"De la veille pour nos bibliothèques et nos petits usagers" : le Salon du livre jeunesse de Montreuil, une balise pour l'année

La grande fête du livre de la jeunesse s'est achevée, mais elle influencera l'activité de nombreux professionnels du secteur dans les mois à venir. Témoignages.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Vue du Salon du livre jeunesse de Montreuil, le lundi 2 décembre 2024. (FG / FRANCEINFO)

Le Salon du livre jeunesse de Montreuil a fermé ses portes lundi 2 décembre avec un nouveau record de fréquentation pour sa 40e édition : 198 000 personnes ont arpenté ses allées. La dernière journée est traditionnellement consacrée aux professionnels qui travaillent avec ces ouvrages. Certains d'entre eux nous ont confié pourquoi l'escale montreuilloise module leur futur calendrier et démontrent ainsi que les bibliothèques, privées ou institutionnelles, sont toujours les gagnantes.

Prospecter pour les bibliothèques

"C'est un moment unique en France, un condensé de littérature jeunesse qui est le cœur de mon métier, avec la rencontre aussi bien d'éditeurs que d'auteurs", résume Gaëlle, bibliothécaire à Rennes. En "presque" vingt ans de métier, elle a effectué lundi sa première visite au salon de Montreuil. Elle avait tenté à plusieurs reprises de faire le déplacement, mais ses projets avaient été contrariés. "Je suis très heureuse qu'il n'y ait pas de grève de train aujourd'hui parce que c'est vraiment l'aller-retour dans la journée". Départ de Rennes à 7h35 pour Paris et retour à 18h35.

Montreuil, "c'est une source d'inspirations pour les bibliothécaires, on vient chercher des coups de cœur, faire de la prospection en tant que spécialiste jeunesse". Le salon "nous permet de découvrir des pépites, de faire la veille pour nos bibliothèques et nos petits usagers. Petits ou grands parce que je fais partie de la bibliothèque des Champs libres, qui est un grand établissement culturel dans la ville de Rennes. C'est un bonheur de voir les auteurs, d'assister à des débats, de participer à des rencontres concoctées pour les professionnels sous forme de parcours de découverte avec les éditeurs et ça, c'est vraiment sympa". La découverte est "belle" mais "relativement épuisante, vu l'ampleur de l'événement ", note Gaëlle en souriant. "C'est une bonne journée. Nous nous sommes réparties ce que nous avions à faire entre collègues et nous allons débriefer dans le train", ajoute-t-elle.

Des visiteurs dans le hall d'accueil du Salon du livre jeunesse de Montreuil, à Montreuil, le lundi 2 décembre 2024, lors de sa dernière journée. (FG / FRANCEINFO)

"J'ai la chance de travailler dans un énorme et bel équipement qui met en place des actions culturelles. Aussi, explorer le salon, équivaut à "faire de la veille sur des temps forts qui peuvent exister au sein de la bibliothèque. Nous avons la chance de pouvoir inviter beaucoup d'auteurs. On découvre aussi des petits éditeurs que l'on ne connaissait pas comme Le Port a jauni qui publie en arabe et en français. Le plurilinguisme nous interpelle dans cet établissement qui draine beaucoup de population."

Les Champs libres, la bibliothèque de Rennes "où cohabite la Place publique comme on aime à le dire", est gratuite pour tous. "Une grande fierté", se réjouit Gaëlle. Les collections jeunesse y rencontrent d'ailleurs un certain succès. "On doit avoir plus de 30% du fonds qui part très régulièrement".

Préparer les emplettes de la crèche

Laura, Aurélie et Enora ont mené, pour leur part, une mission délicate pour la soixantaine d'enfants de 0 à 3 ans dont elles s'occupent dans une crèche à Vincennes. Dans les allées, elles sont venues "découvrir de nouveaux ouvrages". "Voir ce qu'on pouvait introduire comme livres et nouvelles thématiques dans nos structures", poursuit Enora. "On cherche vraiment les nouveautés parce que les classiques, on les connaît. Sur un salon comme celui-ci, on va forcément tomber sur des choses qui vont attirer l'œil et plaire aux enfants que nous accueillons."

"Peu de texte", précise Aurélie en énumérant certains critères, "des illustrations qui changent de l'ordinaire, des rimes, des répétitions, des sons…" Les thématiques rentrent aussi en ligne de compte. "Aujourd'hui, c'est principalement les émotions, analyse Laure. C'est de plus en plus important d'en parler avec les nouvelles pédagogies. Il y a la peur qui revient beaucoup. Il y a la propreté aussi parce que ça arrive dans les trois années de vie de l'enfant. Papa, maman, grande sœur, grand frère…". On se fie également "aux goûts des enfants", renchérit Aurélie.

De gauche à droite, Laura, Aurélie et Enora au Salon du livre jeunesse de Montreuil, à Montreuil, le 2 décembre 2024. Les professionnelles de l'enfance sont venues repérer des livres pour les enfants de 0 à 3 ans qu'elles accueillent dans une crèche de Vincennes. (FG / FRANCEINFO)

Déambuler dans ce vaste hall d'exposition est un exercice que ces professionnelles préfèrent aux recherches sur Internet. Rien ne vaut d'être à l'endroit "où toutes les maisons d'édition sont présentes". "On peut toucher, souligne Aurélie, on peut voir la longueur du texte, il ne faut pas que ce soit trop long, trop compliqué". Les jeunes femmes assurent "qu'elles ont pas mal de photos". Ces dernières les aideront à préparer leurs commandes qui sont à passer en avril 2025. Elles disposent d'une enveloppe annuelle de 500 euros, un "beau budget" accordé par la municipalité de Vincennes.

"Il en faut pour tous les goûts, pour tout le monde, résume Laura. Il faut que les enfants puissent avoir des beaux livres, même si certains ne sont pas systématiquement mis à disposition parce que trop fragiles. Il faut des livres que l'on va lire en groupe, d'autres individuellement. Il faut aussi des ouvrages que l'on va proposer aux familles parce qu'il y a, par exemple, une problématique sur les cauchemars la nuit. Et puis, les enfants prennent aussi le pli et nous ramènent des livres de la maison à partager avec la crèche". Au printemps, les conteuses sauront si elles ont fait le bon choix. Le verdict se résumera à un mot à la fin de chaque nouvelle histoire : "Encore".

Nourrir les envies du "Petit dévoreur"

Dans les couloirs de Montreuil, on a aussi retrouvé des représentants de l'équipe de Sarthe Lecture basée au Mans. Elle publie chaque année La sélection du Petit dévoreur. "Nous promouvons des albums toute l'année par l'intermédiaire (de cette revue), explique Anne Mongodin, bibliothécaire départementale. Le salon nous permet de rencontrer les auteurs que nous avons lus, de peut-être même prendre des contacts pour les faire venir dans le cadre d'éventuelles animations, de voir les maisons d'édition et d'échanger". Soutenu par le département de la Sarthe et rédigé de septembre à juin, le magazine regroupe "nos pépites à nous, les albums lus et aimés", ajoute Anne Mongodin. "Quand on vient à Montreuil, cela permet aussi de voir les sorties."

Les ouvrages chroniqués sont destinés aux enfants de 0 à 11 ans et la revue, diffusée à 4 500 exemplaires, est disponible dans les bibliothèques du département. "C'est pour tous les parents, les grands-parents, les médiateurs, les professionnels de santé, les collègues qui travaillent aux solidarités départementales, en PMI (Protection maternelle et infantile), pour l'aide sociale à l'enfance, pour les publics empêchés, pour tous ceux qui connaissent la littérature jeunesse", affirme Célia Fouquet-Choplin.

De gauche à droite, les bibliothécaires Anne Mongodin, Sandy Grigné et Célia Fouquet-Choplin présentent "La Sélection 2025 du Petit dévoreur", produit par Sarthe Lecture, au Salon du livre de Montreuil, le 2 décembre 2024. (FG / FRANCEINFO)

"Les bibliothèques départementales sont des ressources pour les autres bibliothèques, souligne Frédéric Gaboyer, bibliothécaire dans la commune de Montval-sur-Loir. Là où je travaille, cette revue est une ressource. On peut s'en servir directement ou le mettre dans les mains des familles en leur disant : "Allez-y, les yeux fermés." Le Petit dévoreur fêtera ses 30 ans l'année prochaine.

Dialoguer avec des éditeurs

Spécialisée dans les livres jeunesse (2 à 14 ans) et fondée par Dominique Pace, l'ONG Biblionef profite de Montreuil pour se faire davantage connaître. "Notre savoir-faire : avoir la confiance des éditeurs et un fonds documentaire extrêmement large que l'on peut mettre à disposition", explique Philippe Faroy, le secrétaire général de l'organisation trentenaire. "Bibliothécaires, responsables de structures qui œuvrent pour l'accès à la lecture, professeurs documentalistes, enseignants, responsables d'association... Ce sont tous ces gens que l'on a grand bonheur à rencontrer ici parce que ça permet de démarrer un certain nombre de projets".

L'ONG, qui opère en France et à l'étranger, s'est toujours consacrée à la littérature jeunesse car "tout se joue entre les premiers contacts avec le livre, à la maison, encore plus quand l'enfant rentre à la maternelle, et ce, jusqu'à la sortie du primaire". "C'est là où le livre doit être quasiment le seul et unique média de l'approche de l'acquisition des connaissances, insiste Philippe Faroy. Sur la prime enfance, le livre est essentiel."

De gauche à droite, Phillipe Faroy (secrétaire général), Dominique Pace (directrice et fondatrice) et Olivier Leguay (administrateur) de l'ONG française Biblionef. (FG / FRANCEINFO)

"Biblionef ne peut exister que grâce au partenariat d'intelligence réalisé avec la quasi-totalité des éditeurs jeunesse qui ont, chaque année, la gentillesse de nous proposer un grand nombre de quantités par titre de livre neufs avant de les mettre au pilon", poursuit le secrétaire général de Biblionef. Et ce, dans la majorité des cas, "gratuitement".

"Nous recevons chaque année entre 120 et 150 000 livres neufs, ce qui permet de maintenir un fonds documentaire de 300 000 livres, soit 1 200 titres. J'en ai autant, 120 à 150 000 qui sortent chaque année. Le fait d'être présent au salon nous permet de créer le lien avec les éditeurs, de voir les nouvelles collections, de leur montrer ce que nous avons fait. C'est le seul espace dans l'année où nous sommes présents en termes de communication. Nous sommes là pour faire savoir."

En France, les espaces "lecture et culture" de l'ADMR des Vosges (réseau associatif de proximité) bénéficient du soutien de Biblionef. De même, l'ONG a mené des projets avec l'Institut français de Lisbonne, l'ambassade de France en Arménie ou encore la Fondation Zakoura au Maroc.

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