Charles Robinson met le feu à la banlieue
Charles Robinson invente une langue mais, d'abord, il casse des tabous, des clichés. La banlieue, il y a grandi, il la connait. Sa cité romanesque est imaginaire : c’est celle des Pigeonniers, quelque part en région parisienne, avec 322 appartements pour 1 200 habitants. Ce n’est pas la plus violente, mais pas la plus calme non plus. Ici, "c'est la vie en très fort" dit l'auteur, quand l'office HLM et la mairie décident de raser les barres de béton pour "améliorer l'habitat", comme le proclament les politiques de la ville depuis quarante ans.
Les personnages ne veulent pas disparaître avec leur cité
Mais ça ne fonctionne pas. Les habitants, si pauvres, si désocialisés soient-ils, ne sont pas dupes, ils savent que ce n'est pas leur misère que le pouvoir veut éradiquer, mais là où ils ont vécu, aimé, souffert. C'est crade, moche, mais c'est chez eux : les personnages de Charles Robinson ne veulent pas disparaître avec leur cité. L’un d’eux propose même qu’on distribue les millions d’euros engloutis dans les banlieues directement aux habitants, utopie, début de révolte, la guerre civile n’est pas loin.
Il y a, comme dans chaque société humaine, du rêve et de l'espoir.
Ils ont des noms à la poétique contemporaine. GTA, comme le jeu vidéo, un garçon trop speed ; Bégum, une bimbo qui se brûle ; Bambi, qui vit dans un monde virtuel ; et Saï, l'asiatique faux calme. Mais il y a aussi Budda, l'ex-taulard qui mise tout sur la boxe thaï pour changer de vie, et M, qui deale, traficote, fantasme sur les fesses d'Angela, la négociatrice de l'office HLM, tout en louant les bâtiments vidés pour la démolition à des sans-papiers : c'est le personnage le plus romanesque de cette histoire chorale.
Fabrication d’une langue
C'est l'autre enjeu de ce roman. Le piège était de se prendre pour un nouvel Audiard exilé dans le 9-3, de singer le langage des cités. Charles Robinson part de ce phrasé, de ces mots inventés, pour fabriquer une langue, tendue, poétique, souple, qui scande et qui a surtout une musique propre, sans qu'on en voit la structure. Car nul doute qu'il a beaucoup travaillé pour ciseler ce manifeste de plus de 600 pages. Un manifeste pour la vie, pour ces exilés de la vie urbaine et pour la littérature contemporaine.
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