Que lire après les prix littéraires : notre sélection de romans immanquables

De "Tout le bruit de Guéliz" à "Le Prêtre et le braconnier", en passant par "Le pacte de l’eau", notre choix est forcément subjectif et non exhaustif.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Vitrine de la librairie "Le Merle moqueur" à Paris, le 11 septembre 2024. (Mohamed Berkani)

Après la fièvre des grands prix littéraires, voici une sélection de romans qui ont attiré notre attention par les thèmes abordés et/ou leurs styles. 

 

"Le pacte de l’eau " la fascinante fresque d'Abraham Verghese

Après La porte des larmes, Abraham Verghese revient avec un roman d’une rare ambition. Le pacte de l’eau (Flammarion) est une fresque romanesque, une saga familiale, qui nous emmène en Inde au début du siècle dernier. Une jeune fille va connaître le jour le plus triste de sa vie. Ensuite, cela ne pourrait que s’arranger. Elle se marie avec un homme aisé d’une quarantaine d’années. À travers son parcours, on assiste aux bouleversements de son quotidien, de son parcours intimement lié à celui de son pays. L’une des forces d’Abraham Verghese, en plus de son écriture d’une redoutable efficacité, est de capter l’attention du lecteur dès les premières pages pour ne jamais le lâcher. On est à la fois totalement dépaysé et complètement fasciné par cette série de tableaux d’une société indienne en devenir. Impressionnant.

(Le pacte de l’eau, Abraham Verghese, traduit par Paul Matthieu, Flammarion, 827 pages, 24,90 euros)

Couverture du livre "Le pacte de l’eau" d'Abraham Verghese. (Editions Flammarion)

"Tout le bruit de Guéliz" : Ruben Barrouk en quête de la mémoire à Marrakech

Il était une fois un bruit à Guéliz. Ruben Barrouk signe, à 27 ans, un premier roman d’une rare élégance et d’une grande maturité. En 2022, le jeune auteur repart avec sa mère à Marrakech pour rejoindre sa grand-mère qui se plaignait d’entendre un bruit incessant et invasif. Écrit comme un conte, Tout le bruit de Guéliz (éditions Albin Michel) dit un passé à la fois récent et millénaire, un passé qui ne demande qu’à habiter de nouveau le présent. Ruben Barrouk, avec beaucoup de finesse et de tendresse, redécouvre sa famille séfarade, il est l’homme qui entend le bruit, le fracas de l’histoire et le murmure de l’intime. Car le bruit "sauve de l’oubli" pour celui qui sait tendre l’oreille. Et ouvrir son cœur. Tout le bruit de Guéliz, subtil et généreux.

(Tout le bruit de Guéliz, Ruben Barrouk, Albim Michel, 215 pages, 19,90 euros)

Couverture du livre "Tout le bruit de Guéliz" de Ruben Barrouk. (Editions Albin Michel)

"Zone base de vie" de Gwenaëlle Aubry : chantier en cours

En passant devant un chantier où se dressaient des Algeco avec des panneaux « Zone base vie » en Normandie, Gwenaëlle Aubry a une inspiration. Elle a trouvé le titre et la forme littéraire pour parler de l’expérience de la pandémie. Comme Georges Perec, elle va s’intéresser à la vie mode d’emploi d’un immeuble. Huit personnages confinés évoluent dans ce bâtiment situé dans une rue fictive et dans une ville non nommée. Comment évoluent-ils dans leur environnement ? Quel est leur rapport à l’extérieur ? Au politique ? Au réel ?  Derrière l’écrivaine, on devine la philosophe qui élargit son œuvre à divers territoires et explore le temps et l’espace. Les personnages se heurtent à un univers rétréci, se retrouvent face à leur individualité.  L’œuvre de Gwenaëlle Aubry a une portée politique certaine. Troublant.

 

(Zone base de vie, Gwenaëlle Aubry, Gallimard, 268 pages, 21 euros)

Couverture du livre "Zone base de vie" de Gwenaëlle Aubry. (Editions Gallimard)

 

"Oubliés" : J.R. dos Santos s’oppose à l’amnésie

C’est un pan peu connu de l’histoire portugaise  que l’on découvre avec Oubliés (éditions Hervé Chopin), roman au souffle épique de J.R. dos Santos. L’écrivain s’intéresse au sort d’une poignée de soldats dans les tranchées des Flandres pendant la Grande Guerre. Qu’est-ce qui a pu mener le jeune Alfonso, né dans la campagne portugaise, à s’engager dans l’armée pour se retrouver en 1917 à Brest ? Le jeune idéaliste se retrouve sur la ligne de front, loin de tout. De son enfance, de ses rêves, de ses idéaux… J.R. dos Santos signe un grand roman populaire, au noble sens du terme. Oubliés s’attache à décrire une époque révolue avec une précision chirurgicale. L’auteur s’attache à rendre ses personnages vivants, émouvants dans leur humanité. Oubliés, une épopée fantastique.

(Oubliés, J.R. dos Santos, traduit du portugais par Catherine Leterrier, 576 pages, 22,50 euros)

Couverture du livre "Oubliés" de J.R. dos Santos. (Editions Hervé Chopin)

 

"Les larmes rouges sur la façade" : Les amours clandestines à Téhéran

Navid Sinaki nous plonge dans un univers clos et impitoyable. Amis d’enfance, Anjir et Zal, sont aujourd'hui des adultes amoureux. Ils vivent tous les deux en Iran, pays où l'homosexualité est considérée comme un crime. L’écrivain utilise une langue dénuée d’artifices pour narrer un amour impossible et inconditionnel. Impossible à la cause des lois liberticides et inconditionnel car Anjir est résolu à changer de sexe pour vivre au grand jour son amour. Cet amour est-il partagé ? Peut-il survivre à un adultère ? Dans sa quête d’amour et d’identité, Anjir fait plusieurs rencontres et découvertes, notamment la connaissance de Leyli, un personnage flamboyant et attachant. L’écrivain iranien, à travers une relation tumultueuse, interroge l’altérité, les rapports sociaux et amoureux dans une ville qui préfère garder secrètes les amours clandestines. Bouleversant.

Couverture du livre "Les larmes rouges sur la façade" de Navid Sinaki. (Editions Le Bruit du monde)

(Les larmes rouges sur la façade, Navid Sinaki, traduit de l’anglais par Sarah Gurcel, Le Bruit du monde, 22 euros)

"Le Prêtre et le braconnier" de Benjamin Meyers : la course pour la vie

Il y a la forme et le fond. Benjamin Meyers narre une histoire haletante avec des phrases courtes et sans virgule, comme saisi par une urgence vitale. Et urgence, il y a. Dans ce conte intemporel, une jeune fille muette de seize ans s’enfuit avec un bébé qui n’est pas le sien. Elle cherche à mettre une grande distance entre le Prêtre et le nouveau-né. Élevée dans un orphelinat, elle connaît (trop) bien le prêtre. S’engage une course-poursuite où elle est la proie. Cela se passe au nord de l’Angleterre. On croit deviner pourquoi elle se lance éperdument dans cette fuite désespérée et on se prend surtout à espérer la voir réussir. Benjamin Meyers installe un rythme digne des grands romans noirs. Il est difficile de lâcher le livre avant la dernière page tournée. Envoûtant.

(Le Prêtre et le braconnier, Benjamin Meyers, traduit de l’anglais par Clément Baude, Le Seuil, 288 pages, 23 euros)

Couverture du livre "Le Prêtre et le braconnier" de Benjamin Meyers. (Editions Le Seuil)

 

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