Rentrée litteraire : Fabcaro raconte un échec retentissant dans son roman "Journal d'un scénario"
Ce pourrait être l'année Fabcaro. Son célèbre Zaï Zaï Zaï Zaï s'est vendu à 180 000 exemplaires et il sera le prochain scénariste du nouvel Astérix, L'iris blanc à paraître le 26 octobre. Et comme il ne manque jamais d'humour noir, Fabrice Caro sort en cette rentrée Le journal d'un scénario, le journal intime d'un scénariste qui pensait toucher le sacré graal et qui finit en dépression au fond de son canapé à force de concessions.
L'histoire : Boris voit succés lui sourire. Le scénariste a écrit Les servitudes silencieuses, une année d'amour entre deux accidentés de la vie. Joie et bonheur, son projet va être adapté au cinéma. Un producteur, Jean Chabloz lui donne rendez-vous suite à la lecture de son texte. Une heure après, le marché est conclu : "On va faire un beau film". Boris écrit donc le synopsis et rêve du casting idéal : Louis Garrel est Ariel et Mélanie Thierry sera Marianne. (Attention léger spoil). À la fin du roman : ce sera le duo Christian Clavier et Kad Merad qui incarnera le couple de cette fabuleuse histoire romantique devenue une potache comédie. Journal d'un scenario raconte la descente aux enfers avec son lot de concessions.
Le journal des désillusions
Ce sont des histoires de désillusions et de résistances que raconte Fabcaro. Bruno, le scénariste face à son producteur, ne cédera pas. Il est droit dans ses bottes. Son histoire sera adaptée au cinéma comme il l'a imaginée. Ce sera du cinéma d'auteur, il rêve de Christophe Honoré à la réalisation. Son casting plaira à Télérama et aux Inrocks. Patatras ! Le financement viendra d'une télévision privée qui ne rêve que de comédie faussement populaire, voire vulgaire.
Caro embarque son lecteur sur les petits arrangements avec la conscience de l'artiste, sur les reculades de plus en plus grotesques et burlesques. Et rôde le désespoir que tout créateur peut connaître. Ne pas céder, c’est ne pas être porté sur grand écran et disparaître du panorama du monde du 7e Art. Céder, c'est vendre son âme au diable. À quel moment les concessions aux vampires de l'argent dénature la création ? Et comble de malchance pour Bruno, il est amoureux d'Aurélie, une cinéphile romantique qui croit dans les forces de l'art et ne jure que par Martin Scorsese ou Alain Cavalier. Elle ne va pas être déçue par la lâcheté de son amoureux.
Je viens de recevoir ce texto. Je suis troublé, flatté et, bizarrement, un peu impressionné. Surpris aussi je suis toujours surpris qu’une personne veuille me revoir après la première rencontre.
Fabrice CaroDans "Le journal d'un scénario", Gallimard
La dégringolade du gentil
Si Le journal d'un scenario n'est pas un autoportrait de Fabrice Caro, tant la réussite semble lui sourire, le portrait de son héros, Bruno, résonne avec ce qu'il déclarait en cette rentrée sur France Inter : "Quand on est gentil, on est vite trop gentil. La gentillesse, souvent, est perçue comme une faiblesse dans l’inconscient collectif. (...) Je crois que je ne pourrais pas écrire un méchant parce que mes personnages me ressemblent beaucoup. Ils sont souvent un peu lâches, assez gentils, et très influençables, par gentillesse." Les meilleures scènes du livre sont les hésitations, les atermoiements entre ferme refus, colère et orgueil de Bruno et dans la minute ou la journée qui suit, la faiblesse, la couardise qui l'emporte. Bruno, de preux chevalier des arts devient un sinistre écrivaillon au service de la machine à broyer télévisuelle. Un régal par celui qui déclare aimer "la beauté romantique de l'échec".
"Journal d'un scénario" de Fabrice Caro aux Editions Gallimard/ Sygne 19,50 euros 189 pages
Extrait : Le journal d'un scénario (page 15)
Jean Chabloz m’a assuré qu’on trouverait le metteur en scène idéal pour donner corps à mon scénario.
Je lui ai demandé s’il avait des noms en tête, il a effectivement quelques idées mais préfère ne rien en dire pour l’instant. Il laisse mûrir. Et surtout ne veut pas me donner de fausse joie. Mais je sens que ses pistes l’excitent. Son silence éloquent donne libre cours à mes fantasmes et je me prends à rêver d’un Arnaud Desplechin, d’un Leos Carax, d’une Rebecca Zlotowski, d’un Olivier Assayas, d’une Maïwenn, ou pourquoi pas d’un Louis Garrel lui-même, il a prouvé à maintes reprises qu’il n’a aucun mal à être à la fois devant et derrière la caméra, son parcours de réalisateur est plutôt un sans-faute.
L’idée m’a traversé un temps de réaliser moi-même mon film, idée aussitôt abandonnée. Je ne m’en sens pas les épaules.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.