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"La pouilleuse", roman jeunesse glaçant pour éveiller les consciences

"La pouilleuse", roman de la jeune auteur Clémentine Beauvais (23 ans), est le récit implacable de la plongée dans l'horreur que peuvent engendrer le racisme et la haine.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
"La pouilleuse", roman pour la jeunesse de Clémentine Beauvais
 (Florian Bonneton / Sarbacane)

Elèves en seconde dans le luxueux 7ème arrondissement de Paris, David, Elise, Anne-Laure, Florian et Gonzague traînent leur oisiveté à l'entrée du lycée, où comme souvent ils décident de sécher les cours, entraînés par Gonzague (le plus vif …) "Comme j'ai trop pas envie d'aller en cours !". La bande se meut alors sans but dans les avenues de ce quartier riche et ennuyeux, où "c'est toujours la même vieille, toujours le même chien …".

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Mais ce jour-là leur désœuvrement se cogne sur le crâne d'une petite écolière d'origine africaine, qui a le seul tort d'avoir des poux dans la tête (en plus d'être noire). Les adolescents la kidnappent. Dans le huis clos du studio de Gonzague, les adolescents laissent libre cours à leur cruauté. La petite fille devient la victime de leur violence verbale, puis physique, sans qu'à aucun moment aucun d'entre eux ne réagisse pour arrêter la torture.

Indigne irresponsabilité

Ce roman est court, glacial, sec. Il décrit avec une minutie chirurgicale ce déchaînement de haine. Le rôle de chacun. L'effet de groupe. Dès le début du récit, le narrateur (l'un des protagonistes) constate: "C'était pas particulièrement planifié ce qui s'est passé ensuite, contrairement à ce que beaucoup de gens ont dit – les journalistes, ils croient que tout est prémédité, organisé, répété, mais on n'est pas des terroristes. Ça ne s'est pas passé comme ça. Les gens veulent savoir pourquoi, ça ne vous arrive jamais à vous, qu'il n'y ait pas de pourquoi?". Et c'est ce qui fait froid dans le dos. L'auteur décrit une situation, un alignement de faits, un passage à l'acte dont les raisons échappent aux acteurs eux-mêmes.

La pouilleuse, Clémentine Beauvais
 (Sarbacane)
Ce roman, soutenu par Amnesty International, est un livre à mettre entre les mains de jeunes adultes en devenir. Il use d'un langage qui leur parle, pour aborder un sujet universel : la responsabilité de chacun devant ses actes.



La pouilleuse
Clémentine Beauvais
Editions Sarbacane

112 pages / 8,50 €
A partir de 14 ans


[ EXTRAIT ]

"J'ai faim, a dit timidement la petite. (...)
Madame s'est levée, emportant avec elle le verre de vinaigre, elle a atttrapé un bol sur une étagère, et elle a vidé dans le bol deux ou trois cuillerées de riz cantonnais acheté au chinois. Elle y a planté une cuillère, et elle allait le tendre à la petite quand Florian s'est levé d'un coup, pour aller lui murmurer un truc à l'oreille. D'abord Anne-Laure a fait non, non, de la tête, mais Florian a ouvert un tiroir et trouvé quelque chose que je ne voyais pas d'où j'étais. quand j'ai vu revenir Anne-Laure avec le bol de riz cantonnais étrangement rosé, et le verre de vinaigre vidé de mitié sans les poux, j'ai compris, et la gamine a compris, et mes brûlures d'estomac m'ont mordu l'oesophage et les poumons.
- Tiens, a dit Anne-Laure.
La gamine a regardé le bol et son visage s'est contracté. Je me suis redressé. Par-ci, par-là, il y a vait des petits points gris dans le riz.J'ai eu un haut-le-coeur, je me suis précipité à la fenêtre, quand je me suis retourné, Florian était assis à côté de la petite et disait :
- Bon manger ! Bon manger ! Parasites pour parasite ! Miam !
"

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