Rentrée littéraire 2024 : "Le chant des pentes" de Simon Parcot, la montagne poétique et la vengeance des hommes

L'écrivain marcheur signe un récit onirique sur la quête d'une jeune fille privée de voix, son chemin singulier pour briser les tabous de tout un village.
Article rédigé par Ariane Combes-Savary
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
 

Dans son second roman aux allures de conte pastoral, Le chant des pentes, sorti le 30 août aux éditions Le mot et le reste, l'écrivain et philosophe des sentiers Simon Parcot nous emmène une nouvelle fois vers les cimes.

L'histoire : La jeune Gayané est emmurée dans le silence depuis sa naissance. Comme une dizaine d'autres enfants de son paisible village de montagne, sa voix et le langage sont restés bloqués aux creux de son ventre. À la suite d'un rêve étrange, elle entreprend un voyage vers l'alpage et le sommet qui dominent le village. Un pays autrefois habité par une communauté de siffleurs redoutée de tous les villageois. Guidée par le doyen des bergers, la jeune femme emmène dans son épopée une contrebandière, son âne et son meilleur ami "au cœur trop grand pour ce village".  

C'est en chemin que les êtres progressent et les âmes s'élèvent

Simon Parcot n'a pas son pareil pour raconter la vie parfois étriquée dans les vallées, les souvenirs étouffés, les pâturages, les falaises escarpées et les sommets. L'écrivain de 29 ans fait parler les vautours et les morts pour mieux appréhender les secrets et les non-dits de toute une communauté. Seule l'ascension de Gayané et de ses compagnons d'aventure permettra de briser les tabous et de défaire les chaînes de plusieurs générations de villageois, héritiers des rivalités et des morsures d'autrefois.

Dans les récits de Simon Parcot, c'est en chemin que les êtres progressent, que les âmes s'élèvent et s'affranchissent. D'ailleurs, quand il n'écrit pas, celui qui est aussi professeur de philosophie organise régulièrement des "randos-philo" dans le massif des Ecrins, où il vit désormais, et aux alentours.

Dans un style proche de son premier roman intitulé Le bord du monde est vertical, Simon Parcot dit les paysages comme nul autre. Ici encore la montagne est le personnage principal. Tour à tour brutale, accueillante, féroce ou délicate, elle façonne les êtres, leurs peurs et leurs certitudes. Il faut monter haut, très haut pour percer les mystères de la vallée et s'en libérer.

Une communauté de siffleurs

Le roman met aussi à l'honneur une communauté de siffleurs. Il s'inspire de cette langue parlée autrefois par les bergers du village d'Aas dans les Pyrénées pour amplifier la portée d'une phrase. Et pour mieux appréhender ce langage, l'auteur a imaginé un sonogramme. Les syllabes sifflées par Gayané, la jeune femme privée de voix, prennent corps au fil des pages. Cette transcription graphique accompagne le récit, ajoutant encore un peu plus de poésie et de mystère.

Le chant des pentes raconte l'harmonie des hommes dans la nature, cette manière ancestrale de faire corps avec elle, la vie au plus proche des éléments. Il confirme sans conteste le talent de Simon Parcot pour nous emmener haut dans ces contrées verticales.

Photo de la couverture du roman "Le chant des pentes" de Simon Parcot (Editions Le mot et le reste)

Le chant des pentes, Simon Parcot, éditions Le mot et le reste, 173 pages, 18 euros, 30 août 2024

Extrait : 

Maniolos s'appuya sur son long bâton puis s'épongea le front.

- En attendant, cela reste entre nous, je tenais à vous féliciter pour votre initiative d'hier, sur la place de l'église. Quel panache, quel courage, quel culot ! Mais quelle intelligence aussi. Voyez-vous... comme le ciment tient les pierres d'un mur, les vies paisibles de nos villages tiennent sur les non-dits comme celui du mystère des siffleurs. C'était osé de mettre les pieds dans ce plat. Car le mur s'est fissuré, et il a même tremblé, les enfants ! Mais c'était nécessaire. Comme tu l'as bien dit Hélias au cœur trop grand pour ce village, il nous faut avoir le courage de regarder nos légendes en face, affronter nos rumeurs, crever nos tabous...

Il marqua une pause, baissa la voix :

- À la longue, ce secret nous aurait tous étouffés...

p 52

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