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Alain Touraine, sociologue et grand penseur du monde social, est mort à 97 ans

Alain Touraine, figure majeure de la scène intellectuelle française et internationale, était connu pour ses recherches sur les mouvements sociaux.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Alain Touraine dans son bureau à Paris, le 7 juin 2001. (JOEL ROBINE / AFP)

Le sociologue Alain Touraine est mort vendredi 9 juin au matin, a annoncé sa fille, l'ancienne ministre Marisol Touraine. L'intellectuel s'est éteint à Paris à 3h30, a-t-elle précisé à l'AFP.

Il est né le 3 août 1925 à Hermanville-sur-Mer (Calvados), dans une famille aisée, d'un père médecin féru de littérature. Après avoir suivi une khâgne au lycée Louis-le-Grand, à Paris, il entre à l'École normale supérieure en 1945. Deux ans plus tard, il part en voyage d'étude en Hongrie à l'occasion du centenaire des révolutions de 1848. Il prolonge son voyage et explore le pays et les exploitations agricoles, en pleine période de réforme agraire.

À son retour, il s'installe dans le nord de la France, à Valenciennes, où il travaille comme mineur pendant un an. Cette expérience marque le début de son engagement et de son intérêt pour le monde du travail, la classe ouvrière et les mouvements sociaux, au cœur de ses recherches pendant toute sa vie. 

Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et fondateur du Centre d’analyse et d’intervention sociologique (Cadis) en 1981, Alain Touraine a publié plus d’une cinquantaine de livres.

Des usines Renault à l'Amérique latine

Ses premières recherches ont porté sur le travail et les mouvements ouvriers, notamment au sein des usines Renault. Après Mai-68, il étend ses recherches à tout le domaine des mouvements sociaux et élabore une méthode pour les étudier : l'intervention sociologique, qu'il applique à plusieurs cas et en particulier au mouvement Solidarnosc, en Pologne. Il s'intéresse ensuite à la notion de "sujet", qui prend une place prépondérante à partir de la publication de Critique de la modernité. À partir de 2000, "ses livres peuvent être considérés comme une exploration en profondeur de la notion de sujet", précise la biographie de la maison d'édition Fayard.

Le sociologue s'est également intéressé en parallèle à partir de 1956 à l'Amérique latine. Il publie en 1988 La Parole et le Sang, une analyse générale, politique et sociale du continent sur un demi-siècle. Investi dans de nombreux débats politiques, il a publié de nombreux livres transverses, à cheval entre la sociologie et l'actualité politique.

Il est l'auteur notamment de Sociologie de l'action (Seuil, 1965), Le Mouvement de Mai ou le communisme utopique (Seuil, 1968) La Société post-industrielle (Denoël, 1969) ou encore Qu'est-ce que la démocratie ? (Fayard, 1994), Comment sortir du libéralisme ? (Fayard, 1999), La Recherche de soi : dialogue sur le sujet, avec Farhad Khosrokhavar (Fayard, 2000).

Positions politiques

Soutien de Coluche à l'élection présidentielle de 1981, il salue le tournant libéral du Parti socialiste en 1984. En 1989, il s'oppose à l'expulsion des élèves voilées dans le cadre de l'affaire des foulards de Creil. En 1994, il se présente avec Bernard-Henri Lévy et Romain Goupil aux élections européennes sur la liste L'Europe commence à Sarajevo. 

En 1995, Alain Touraine soutient le plan Juppé sur les retraites et la Sécurité sociale et dénonce également le mouvement de grèves de 2003 contre la loi Fillon sur les retraites.  En 2017, dans une tribune au journal Le Monde, il estime qu’"il faut donner aux législatives une majorité à Emmanuel Macron, qui a sauvé la France du nationalisme populiste".

De Mai-68 aux "gilets jaunes", ce penseur infatigable a toute sa vie scruté la sphère sociale avec une curiosité, une liberté et une inventivité sans cesse renouvelées.

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