médias.
Culte outre-Manche, le show humoristique Little Britain caricaturait des Britanniques de toutes origines et milieux, dont des femmes noires, pour lesquelles les acteurs se noircissaient le visage. "Les temps ont changé depuis la première diffusion de Little Britain", a argué un porte-parole de la BBC à la revue Variety, pour justifier cette décision.
Un service de streaming britannique a annoncé vendredi le retrait temporaire d'un épisode d'une sitcom culte de la BBC créée par le Monty Python John Cleese, Fawlty Towers (titre français : "Hôtel en folie") en raison "d'injures raciales". La série conte les mésaventures d'un propriétaire d'hôtel incarné par Cleese. Dans l'épisode "Les Allemands" (1975), l'hôtelier lance à son employée "Ne mentionne pas la guerre!" avant d'accueillir des touristes allemands et d'enchaîner les lapsus sur le sujet. Un personnage de l'épisode tient des propos insultants envers l'équipe de cricket des Indes occidentales, dans les Caraïbes.
"L'épisode contient des injures raciales et donc nous le retirons le temps de l'étudier", a expliqué le service de streaming UKTV, filiale de la BBC, disant porter une "attention particulière à l'impact de propos dépassés". Interrogé par le journal australien The Age, John Cleese a expliqué que le personnage incriminé était un "vieux fossile" : "Nous ne défendions pas ses opinions, nous les moquions. Si les gens sont trop stupides pour le comprendre, que peut-on dire ?"
Enfin, à Liverpool, quatre plaques de Penny Lane, rue immortalisée par les Beatles, ont été vandalisées cette semaine, couvertes de peinture avec, pour l'une d'elles, l'inscription "raciste" écrite sur le mur au-dessus, certains se demandant si la rue n'avait pas été baptisée du nom d'un marchand d'esclaves, selon les médias britanniques. Pour le maire de Liverpool Joe Anderson, il n'est pas prouvé que la rue fasse référence au marchand d'esclaves James Penny. Un élu local, Richard Hemp, affirme que le nom de l'esclavagiste s'écrivait Penney et que cette rue existe "depuis plus de 500 ans, avant Penney, avant l'esclavage".
Le mea culpa de la cocréatrice de "Friends"
Autre commentaire qui a fait du bruit : la co-créatrice de Friends, Marta Kauffman, a estimé, lors d'une récente table ronde, ne pas avoir "assez fait pour la diversité" dans la série se déroulant à New York, critiquée depuis ses débuts pour n'être pas assez représentative de la société. "Je dois trouver un moyen de collaborer avec de nouvelles équipes, auteurs, voix, sans m'approprier quoi que ce soit", a-t-elle confié dans la presse spécialisée, espérant désormais incarner le changement.
Exit les "musiques urbaines"
Expression passe-partout pour désigner à la fois le rap, le hip hop et le R&B, apposé facilement aux artistes noirs, l'expression "musiques urbaines" fait elle aussi les frais de la vague "Black lives matter".
Le label Republic Records, une branche d'Universal comptant les Canadiens Drake et The Weeknd parmi ses artistes, a ouvert la voie, en arrêtant d'utiliser le qualificatif. Il a bientôt été suivi par d'autres, dont les Grammy, les récompenses américaines de la musique, qui va déjà changer le nom de certaines catégories primées, remplaçant notamment "musique urbaine contemporaine" par "R&B progressif".
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