"Jacaranda", le deuxième roman bouleversant de Gaël Faye

Huit ans après la publication de "Petit pays", Gaël Faye revient avec "Jacaranda", un roman qui explore l'histoire du Rwanda à travers les récits de quatre générations.
Article rédigé par Neil Senot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Gaël Faye, auteur de "Jacaranda" et de "Petit pays" en juillet 2024. (JOEL SAGET / AFP)

Publié en août 2016, Petit pays, le premier roman de Gaël Faye, a connu un véritable succès. Prix Goncourt des lycéens, traduit en une quarantaine de langues, l'ouvrage s'est vendu à près de 1,5 million d'exemplaires et a été adapté au cinéma, au théâtre et en bande dessinée. Jacaranda, en librairies mercredi 14 août, poursuit la thématique de Petit pays et plonge le lecteur dans l'actualité du Rwanda.

L'histoire : Milan est en classe de sixième quand le génocide des Tutsis est perpétré par les Hutus au Rwanda. De ce pays loin de sa vie à Versailles, il ne connaît que le nom et les images de massacres diffusées à la télévision. Sa mère, une Rwandaise installée depuis une vingtaine d'années en région parisienne, ne lui a jamais partagé son histoire. Mais la médiatisation du génocide suscite les interrogations du jeune garçon et fait entrer la question des origines dans le domicile familial.

D'un premier voyage à l'adolescence à sa progressive intégration dans les rues de Kigali, Jacaranda suit la rencontre de Milan avec le Rwanda, sa famille, son histoire.

Le pays de sa mère

Dans Petit pays, Gaël Faye racontait à la première personne la vie de Gabriel, un adolescent franco-rwandais qui a grandi au Burundi et dont la famille emménage dans les Yvelines peu de temps après le début de la guerre civile burundaise et du génocide au Rwanda. Avec Jacaranda, l'auteur réalise le mouvement contraire. Loin de l'exil, il narre le quotidien de Milan, un jeune Franco-rwandais qui a quitté Versailles pour s'installer dans le pays natal de sa mère.

Roman de quête des origines ? Pas vraiment. Milan se rend pour la première fois au Rwanda presque sous la contrainte. Son regard est d'abord celui d'un étranger, focalisé sur les "rigoles d'eaux sales et usées" ou sur "l'odeur nauséabonde" des sanitaires. L'intérêt qu'il nourrit pour le pays ne vient ainsi pas d'une volonté de le faire sien. Jacaranda est un récit sur l'attachement, l'amitié. Ce sont des relations fortes qui mènent le jeune garçon à s'interroger et donnent à ce roman ses plus beaux passages ainsi que, peut-être, sa plus grande conviction : il faut être prêt à comprendre pour pouvoir correctement aimer.

Écrire le génocide

En arrivant au Rwanda, Milan ignore tout de l'histoire nationale. Le tabou autour de la situation politique et du génocide est immense. L'apprentissage de Milan se fait alors au fil des brèches laissées ouvertes par son entourage, autant de témoignages qui constituent une fresque intime et bouleversante. Jacaranda, dont l'intrigue s'étend sur vingt-six ans, est un tâtonnement vers la compréhension d'un récit familial qui dévoile, en filigrane, la terrible histoire du pays.

Sans jamais négliger la fiction, Gaël Faye offre ainsi un livre d'une grande pédagogie autour d'événements souvent méconnus en France. L'auteur explore les racines coloniales du génocide des Tutsis, remonte l'histoire politique, religieuse, et s'intéresse aux lendemains, aux traumatismes de la population. Publié à l'occasion de la commémoration du trentième anniversaire du génocide du Rwanda, Jacaranda est un livre important, à ne pas manquer.

Couverture de "Jacaranda", deuxième roman de Gaël Faye. (GRASSET)

"Jacaranda" de Gaël Faye (Grasset, 282 pages, 20,90 euros).

Extrait : "Bien plus tard, au milieu de la nuit, je fus réveillé par l'odeur âcre de la fumée et les cris des pompiers, à quelques mètres de notre maison, derrière le muret en pierre du jardin. Je me levai en toussant pour fermer une fenêtre laissée entrouverte. Depuis ma chambre, je pouvais apercevoir de hautes flammes dans les marais salants. Le spectacle était beau et terrifiant. C'est là que je l'ai remarquée. Debout au milieu du jardin, pieds nus dans l'herbe, une chemise de nuit blanche, immobile et seule. Sa silhouette se détachait en une ombre énigmatique à la lueur vacillante des flammes.
Nous étions en juillet 1994. Au moment où j'observais ma mère de dos qui regardait la nuit en feu, un génocide prenait fin dans son pays natal. Je n'en savais rien." ("Jacaranda", pages 22-23).

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