Festival Etonnants Voyageurs : carnets de bord, rencontres avec les auteurs, achats de livres, la journée marathon des 850 lycéens invités à Saint-Malo
850 lycéens venus de toute la Bretagne étaient réunis vendredi à Saint-Malo au Festival Étonnants Voyageur pour présenter leurs carnets de bord, résultat d'un travail sur une œuvre qu'ils ont étudiée tout au long de l'année, et à la clé, une rencontre avec son auteur.
Ce vendredi, dans la lumière bleutée du matin, 850 lycéens arrivent par grappes au Palais du Grand large, lieu stratégique du Festival Étonnants Voyageurs, qui se déroule à Saint-Malo jusqu'au 6 juin.
Ils sont là pour présenter leurs "carnets de bord", objets précieux fabriqués par leurs soins à partir d'une œuvre, roman ou une bande dessinée, sur le thème du Japon, choisie parmi les quatre proposées (Les évaporés de Thomas B. Réverdy, Pacifique de Stéphanie Hochet, Meckaz T.1 de Nicolas David et Les noces de la renarde de Floriane Soulas). Une œuvre qu'ils ont travaillée pendant toute l'année scolaire avec leurs professeurs.
"Ils ont vraiment produit des choses extraordinaires" lâche Marion Hervé, chargée de l'organisation de cette journée, en installant les carnets de bord sur une table à l'entrée de l'auditorium.
"Si ça se trouve on va gagner"
Quand ils arrivent, les élèves de la classe de 1ère STMG (bac technologique des sciences et technologies du management et de la gestion) du lycée Benjamin Franklin d'Auray (Morbihan) ont des petits yeux. Ils se sont levés tôt ce matin, deux heures de route depuis Auray pour venir jusqu'à Saint-Malo. "Mais cette journée, c'est un peu l'aboutissement de leur investissement sur toute l'année", raconte Cécile Pouliquen, professeur documentaliste, qui les a accompagnés et encadrés avec le professeur de français, et celui d'histoire géographie. "C'est un projet très fédérateur, et transversal, puisqu'ils ont travaillé en Français, en histoire-géographie, et même en sciences éco", explique Christine Bellego, professeur de français.
Dans la salle de l'auditorium pleine à craquer, l'ambiance est joyeuse et un brin fébrile. "Si ça se trouve on va gagner", entend-on chuchoter dans la pénombre. Les élèves de la classe d'Auray ne cachent pas leur joie quand le jury annonce un Coup de cœur pour leur carnet de bord sur l'œuvre de Stéphanie Hochet, Pacifique. "C'est grâce à vous qu'on a gagné !" s'écrie Carla à l'adresse du professeur documentaliste. "En arrivant, on pensait qu'on allait gagner mais quand on a vu les carnets de bord des autres on s'est dit que c'était mort tellement ils étaient beaux", raconte une autre. "Mais on ramène le trophée à la maison ! On a eu de la chance ! Mais aussi du talent", déclare fièrement Timoté.
"Je suis très fière, très heureuse, c'est génial", lâche Cécile Pouliquen, émue. "Ce matin, dans le bus, on leur a dit qu'ils allaient devoir s'exprimer pour présenter leur travail, et ils nous ont dit : mais on est en STMG, madame ! Ce sont des élèves qui ont tendance à se sous-estimer, à se dévaloriser, et donc le fait que leur travail soit reconnu, c'est très important. Cela leur donne confiance en eux, et en leurs capacités. Ils se sont beaucoup investis, ils le méritent bien", se réjouit Cécile Pouliquen.
"C'est un projet dans lequel chacun peut apporter sa pierre", explique le professeur de français. "Ce sont des élèves qui ne sont pas de grands lecteurs, mais là, certains se sont occupés de l'iconographie, d'autres des recherches, d'autres encore des dessins", ajoute-t-elle. "Le travail transversal, c'est vraiment intéressant", ajoute le professeur d'histoire-géographie. "Travailler sur une période de l'histoire, ici la seconde guerre mondiale, en partant d'un roman, c'est vraiment très efficace sur un plan pédagogique".
"Je n'avais jamais rencontré d'écrivain"
"Je déteste lire", avoue Clémentine, "mais j'ai lu le livre, et si on n'avait pas fait ce projet, je pense que je n'aurais pas été aussi intéressée en cours de français. En plus j'ai choisi cette œuvre pour le Bac français. On a étudié l'oeuvre à fond, je pourrai dire que j'ai eu la chance de rencontrer l'auteure", souligne la jeune fille.
La rencontre avec l'auteure, c'est la deuxième étape pour la classe d'Auray de cette journée marathon. Les élèves présentent leur carnet de bord à Stéphanie Hochet, "Je suis impressionnée", confie l'écrivaine. "Impressionnée par la qualité esthétique et littéraire de leur travail. Je suis toujours très sensible à la manière dont les lecteurs saisissent mes livres, et là, ils s'en sont plus que saisi ! Ils ont carrément produit une petit œuvre d'art à partir de mon texte", ajoute la romancière, qui répond avec plaisir à la salve de questions posées par les élèves.
"Je n'avais jamais rencontré d'écrivain. C'est une expérience. Ce n'est pas donné à tout le monde !", déclare Louna à la sortie de la rencontre.
"On a tous été investis sur le projet parce que on savait qu'au bout il y avait la rencontre avec l'auteur", confie Maewenn. "Et on était aussi motivés par l'aspect créatif", ajoute Loane.
Lyonel Trouillot et Makhaïl Boulgakov pour le CDI
Après une petite pause pique-nique sur la plage de Saint-Malo, où il faut défendre son sandwich contre l'attaque des goélands, les élèves poursuivent leur journée par une visite au salon du livre. Ils ont une heure pour faire les emplettes pour leur CDI. La classe met rapidement au point une stratégie.
"On a une centaine d'euros en chèques cadeaux. Alors on va faire six groupes, vous allez chercher des livres, vous les prenez en photo, vous revenez nous voir et on vous donne les chèques livres pour aller les acheter", explique le professeur d'histoire-géographie, qui, comme la documentaliste, n'hésite pas à mettre la main au porte-monnaie pour compléter si besoin.
Alan, Maxime, Timoté et Kylian partent au pas de course. "On fait un premier repérage", lance Maxime. "Oui mais bon là on va ralentir un peu quand même parce que je vois au moins dix livres à chaque pas", ajoute Kylian.
Lyonel Trouillot, Mikhaïl Boulgakov et même un satiriste turc du XIIIe siècle du nom de Nasr Eddin Hodja… La pêche est fructueuse, riche et éclectique. "Je ne sais pas comment ils font, pour moi c'est trop grand, il y a trop de choix", s'amuse le professeur d'histoire. "On est souvent surpris par leurs choix", s'étonne la documentaliste. "Il reste 28 euros, je vais pouvoir ajouter ma patte", se réjouit-elle.
Avant de remonter dans le bus, les élèves ont droit à la projection d'un film. Une journée bien remplie qui laissera sans doute des traces. "Pour la plupart, ils ne sont jamais allés dans un festival ou dans un salon du livre, pour certains même jamais allés à Saint-Malo. Là ils vont revenir avec tout ça, en parler aux autres, il y aura un article dans le journal du lycée. Ils rapportent des livres pour le CDI. C'est un projet qui va rayonner dans tout l'établissement", explique Christine Bellego, le professeur de français.
"L'engagenement auprès des scolaires existe depuis les toutes premières éditions. C'est important pour nous. Ils sont notre public de demain", souligne Mélani Le Bris, co-directrice du festival. "D'ailleurs, je croise aujourd'hui des adultes qui viennent au festival et qui me disent qu'ils sont venus quand ils étaient au collège, ou au lycée" ajoute-t-elle. "Nous avons d'ailleurs pour projet d'élargir notre travail en direction des scolaires en déployant des actions tout au long de l'année, peut-être en lien avec des résidences d'écrivains", conclut la fille du fondateur du festival.
Festival Etonnants Voyageurs
Du 3 au 6 juin 2022
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