"Tout le monde garde son calme" : la cavale fantastique sous Giscard d'Estaing de Dimitri Kantcheloff
Pour son troisième livre, Dimitri Kantcheloff nous embarque dans une cavale invraisemblable d'un couple atypique, vivant à 100 à l'heure, avec Tout le monde garde son calme (éditions Finitude), paru vendredi 10 janvier, un roman malicieux, espiègle, plein d'humour. Son personnage principal, Victor Bromier, perd son emploi et ses illusions. Il marche d'un pas décidé même s'il n'a pas de destination. Et quand il se retrouve sur les quais de la Saône, il espère qu'une vague vienne l'emporter. "Il ne pouvait se résoudre à sauter. Pas plus qu'il n'envisageait la pendaison ou l'empoisonnement. Était-ce la fierté, ou une certaine forme de lâcheté, une force étrange l'empêchait de mettre fin à ses jours."
Victor Bromier est le profil type du winner, un cadre commercial gagnant bien sa vie, avec femme et enfant, et une maison à crédit dans la banlieue lyonnaise. Tout s'écroule en une journée hivernale de 1979. Son patron a jugé urgent et utile de se passer de ses services.
Révolution, sexe et braquages
L'ex-VRP affronte une question existentielle : que va-t-il devenir ? Pour réfléchir : quelques whiskies, rien ne vaut la compagnie de Jack, Jack Daniel's. Dire la vérité à Monique, son épouse, lui mentir encore et encore ou disparaître complètement de sa vie sans un mot ni explication ? Victor Bromier, impuissant, se noie dans l'alcool dans un bistrot. Puis, Corine fait son entrée dans le bar-tabac, et bouscule à jamais la vie du petit-bourgeois.
Corine est belle, punk, révolutionnaire et braqueuse de banques. Corine est authentique. À son contact, Victor observe qu'il a toujours vécu dans le mensonge. Et il se met à nu devant la passionaria. Fini le paraître, place à la sincérité. "Il comprit à cet instant qu'il en avait fini avec l'imposture. À Corine, il ne devrait que la plus stricte vérité, comme pour rattraper auprès d'elle les mensonges accumulés avec les autres." Alors, Victor devient lui aussi révolutionnaire et braqueur. Et amoureux. Et – surtout – vivant. Même si pour passer une nuit avec Corine, il a dû lui obéir et lire d'une traite La Société du spectacle de Guy Debord.
Avec un style nerveux, Dimitri Kantcheloff, déjà remarqué avec son deuxième roman Vie et mort de Vernon Sullivan (Finitude, 2023), fait revivre une époque que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Ses remerciements à la fin du livre sont un hommage à des artistes qui l'ont marqué, de Michel Audiard à Henri Verneuil en passant par Jean-Pierre Marielle ou encore Mireille Darc. Avec son écriture cinématographique, il rend la cavale de Corine et de Victor plus vivante, plus tangible. Tout le monde garde son calme se lit avec un sourire accroché au visage tout au long des 185 pages du livre.
"Tout le monde garde son calme", Dimitri Kantcheloff, éditions Finitude, 18 euros
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