Rentrée littéraire : "L'Hôtel des Oiseaux", grande fresque humaine et écologique de Joyce Meynard
Dans ce nouveau roman foisonnant en forme de fresque, Joyce Maynard nous transporte en Amérique centrale dans les pas d'une jeune femme marquée par plusieurs tragédies, réfugiée dans un étrange hôtel entouré d'un jardin merveilleux. L'hôtel aux oiseaux est paru aux éditions Philippe Rey le 24 août.
L'histoire : Joan n'est encore qu'une toute petite fille quand sa mère meurt dans l'explosion d'une bombe dans un appartement Newyorkais. Pour échapper à l'enquête ouverte sur cette affaire de terrorisme dans les milieux d'extrême gauche, la grand-mère de la fillette déménage et rebaptise Joan Amelia, en lui implorant de ne jamais parler de son passé, ni de sa mère à qui que ce soit.
Alors qu'elle est devenue une adulte un peu sauvage et une artiste confirmée, Amelia est frappée par une autre tragédie, qui la pousse à tout quitter une fois encore. Au gré d'un voyage en bus sans destination, elle arrive à La Esperanza, un petit village au bout du monde quelque part en Amérique centrale, campé au bord d'un immense lac aux eaux turquoise surplombé par un volcan. La jeune femme pose ses valises dans un hôtel délabré, entouré par un magnifique jardin luxuriant, tenu par Leila, une femme solitaire entourée d'un personnel fidèle, qui accueillent la jeune femme sans poser de questions…
"Tout paradis a aussi ses serpents"
Le village est peuplé d'une curieuse faune où cohabitent les populations locales vivant simplement et des étrangers de passage ou installés, venus du monde entier, vieux hippies adeptes de contre-culture, âmes en quête de sens ou néocolonialistes malsains. Amelia prend peu à peu racine dans cet étrange environnement, mais réussira-t-elle à surmonter les deuils qui l'ont frappée ?
Dans ce nouveau roman, Joyce Maynard dresse la peinture d'un microcosme humain campé dans un lieu enchanteur, où la nature joue à la fois un rôle de ressourcement, presque magique, mais peut aussi se révéler menaçant. Une nature en tout cas suffisamment puissante pour remettre les humains et leurs drames personnels à leur place.
Dans ce coin reculé chargé de mystère, où se croisent toutes sortes de personnages en quête de sens, Amelia avance pas à pas, sans programme préétabli, se laissant guider par le rythme des saisons, les rencontres, l'entretien et la réfection de l'hôtel, et la joie de voir se déployer un jardin dont elle prend soin à la suite de son hôtesse Leila, et qu'elle dessine chaque jour. Mais elle traverse aussi les tempêtes, car "tout paradis a aussi ses serpents".
Les vertus du hasard
Dans une langue très visuelle, et une construction en chapitres courts offrant de multiples bifurcations sur des chemins secondaires, la romancière américaine fouille l'âme humaine, nous invitant à un voyage en terre inconnue, comme son héroïne, saisie par la beauté des lieux et la diversité des caractères.
Amelia se construit, se reconstruit heure après heure, jour après jour, année après année, observant puis s'attachant peu à peu au monde qui l'entoure, aux enfants qui grandissent, aux éléments qui tantôt l'accompagnent, tantôt se déchaînent avant de retrouver leur calme…
L'hôtel aux oiseaux est un hymne à la vie. Celle qui raconta dans Et devant moi, le monde son histoire destructrice avec l'écrivain J.D. Salinger (Philippe Rey, 2010), chante dans ce nouveau roman lumineux les vertus du hasard, de l'instant présent et l'ouverture aux beautés simples du monde, à l'altérité et à la fraternité, seuls remèdes aux inévitables tragédies de l'existence.
"L’Hôtel des Oiseaux", de Joyce Maynard, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Lévy-Paoloni (Philippe Rey, 528 p., 25 €, numérique 16 €).
Extrait :
Je pensais que personne ne me retrouverait là où j’étais maintenant. En montant dans le bus vert, je n’avais révélé à personne qui j’étais ni où j’allais. Je ne le savais pas moi-même. "On peut recommencer de zéro ici, m’avait dit Leila le premier soir. Pour quelqu’un qui cherche à échapper à sa vie, il n’existe pas de meilleur hôtel que celui-ci." ( L'hôtel des Oiseaux, p. 121).
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