Il n'est pas question de retirer son Nobel à Günter Grass
"Il n'y a pas, et il n'y aura pas, de discussions à l'Académie suédoise pour lui retirer son prix", écrit son secrétaire permanent Peter Englund sur son blog. "En ce qui concerne le débat provoqué par le poème de Günter Grass 'Ce qui doit être dit', je voudrais souligner que M. Grass a reçu le prix Nobel en 1999 pour son mérite littéraire et son mérite littéraire uniquement, ce qui est le cas de tous les lauréats".
Günter Grass persona non grata en Israël
Israël a annoncé dimanche une interdiction de territoire pour Günter Grass, après la publication d'un poème dans lequel l'écrivain allemand accusait Israël et son arsenal atomique de menacer la paix mondiale. Mardi, l'association des écrivains israéliens a appelé les auteurs du reste du monde à dénoncer Günter Grass et ses prises de position "immorales".
"Le poème de Günter Grass est une tentative d'attiser les flammes de la haine contre l'Etat d'Israël et contre le peuple israélien", a affirmé de son côté, dimanche, le ministre de l'Intérieur Elie Yishai dans un communiqué, trois jours après que le gouvernement israélien a qualifié ce poème de "honteux" et "minable".
"Si Günter Grass veut continuer à disséminer ses oeuvres déformées et mensongères, je lui conseille de le faire depuis l'Iran, où il trouvera un public qui le soutient", a ajouté Elie Yishaï. Dans une lettre adressée à "l'écrivain distingué Günter Grass", le vice-ministre iranien de la Culture, Javad Shamaqdari, lui a d'ailleurs rendu hommage samedi pour avoir "dit la vérité".
"Nous sommes heurtés par les prises de position honteuses et immorales de Günter Grass qui visent à délégitimer Israël et le peuple juif, et appelons les écrivains à travers le monde à les dénoncer", a surenchéri mardi, auprès de l'AFP, Herzl Hakak, président de l'association israélienne des écrivains de langue hébraïque.
Poème atomique
Intitulé "Ce qui doit être dit", le poème en prose de Günter Grass, 84 ans, paru dans le journal allemand Süddeutsche Zeitung, dénonce les menaces de frappes israéliennes contre des installations nucléaires iraniennes comme un projet qui pourrait mener à "l'éradication du peuple iranien".
Dans le même temps, il y a "cet autre pays, qui dispose depuis des années d'un arsenal nucléaire croissant - même s'il est maintenu secret -, et sans contrôle, puisque aucune vérification n'est permise", poursuit le Nobel de littérature 1999, en visant Israël sans le nommer au début de son texte.
Grass dénonce "le silence généralisé sur ce fait établi" - qu'il qualifie de "mensonge pesant" -, parce que "le verdict d'antisémitisme tombera automatiquement" sur qui le rompra. "Pourquoi ne dis-je que maintenant (...) que la puissance atomique d'Israël menace la paix mondiale déjà fragile ? Parce qu'il faut dire ce qui pourrait être trop tard demain", explique l'auteur.
"Je ne me tairai plus, parce que j'en ai assez de l'hypocrisie de l'Occident" vis-à-vis d'Israël qui est le vrai "responsable de cette menace", selon Grass. Il demande également "un contrôle sans obstacle et permanent de l'arsenal atomique israélien et du programme nucléaire iranien par une instance internationale reconnue par les deux gouvernements".
"Erudit antisémite"
Ce poème a déjà valu à Günter Grass une réponse d'Henryk Broder, éditorialiste et polémiste. Il juge dans le quotidien Die Welt que "Grass a toujours eu un problème avec les Juifs, mais il ne l'avait jamais aussi clairement exprimé que dans ce poème". Pour Broder, Grass est "l'archétype de l'érudit antisémite", de l'Allemand qui, "poursuivi par la honte et le remords", ne trouvera "la paix de l'âme" qu'avec la disparition d'Israël.
Dans son propre pays encore, plusieurs cadres du SPD ont déclaré refuser la présence du Prix Nobel de littérature à des meetings de campagne (deux élections régionales ont lieu le 6 mai).
En 2006, le Nobel de littérature 1999, connu pour ses positions de gauche, avait reconnu avoir fait partie dans sa jeunesse des Waffen SS, unité d'élite du régime d'Adolf Hitler nazi, lui qui avait pourtant souvent renvoyé l'Allemagne à son passé nazi.
"Les commentaires scandaleux de Grass ne sont pas vraiment surprenants puisque son intégrité morale a été complètement ternie par le fait qu'il a admis avoir été au service de la Waffen SS", a souligné le directeur du Centre Simon Wiesenthal en Israël.
Les Occidentaux s'inquiètent d'une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien, condamné par six résolutions de l'ONU, et Israël a menacé à plusieurs reprises ces derniers mois de frapper les sites nucléaires iraniens pour empêcher Téhéran de se doter de l'arme atomique.
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