Disparition d'Hubert Nyssen, fondateur visionnaire d'Actes Sud
"L'éditeur doit réfréner l'écrivain, lui éviter de devenir polygraphe, d'écrire n'importe quoi", disait de lui-même Hubert Nyssen, auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, romans, essais, recueils de poésie. Il déplorait aussi parfois d'avoir sacrifié sa carrière d'écrivain à celle d'éditeur, mais il ne se lassait pas de découvrir des talents et d'ériger la traduction en art.
C'est lui qui dénicha au milieu des années 1980 la Russe Nina Berberova, vieille dame de 85 ans qui n'avait rien écrit depuis vingt ans, ou l'Américain Paul Auster, dont "La Cité de verre" avait été refusée par tous les éditeurs aux Etats-Unis. Sous son impulsion, puis celle de sa fille Françoise Nyssen, aujourd'hui présidente du directoire d'Actes Sud, et de son gendre Jean-Paul Capitani, la maison a fait aussi connaître en France Nancy Huston, Prix Femina 2006, l'écrivain hongrois Imre Kertész, prix Nobel de littérature en 2002 ou l'Autrichienne Elfriede Jelinek, elle aussi Nobel en 2004. Et tant d'autres, dont Alaa El Aswany, auteur de "L'Immeuble Yacoubian". Sans parler de l'énorme coup de flair pour la saga "Millenium" du Suédois Stieg Larsson, vendue jusqu'ici à 4 millions d'exemplaires en France en grand format, selon le directeur de la collection Actes Noir Manuel Tricoteaux.
Un Goncourt en 2004
Les Français ne sont pas pour autant délaissés. En 2004, c'est le prix Goncourt qui couronne "Le Soleil des Scorta" de Laurent Gaudé, vendu à plus de 400.000 exemplaires. Actes Sud a depuis collectionné plusieurs prix littéraires prestigieux tout en se diversifiant dans la littérature jeunesse et la BD, sans oublier les ouvrages sur les jardins et la botanique chers à son fondateur.
Né le 11 avril 1925 à Bruxelles dans une famille modeste, le jeune Hubert Nyssen avait été résistant pendant la guerre avant de créer après 1945, dans sa ville natale, un cercle littéraire d'obédience communiste. Après un article flatteur sur Hemingway, ce petit-fils du cofondateur du parti ouvrier belge en est exclu. Etudes, petits boulots, cadre dans la publicité, cet aventurier des lettres part ensuite vers le Sud. Naturalisé français en 1976, il est néanmoins membre de l'Académie royale de Belgique. Il aussi enseigné dans les universités d'Aix-en-Provence et Liège.
"Entrepreneur pionnier de la décentralisation culturelle", comme le soulignait lundi le président Sarkozy, il avait finalement préféré le soleil à la brume du nord, la province à Paris, et choisi de fonder sa maison Actes Sud à Arles. Un défi à l'époque quand l'édition française ne sortait guère de Saint-Germain-des-Prés. Le nom Nyssen, d'origine scandinave, signifierait "fils de la nouvelle lune". Pourtant, c'est sous la lumière de Provence que Hubert Nysen aura marqué à jamais l'édition française.
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