Rentrée littéraire : trois raisons de lire "Goldman" d'Ivan Jablonka, déclaration d'amour socio-historique au chanteur à succès
Lorsque Jean-Jacques Goldman a quitté la scène il y a plus de vingt ans, il ne s'attendait sans doute pas à rester aussi populaire. À 71 ans, l'artiste a écoulé plus de trente millions d'albums et composé 300 chansons. Et continue de faire l'évènement, même en son absence.
Pour preuve, le nouvel essai de l'historien Ivan Jablonka, Goldman, sorti le 18 août et consacré au chanteur star. Incontournable de la rentrée littéraire 2023, le livre de 400 pages relate l'épopée de ce fils de Juifs immigrés, devenu icône de la chanson française, avant de tout lâcher pour se consacrer à sa vie de famille. Goldman est publié aux éditions du Seuil. Pourquoi faut-il lire cet essai ? Franceinfo vous partage trois bonnes raisons de filer en librairie et entreprendre à votre tour un voyage historique.
1Plonger dans l'"archéologie d'une époque"
L'historien en fait la promesse dès les premières pages : son nouvel ouvrage "n’est pas une “biographie de star”, ni une mine de révélations sur "l'homme secret”." Même si Goldman est construit de manière chronologique, Ivan Jablonka ne se contente pas de relater la vie du chanteur. Il livre un vrai “travail de sciences sociales", dresse l'"archéologie d’une époque". Celle d'un artiste pionner de la pop française, débarqué d'une banlieue sans histoire, héritier des idéaux du Front populaire plutôt que de Mai 1968. Bien loin de la "bof génération", "rangée, sans révolte ni désir, tristement conformiste", décrite par le Nouvel observateur en 1978.
À partir de ses recherches, de témoignages de fans, et d'anecdotes sur le chanteur, toujours à propos, l'écrivain raconte la trajectoire d'un personnage au croisement de plusieurs influences. “Pour faire de la chanson son vrai métier, Goldman a dû la transposer dans l’univers qui était le sien : artisan, populaire, français."
2Comprendre "le mythe" Goldman par un effet miroir
Ivan Jablonka a fait du "mythe" Goldman le fil rouge de son essai. L'énigme est la suivante : comment un artiste qui a disparu des radars il a plus de vingt ans peut-il être la personnalité préférée des Français depuis douze ans, selon le classement annuel du JDD ? L'historien s'applique à décrypter ce savant et passionnant mélange de tubes à succès, d'une réputation morale à (quasi) toute épreuve et d'une communauté de fans durable.
Lui-même fan de l'artiste, I'écrivain explique en préambule de son texte pourquoi son choix s'est porté sur Goldman. "Ce livre est aussi un autoportrait, car je me regarde en Goldman comme dans un miroir. À son égard, je ressens moins une vénération de fan [...] qu’une proximité familiale, politique et même psychologique, et c’est sans doute pour cela que j’ai l’impression de le connaître sans jamais l’avoir croisé."
3 Découvrir les années 1980, une "décennie miraculeuse"
“Dans les années 80, Goldman est partout : habitué des plateaux télé, il sature la bande FM, fait la une de la presse jeune, vend des millions d’albums, collectionne les disques de diamant, remplit les salles à guichets fermés au cours de tournées monstres”, explique Ivan Jablonka dans Goldman.
Composer la bande-son d'une décennie, ça ne s'improvise pas. Pour comprendre le succès "foudroyant et tardif" de "JJG", l'historien décortique aussi l'industrie musicale des années 1980. Essor des radios libres, fin du monopole d'Etat de la radiodiffusion, lancement du Top 50 sur la toute jeune chaîne Canal+, inauguration du Zénith de Paris en 1984...
Pour que Jean-Jacques devienne Goldman, il fallait, outre du talent et un peu de chance, des opportunités. "Les tubes de Goldman n'auraient pu se diffuser, ses disques se vendre, sans l'efficacité d'un marché en pleine mutation." Au-delà de l'artiste, c'est toute une époque que raconte Ivan Jablonka.
Goldman, Ivan Jablonka (éditions du Seuil - 400 pages - 21,90€)
Extrait :
"Goldman a été confronté à trois défis successifs. Pendant les années silhouette, il s'agit d'exister comme chanteur. Pour cela, Jean-Jacques doit échapper à son destin sociologique, sans pour autant trahir sa famille ; poursuivre l'intégration, tout en sortant du troupeau. Changer la vie, telle est la mission des années 1980. Si Goldman a vécu une décennie miraculeuse, c'est en conciliant ambition et modestie, énergie et pragmatisme. De nouveaux engagements, entre le communisme moribond et le socialisme de gouvernement, ont permis de défricher l'avenir. Par humilité, fatigue de célébrité ou sentiment d'inadéquation avec son temps, Goldman s'est trop dirigé vers l'absence. [...] Mais l'effacement de Goldman est devenu un mode d'existence. En s'évanouissant, il demeure à nos côtés."
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