"De l’amour des chiens" de Rodrigo Blanco Calderon ou l’impossible bonheur dans un Venezuela déchiré
"Le jour où sa femme quitta le pays, Ulises Kan décida de se trouver un chien". La première phrase de Rodrigo Blanco Calderon dans De l'amour des chiens résonne comme une promesse d'un roman déroutant, indéfinissable.
Le personnage principal, Ulises Kan, critique de cinéma, traverse les évènements avec un flegme impressionnant. A Caracas, comme partout au Venezuela, les chiens errants occupent les rues, abandonnés par les habitants à la recherche d'une vie meilleure ailleurs. Au bout de cinq ans de mariage, Ulises fait le deuil de son couple. Son beau-père, le général Martín Ayala, décide de faire de lui son unique héritier et lui lègue un appartement à condition de mener à bien la mission de mettre en place une fondation pour sauver les chiens errants. Un défi rocambolesque, tant les intérêts en jeu sont importants.
Les chiens, l'hôtel et Simon Bolivar
L'auteur de The Night (Gallimard) est un formidable conteur qui sait tenir en haleine son lecteur. Dans un Venezuela au bord de la faillite économique, l'absurde prend des formes inattendues. Ainsi, l'Hôtel Humboldt, construit sous la dictature du général Marcos Perez Jimenez en 1956, devenu une attraction touristique, après plusieurs tentatives avortées de réhabilitation. Ou encore le fameux collier du chien de Simon Bolivar. Rodrigo Blanco Calderon instaure une atmosphère rappelant le réalisme magique. L'arrière-plan politique met en exergue un panel de personnes en quête d'amour, ayant le plus grand mal à habiter le présent, se réfugiant dans un passé fantasmé ou se projetant dans un avenir forcément radieux.
Dans De l'amour des chiens, Rodrigo Blanco Calderon propose plusieurs niveaux de lectures. Son roman n'est pas un brûlot contre le régime néo-chaviste. Sans épargner Caracas, il dresse un portrait d'une société éclatée et sans perspectives. De l'amour des chiens est une odyssée, Ulises se trouve confronté à de nouveaux monstres. Chiens et humains errent dans une capitale désertée par l'espoir. Le héros affronte les appétits voraces de ceux qui souhaitent le déposséder de son héritage et ceux qui manœuvrent pour s'approprier la demeure familiale où doit être érigée la fondation pour chiens errants.
La majorité des personnages, dans une carence affective abyssale, sont en quête d'un bonheur qui les fuit. Et de cette poursuite naissent des malentendus, des frustrations. Rodrigo Blanco Calderon, avec sa plume foisonnante, signe une œuvre riche qui sonde l'humain. De l'amour des chiens, un roman dans la lignée des grands livres sud-américains.
(De l'amour des chiens, Rodrigo Blanco Calderon, traduit de l'espagnol par Robert Amutio, Gallimard, 265 pages, 23 euros)
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