"L'Autre Rimbaud" : une enquête passionnante sur le mystère du frère d'Arthur Rimbaud, rayé de l'histoire
David Le Bailly redonne vie au frère banni d'Arthur Rimbaud, littéralement gommé de la mythologie rimbaldienne par la famille.
Après La captive de Mitterrand (Stock, 2014), son livre consacré à la compagne cachée du président, David Le Bailly signe L'Autre Rimbaud, publié le 19 août aux éditions l'Iconoclaste dans la rentrée littéraire. Ce nouveau roman en forme d'enquête dévoile un personnage resté dans l'ombre de la mythologie rimbaldienne : le frère d'Arthur Rimbaud.
David Le Bailly n'est pas un spécialiste du poète dont il connaît dit-il peu de choses "sinon les sonnets appris à l'école". Quand il découvre l'existence de ce frère en écoutant une émission de radio, sa curiosité est immédiatement piquée, lui qui confie au début du livre combien il tient à redonner la parole aux "sans-voix, rayés de la mémoire collective, ou bien passés de mode". Qui était "ce conducteur d’omnibus de la gare d’Attigny à l’hôtel d’Attigny". Cette vie circonscrite à un métier, simple, répétitif, à une zone géographique extrêmement délimitée. Des images affluèrent aussitôt", confie l'écrivain.
Frédéric Rimbaud est le frère aîné d'Arthur. Les deux garçons dans l'enfance sont proches, très complices. Arthur plus craintif marche dans les pas de son frère. Comment ce frère s'est-il peu à peu imposé aux yeux de la famille comme un raté, tandis qu'en miroir inversé Arthur était adulé de tous ? Frédéric Rimbaud, membre amputé d'un corps familial régenté d'une main de fer par Vitalie, l'intransigeante et acâriatre mère du poète, qui la première rejette Frédéric. Les soeurs suivent, puis Arthur, jusqu'à en faire un frère tout bonnement gommé des photos, exfiltré des correspondances, dépossédé de l'héritage du poète. "Entre ces frères, quelles avaient été les relations ? S’appréciaient-ils ? Ce Frédéric avait-il été sensible à la poésie d’Arthur ? L’avait-il jalousé ?" s'interroge le journaliste.
L'enquête dans le roman
Pour répondre à toutes ces questions, le journaliste de l'Obs enquête pendant de longs mois, épluche les archives, fait le voyage jusqu'à Charleville-Mézières, s'imprégne des lieux, cherche des témoins, pour tenter de percer l'énigme et nous faire le récit de cette incroyable falsification. En parallèle de cette histoire, le romancier livre à la première personne le making-of de son enquête et les échos de la vie de son personnage avec sa propre vie, dans des chapitres courts rédigés en italique, intercalés dans le récit.
Ce livre à la forme hybride, mis-enquête, mi-roman, est une plongée passionnante dans l'histoire d'une famille. Si le récit reste centré sur le personnage de Frédéric, il offre aussi en creux un portrait du poète maudit, de son enfance, de sa famille, et du monde dans lequel sont nés ses premiers poèmes. Au-delà des faits, et du portrait touchant de son personnage, David Le Bailly dépeint merveilleusement les atmosphères, nous immerge dans les paysages arides des Ardennes, dans la brutalité de ce monde paysan, dans la réalité d'un temps disparu. Un sujet décalé, une forme singulière, le cocktail est osé, mais le résultat est très réussi.
L'autre Rimbaud, de David Le Bailly (L'Iconoclaste - 370 pages – 19 €)
Extrait : "La photo en couverture de ce livre est une des plus célèbres d’Arthur Rimbaud, la plus ancienne aussi : sa première communion, faite avec son frère Frédéric. Le cliché a été pris en 1866. Arthur a onze ans, Frédéric douze. Les deux garçons viennent d’entrer au collège de Charleville. L’histoire de cette photo est édifiante. Elle m’a aidé à comprendre pourquoi, depuis plusieurs mois, je tournais autour de Frédéric Rimbaud, personnage ignoré des biographes et autres exégètes du poète. Jusque-là, je pressentais qu’il y avait quelque chose de terrible dans la vie de cet homme, quelque chose qui méritait d’être raconté, mais impossible de le formaliser, de saisir ce qu’il y avait de plus qu’une simple bonne histoire. Le destin de cette photo a achevé de me convaincre : oui, à la vie de Frédéric Rimbaud, j’avais eu raison de m’intéresser. Et oui, lui consacrer un livre – lui redonner vie en quelque sorte – était une nécessité." (L'autre Rimbaud, page 55)
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