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Deux ans après, Charlie Hebdo envisage d'être "plus offensif"

Deux ans après l'attaque qui a fait 11 morts au siège de Charlie Hebdo, "les gens sont devenus bien plus frileux", souligne Riss dans un entretien avec l'AFP. Le directeur de la rédaction du journal satirique ne désarme pas et se demande même si son équipe ne devrait pas être plus offensive politiquement.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Riss, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo mais aussi propriétaire du journal satirique avec son directeur financier Eric Portheault.
 (Bertrand Guay / AFP)

Le journal continue-t-il de recevoir des menaces?

Riss : "Ca surgit un peu comme une poussée de fièvre. On signale tout à la  police. Mais curieusement, on a l'impression que les gens sont devenus encore plus intolérants à l'égard de Charlie. Ils sont à l'affût du moindre de nos dessins. On essaie de ne pas trop y penser. Mais avant, on nous disait de faire attention aux islamistes, et maintenant il faut faire attention avec les islamistes, les Russes, les Turcs.

Ca révèle un climat de susceptibilité voire d'intolérance plus grand qu'avant. Avec le développement des médias sociaux, tout est viral, tout prend une dimension hystérique. Vous faites un dessin sur un tremblement de terre en Italie, et c'est la guerre civile. Alors que des dessins comme ça on en a fait plein avant et tout le monde s'en foutait.
 
Avant, on était emmerdés en France par deux ou trois associations rétrogrades, maintenant on a l'impression que le monde entier surveille ce qu'on fait. Comme si la liberté de Charlie, même exercée modestement, était de trop."

Vous disiez il y a un an que Charlie se sentait seul, c'est encore le cas?

Riss : "Si demain on met en couverture une caricature de Mahomet, qui va nous défendre ? Personne, à part un ou deux intellectuels. On nous dira : vous êtes fous, vous l'avez bien cherché. Depuis deux ans, les gens sont devenus bien plus frileux. Avec ce qui s'est passé, mine de rien, les gens ont compris le message : "il ne faut pas faire ça".
 
On se fait tirer dessus. On relève la tête, puis on nous remet la tête au fond de la baignoire en nous disant qu'on est islamophobes. C'est une accusation malhonnête, stalinienne, révoltante. Non seulement c'est faux, mais on sait très bien que ça  vient d'une espèce de gauche pour qui on n'entre pas dans son cadre idéologique.
 
On revendique le droit de ne pas croire, de l'exprimer et de formuler des critiques contre les religions. Mais même ça, ça paraît suspect."

La ligne éditoriale de Charlie Hebdo va-t-elle évoluer en 2017?

Riss : "La ligne éditoriale sera dans la continuité de 1992 (date de la relance du journal, ndlr), 1993 et ainsi de suite. 2015 a été l'année de la survie, 2016 celle de la stabilisation. En 2017, il faut peut-être qu'on soit plus incisifs et offensifs, politiquement.
 
J'ai parfois l'impression que depuis deux ans les gens s'intéressent à Charlie Hebdo uniquement sous l'angle de l'émotion, du drame, plutôt que de voir les problèmes politiques très difficiles que posent tous ces attentats. C'est toujours la même histoire : l'intolérance religieuse, etc. Ce sont des sujets qui s'effacent du débat public. Est-ce qu'on n'a pas un peu oublié les raisons pour lesquelles ils se sont faits tuer le 7 janvier?" (Propos recueillis par Taimaz Szirniks pour l'AFP)

Devenu un symbole, le journal se sent isolé

Il y a deux ans, le 7 janvier 2015, deux hommes armés, les frères Kouachi, faisaient irruption dans les locaux de "Charlie Hebdo" lors de la conférence de rédaction hebdomadaire et décimaient ses équipes, un invité, un garde du corps, un agent de maintenance et, en sortant, un policier. Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Georges Wolinski, Franck Brinsolaro et Frédéric Boisseau avaient péri.

Devenu un symbole, le journal désormais installé dans des locaux ultrasécurisés provoque quasiment à chaque numéro une levée de boucliers quelque part dans le monde, et continue à recevoir des menaces de mort.

Le président russe Vladimir Poutine s'est demandé début décembre si "ces caricaturistes avaient besoin d'infliger une insulte aux représentants de l'islam". Charlie est régulièrement attaqué en justice, par une association de défense des handicapés ou par une ville italienne touchée par un séisme dont les victimes ont été dessinées en pâtes.

"Le rire vous fait peur"

Dans le numéro de mercredi, la rédaction attaque férocement les intellectuels qui critiquent ses prises de position sur le terrorisme et l'islam. "Le rire vous fait peur, car il libère l'esprit comme aucune autre artillerie humaine", leur lance le journaliste Fabrice Nicolino dans un article intitulé "Cette gauche qui s'est toujours couchée devant les despotes".

"Le problème, c'est tous les croyants musulmans qui pensent que, malgré tout, il ne faut pas rire de la religion. Ces gens, de fait, même s'ils ne sont pas terroristes, pensent comme eux", lance Riss dans un dessin de Coco.

 


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