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Dans "L’étrange fraternité des lecteurs solitaires", Patrick Deville devise sur la condition de lecteur et d’écrivain

 Un assemblage de textes érudits et jouissifs non moins étrange que son titre.

Article rédigé par franceinfo Culture - Carine Azzopardi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Patrick Deville (BARBARA ZANON / GETTY IMAGES EUROPE)

A chaque chapitre, son destinataire : un ami, un proche… L’écrivain Patrick Deville rassemble des textes écrits à différentes occasions dans un court essai, L’étrange fraternité des lecteurs solitaires, publié au Seuil, collection "Fiction & Cie", le 14 Août 2019.

Dans cet opus de 55 pages, Patrick Deville juxtapose des textes qui ont soit été offerts, soit été déjà publiés. L’un d’entre eux, par exemple, est une lettre imprimée par son destinataire à 75 exemplaires et offerte à 75 de ses amis à l’occasion de son 75e anniversaire en 2018. Tous ces chapitres ont en commun des réflexions érudites sur certains de ses lecteurs et amis, et le "Lecteur" en général par voie d’extension, une sorte de lecteur idéal, "premier personnage dans lequel nous tentons de nous glisser, écrit-il, lorsque nous nous relisons." L’écrivain, au fil des lignes, questionne ainsi le rapport entre écriture et lecture, en convoquant ses auteurs totémiques comme Thomas Mann, Gabriel Garcia Marquez, Marcel Schwob et bien d’autres.

Une réflexion sur la condition de lecteur

Le tout, très dense, ne se lit cependant pas en dilettante, et s’accompagne de réflexions désabusées sur la condition du lecteur moderne : "la multiplication des œuvres, des objets inutiles, ceux qui ne parlent pas à la mémoire des hommes, l’abaissement de la contemplation artistique et de la lecture au rang de passe-temps quand elles sont les voies d’accès à la condition humaine, l’infantilisation de citoyens (…) enfermés dans des parcs de loisirs ou camps de divertissements, la bêtise du présent permanent et de l’amnésie."

Au contraire, l’écrivain se place dans le temps long qui dépasse les générations : "Lisant toutes ces œuvres, on songe à la phrase de Walter Benjamin selon laquelle "il existe un rendez-vous tacite entre les générations passées et la nôtre : nous avons été attendus sur la terre", parce qu’on n'écrit jamais seulement pour les contemporains, mais aussi toujours pour plus tard, pour des lecteurs qui ne sont pas nés encore. Les livres attendent dans nos bibliothèques d’être lus et relus et commentés après la mort de leur auteur : cette étrange fraternité des grands solitaires se joue des siècles et de la géographie, de l’espace et du temps."

Le recueil de Patrick Deville, trouvera sa place dans toute bonne bibliothèque, fine tranche étrange parmi les romans pléthoriques de la rentrée littéraire.

L’étrange fraternité des lecteurs solitaires", de Patrick Deville, Seuil, 14 Août 2019, 55 pages, 9€.

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