La sélection Renaudot l'a révélé : le boom de l'autoédition en France
La sélection par le jury du Renaudot d'un livre autoédité et diffusé en exclusivité sur Amazon ("Bande de Français" de Marco Koskas) a provoqué la colère des libraires, remontés contre le géant américain, et mis un coup de projecteur sur cette pratique.
Preuve de cet engouement : 17% des livres publiés en France l'an dernier (avec un dépôt légal) étaient autoédités contre 10% en 2010. Et chaque semaine, sur les 10 meilleures ventes du géant du commerce en ligne Amazon, jusqu'à 4 livres sont autoédités.
"C'est incroyable le nombre de Français qui ont un projet d'écriture !"
Le succès mondial de "Cinquante nuances de Grey" (après une première publication confidentielle sur internet) puis la découverte en France d'Agnès Martin-Lugand et Aurélie Valognes, auteurs de best-sellers, y sont pour quelque chose.De fait, "c'est incroyable le nombre de personnes qui ont un projet d'écriture", souligne Julie Drouet de Books on Demand (BoD), qui accompagne près de 40.000 auteurs en Europe. "L'autoédition leur permet de sauter le pas, sans plus attendre." Et sans avancer de fortes sommes, comme pour l'édition à compte d'auteur.
"L'autoédition, c'est un choix"
"L'autoédition, c'est un choix, ce n'est pas seulement par crainte de se faire refouler par les grandes maisons", confirme Frédérique Hoy, une enseignante en congé parental qui a publié trois romans à la tonalité noire sur la plateforme KDP d'Amazon. "Écrire, c'est réaliser un rêve", explique celle qui s'est lancée dans l'aventure il y a seulement un an.Édition quasi-immédiate (en version papier et/ou numérique), rapport direct avec les lecteurs et liberté de choix sont les arguments avancés par les auteurs. Autre atout de taille : la rétribution pouvant aller jusqu'à 70% des ventes (contre 10% chez un éditeur traditionnel). "Toute décision qui serait prise par un éditeur est ici prise par l'auteur", explique Ainara Ipas, de KDP, lancé en 2011 dans l'Hexagone et en 2007 aux États-Unis, comme la couverture et le prix.
Aurélie Valognes, de l'autoédition à Fayard
Revendiquant trois millions de lecteurs, Aurélie Valognes a ainsi bricolé une couverture avec un fond Vichy pour son premier roman "Mémé dans les orties", vendu à 25.000 exemplaires en autoédition (à 2,99 euros) avant d'être repéré et édité chez Michel Lafon."La couverture Vichy, c'est la meilleure décision de ma vie", se souvient celle qui en a depuis fait sa signature visuelle, malgré les réticences de sa première maison d'édition. Aujourd'hui, Aurélie Valognes publie chez Fayard et prépare son 5e roman.
Le secteur s'est professionnalisé, l'offre est énorme... et le lecteur intraitable
En dix ans, le secteur de l'autoédition s'est professionnalisé, les auteurs faisant appel à des experts (correcteurs, graphistes, communautés de lecteurs...) ou en s'inscrivant dans des groupes Facebook pour partager leur expérience. Le plus dur est souvent de trouver son lectorat. Sur Amazon, les auteurs autoédités doivent se distinguer dans une offre pléthorique, de 5 millions de livres numériques et 20 millions de livres papier. Et les lecteurs peuvent être vite intraitables. "Un livre bourré de fautes d'orthographe, ça se sait très vite", glisse Frédérique Hoy.Des systèmes de notes et d'étoiles, les commentaires sur les réseaux sociaux et des offres spéciales permettent aux auteurs de se démarquer. Le marché s'est également structuré avec des prix "ad hoc", comme le concours des Plumes Francophones, qui sera décerné le 9 octobre par un jury présidé par Bernard Werber. Plus de 1.500 manuscrits provenant de 50 pays ont été reçus.
"On croyait que la tablette allait tuer le livre, ce n'est pas le cas", a estimé dans le Point Patrick Besson, juré du prix Renaudot, séduit par le livre de Marco Koskas. Il fait depuis face à une levée de boucliers de professionnels, se disant plus inquiets de l'hégémonie d'Amazon que du seul phénomène de l'autoédition. Affaire à suivre le 3 octobre avec deuxième sélection du Renaudot, qui sera remis le 7 novembre.
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